Chapitre 29 : Une marée de lave.

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Blear se releva sur les coudes, perdue sous sa crinière. D’un coup sec, elle la dégagea. À la recherche d’un point de repère, son regard navigua sur la marée de lave qui s’étendait au sol. Celle-ci s’égouttait depuis les rideaux, où la lumière du lampadaire extérieur s’écrasait. Deux flashs blanc la capturèrent, ainsi que le lointain bruit de pneus crissant contre le tarmac.

Sa joue rejoignant à nouveau l’oreiller, Blear retrouva le calme, si ce n’étaient les lourdes respirations dans son dos. Sur celui-ci, une caresse s’écrasa, lui indiquant que Dossan était réveillé. Ce dernier l'invita à se tourner dans sa direction, là où nez contre nez, l’obscurité reprenait place.

  • Qu’est-ce qu’il y a ? marmonna-t-il, entre deux souffles.
  • J’ai cru entendre une voiture…

Il déposa son front contre le sien, à la recherche de contact. Sa main se pressa contre sa taille.

  • J’ai pensé que c’était toi qui partais.
  • Non, c’est…

Le murmure qu’il lui adressa était à peine audible. Alors que ses yeux s’habituaient à la nuit, ou à la noirceur du matin, comme l’indiquait les six heures inscrites sur le réveil, Blear détailla son visage. Ses paupières closes, ses lèvres entrouvertes,... Même comme cela, il arriva à trouver la force de se rapprocher, en avançant son corps vers le sien et avec la volonté de fer de ne plus laisser aucun espace entre eux. La place entre leurs poitrines devint si moindre que même leurs souffles ne pourraient s’échapper. Elle sentit le sien glisser sur ses lèvres. Au bout de celles-ci, Blear se redressa. Les doigts tout mous de Dossan, à cause de la fatigue, ne la retinrent pas. Au contraire, son bras s’écrasa contre le matelas, où en faisant l’effort d’ouvrir les yeux, il vit sa silhouette se récolter. Blear enfilait les chaussons qu’il lui avait prêtés, assise au bord du lit, et à l’aveuglette, sa longue chevelure tombant dans son dos. Le parfum qui s’en dégageait, à chaque mouvement, le rendait ivre, tout comme chaque vêtement qu’elle portait de lui, imprégné de son odeur, l’amenait régulièrement à les renifler.

Elle porta sa manche à son nez, en se demandant, si les effluves venaient de son haut et du corps qu’il mouvait dans les draps. Ce corps grandit, adulte, qui s’écrasait lourdement entre les couvertures et les oreillers,... Blear prit appui sur ses genoux pour se lever. Les chaussons, trop grands pour elle, émettaient des frottements contre le sol qui l’empêchait de quitter une pièce en toute discrétion.

Sans surprise, Dossan, à moitié endormi, releva quand même la tête de l’oreiller :

  • Tu vas où ?
  • Boire un coup, dit-elle de manière à le rassurer.
  • Hum…
  • Il est déjà six heures, je vais me préparer.

En disparaissant dans le couloir, elle entendit le poids de son corps retomber dans le lit. Il ne tarderait sûrement pas à la rejoindre. Blear trouva son chemin à l’étage, en passant devant la chambre de Kimi, vide, puis devant celle de Leroy. Elle jeta un œil dans l’ouverture, où le gamin lui apparut, une jambe en dehors de son lit. Ce dernier dormait avec une veilleuse. Il lui avait avoué que depuis l’enfance, il n’avait jamais dormi dans le noir complet, et encore moins dans la rue. Ce regard qu’elle lui porta ne dura qu’une poignée de secondes. Sans faire un bruit, elle referma d’un cran la porte, et continua sa route jusqu’au rez-de-chaussée.

Là, elle alluma la plus faible des lampes, pour constater que Chuck avait découché. S’était donc lui qui était parti. Blear croisa les bras devant la fenêtre qui donnait sur l’allée, alors vide. Elle soupçonnait qu’il n’ait pas dormi après leur longue discussion. Où était-il parti ? C’était encore une autre histoire. Il restait une crêpe de leur veillée, qu’elle décida de s’attribuer comme petit-déjeuner. L’idée de se préparer un café s’effaça avec les pas de Dossan, qu’elle entendit, fatigués, la rejoindre.

  • Tu es cruelle. C’est trop tôt, souffla-t-il, en s’écrasant contre son dos de tout son poids. Reviens près de moi.

La façon dont ses mains entourèrent son ventre lui fit serrer les jambes. L’invitation à le rejoindre dans le lit était alléchante. L’ennui était qu’elle n’arriverait certainement pas à se rendormir à ses côtés.

  • Je n’arrive plus à dormir.
  • Pourquoi ?
  • La voiture m’a réveillé… Je suis inquiète, où est Chuck ?
  • Il fait ça de temps en temps, répondit Dossan, le plus naturellement du monde. Quand il arrive pas à dormir, il va faire un tour.
  • Je me demande bien où…

Doucement, en se frottant les yeux, Dossan sortait de son état somnolent. Il observa Blear qui se maintint contre le plan de travail. Le haut de son pyjama, qu’il lui avait prêté, était trop grand. La chemise laissait entrevoir ses fines clavicules. Dossan n’avait jamais vu aussi appétissant dans sa cuisine. Il attrapa sa main en guise de promesse. Chuck ne tarderait sûrement pas à revenir, à l’inverse de Blear qui s’apprêtait à partir. Voilà pourquoi Dossan n’aimait pas les petits matins.

  • Qu’est-ce que tu as prévu, aujourd’hui ? demanda-t-il en passant son pouce le long du sien.
  • J’aimerais passer à la maison, récupérer quelques papiers avant de rejoindre Marry chez elle.
  • Ça nécessite de partir aussi tôt… ?

Blear ne pouvait résister à cette moue. L’angle de sa tête quémandait sa présence à la manière dont le ferait un chiot.

  • Dossan…

Attendrie, elle enroula ses bras autour de son cou, où il se logea sans réserve. Sous sa chemise trop grande, la poitrine de Blear s’écrasa, glissa, contre son torse, à mesure qu’il la serra plus fort. Elle sentit ses talons décollés du sol. En rien endiguée, elle se noya dans l’expression qu’il lui montra. Elle suivit son regard, qui descendit à niveau des premiers boutons de son haut. La poitrine de Blear se bomba en comprenant ce que ses yeux cherchaient à déshabiller. Ce que ses doigts creusant, sur ses côtes, demandaient à toucher. Il les glissa sous le galbe de son sein tandis que les autres se portèrent à sa mâchoire. L'œil qu’elle plissa à ce contact se ferma aussitôt avec l’autre quand il l’embrassa. Les baisers de Dossan ressemblaient à des friandises : sucrées et gourmandes.

Elle pressa ses lèvres l’une contre l’autre, en tentant de garder de la réserve. La main sur son torse servit à le garder sous contrôle :

  • Tu oublies que Leroy est en haut, dit-elle en riant singulièrement.

Il se rapprocha à nouveau de sa bouche, ses yeux plantés dans les siens.

  • Je n’ai pas oublié, non.
  • … On ne peut pas. Pas comme ça, avec un de nos enfants à l’étage, non…

La déception n’était pas des moindres. Dossan ne se gêna pas de lui faire remarquer avec une petite taquinerie :

  • Parfois, je me demande comment tu as fait pour mettre tes deux autres enfants au monde alors que tu avais Billy.
  • Ce n’est pas pareil ! C’était mon mari et… Non, ce n’est pas ce que je veux dire.
  • Ça peut s’arranger, dit-il, en lui attrapant les hanches.

Des étoiles tombèrent dans les yeux de Blear.

  • Tu voudrais… que l’on se marie ?
  • Ha, pouffa-t-il. Si ce n’est pas avec toi, je ne sais vraiment pas avec qui je me marierai ! Je rêve de te voir en robe blanche, ajouta-t-il en lui embrassant le dos de sa main, d’un air joueur et charmeur.
  • Tu… tu dis ça pour m’amadouer, répondit Blear, qui se tourna vers le plan de travail, trop empourprée pour lui faire face
  • Pas le moins du monde, lui murmura-t-il en s’accolant. Un de ces jours, je te ferai ma demande. Bon, si ça fonctionne, c’est un plus…

Railleur, il se prit une tape sur la main. Blear croisa les bras pour l’empêcher d’avoir accès à quoi que ce soit.

  • Tu traînes définitivement trop avec Chuck.

Il leva les yeux au ciel. Maintenant, il l’encadrait totalement, un bras de chaque côté appuyé au plan de travail derrière elle.

  • Désolée. C’est juste que je ne me sens pas à l’aise avec Leroy en haut. Ici, c’est petit alors…
  • D’accord, répondit-il, sagement.
  • … Tu n’as pas l’air convaincu ?

Il marqua un temps et un mouvement de tête qui lui donnait raison. Dossan poussa un semblant de soupir :

  • Quand nous étions chez toi, dans ta très grande maison, qui possède nombre de chambres d’amis, tu m’as dit la même chose vis-à-vis de Charles.
  • C’est parce que… Il se déplace beaucoup dans la maison, du fait de son travail.
  • Hum, acquiesça-t-il.

Elle comprit qu’elle pouvait encore bien brasser de l’air.

  • Puis, le faire là où John-Eric et moi avons…
  • Vous vous êtes amusés dans toutes les chambres ?
  • Quoi, non ! Et ça ne te regarde pas, d’abord… euh…

Blear enfonça son visage dans ses paumes tandis qu’un rire s’élevait au dessus d’elle. Elle entrouvrit ses doigts pour découvrir le regard de Dossan, plongé droit dans le sien. Elle décida d’abandonner, ses épaules lasses en témoignant. De suite, il en encadra une en l’embrassant au niveau de la tempe.

  • Qu’est-ce qui te fait peur ? Tu peux m’en parler. Car si ce n’est pas ça, il n’y aura jamais de bon moment. Tu le sais ?
  • … Oui, murmura-t-elle.
  • Il y aura toujours un enfant dans nos pattes, Charles en train de nettoyer, ou Chuck dans les parages. Moi aussi, j’aimerais que l’on soit seul, au moins une fois, mais…
  • Ce n’est pas ça, dit-elle. Du moins, pas que ça… J’ai peur de ne pas être à la hauteur.

Elle vit combien ça n’avait pas de sens pour lui, mais de son côté, l’idée hantait ses pensées.

  • Et si… ce n’était pas si bien ? Maintenant que nous sommes adultes, je vois tout ça différemment. J’imagine à quel point cela doit être incroyable de faire l’amour avec toi, mais et si, tu étais déçu au bout du compte ? Je ne suis pas mieux qu’une autre…

Il attrapa son visage avec toute la délicatesse du monde et la poigne nécessaire pour lui faire entrer cette information dans son crâne :

  • Tu es mieux qu’une autre.
  • Tu ne comprends pas ce que je veux dire… dit-elle en se détournant.
  • Si, je comprends tout à fait. Tu as été marié vingt ans au même homme. Et avec lui, visiblement, tu t’en fichais que les enfants soient présents ou non. Tu ne crois pas que je ressens aussi de la pression ?

Le ton qu’il employa était un peu plus dur.

Blear ne cessait de se déjouer :

  • Tu n’as pas l’air du tout nerveux.
  • Je vois, tu as décidé de te la jouer têtue.
  • Je ne suis pas têtue.
  • Si, tu l’es. Dis-moi ce qui te rassurerait ? Comment puis-je te prouver que tu es à la hauteur ?
  • Je ne sais pas… Tu vois ! fit-elle en envoyant un geste dans le vide. Si on se dispute à propos de tout ça, comment veux-tu qu’on arrive à le faire…
  • Tu te cherches des excuses.
  • … Ha, non pas du tout !
  • Je ne pense pas que tu aies autant réfléchi quand on s’est retrouvés la première fois. Pourtant, tu étais bien accrochée, avec tes jambes écartées sur le fauteuil.

Une de ses mâchoires se décrocha.

  • Mais tu n’as aucune honte ! Tu venais de me dire que tu m’aimais, après toutes ces années, tu ne penses pas que j’avais envie de… de te récupérer ? De te sentir contre moi, de…
  • Il est toujours temps.

Il leva un sourcil. Blear se sentit bouillir. L’adrénaline lui fit faire un mouvement vers lui, mais il l’attrapa par la nuque en premier. Il la tira vers lui pour l’embrasser à pleine bouche. D’un geste, il fit sauter les boutons de son haut. Il révéla une poitrine parfaitement à la hauteur, recouverte d’un sous-vêtement qui ne pouvait le rendre autrement que fou. Dossan la dévisagea, effectivement, frappé par ses désirs. Il l’emmena jusqu’à la table du salon, où elle se laissa aller, poussée par ses mains, par ses baisers, qu’il dédia à son cou, à sa poitrine,... Elle soupira en l’accueillant entre ses jambes, à la manière dont elle aurait aimé le recevoir dès la première fois. Un instant, les poussèrent à se regarder. Dossan en profita pour enlever son t-shirt.

  • Tu veux vraiment le faire comme ça ? dit-elle, à bout de souffle.
  • Oui, je veux le faire comme ça.

Il le fit voler à travers le salon.

  • Pas toi ?

Blear détailla la peau nue de son torse. Il était plus large qu’avant. Plus musclé, plus sexy. Plus avide… Autant qu’elle ne l’était. Elle n’aurait jamais cru user de provocation. En resserrant son étreinte, elle se sentit l’âme de le mettre au défi. La paume de Dossan claqua contre la table, à quelques millimètres de son visage. Pétrifiée, elle se fit à nouveau conquérir les lèvres, la chaleur dans son ventre grandissant au gré qu’elle sentit celle de son torse se répandre contre sa poitrine. Elle le sentit, nerveux, ses doigts accrochés aux siens, la pointe de ses cheveux chatouillant son front, ses yeux gravés de désir,... Enfin, il la tenait.

***

  • Ce fut intense.

Marry déplaça une de ses mèches de cheveux pour la ranger, épanchée sur la boîte qui résidait au milieu de la table de son salon. Elle jeta un œil à son amie, qui revint à ses esprits, presque comme si de rien était.

  • Tu as fait un excellent travail, Blear. Je te remercie. Si ça n’avait pas été toi, je ne pense pas qu’on aurait pu avancer si vite.
  • L’honneur revient aux joailliers que j’ai choisis.
  • Comme tu le dis, c’est toi qui les as choisis.

La blonde lui accorda un clin d'œil. Elle se perdit ensuite à nouveau au travers des bijoux que présentait cette boite. Toute dorée, elle se suffisait comme objet de collection. Le premier tiroir, présentait une panoplie, collier, bracelet, boucles d’oreilles, ornés de joyaux d’un noir profond, et couchés sur une plaque en verre fumé. Au travers, l’on pouvait découvrir les mêmes ornements, dissimulés dans un deuxième tiroir. Il suffisait de tirer sur le côté pour alors tomber nez-à-nez avec des bijoux aussi rayonnants que le soleil.

  • Ça va le faire. Qu’est-ce que tu en penses ?
  • Je suis du même avis.

Cette boîte à bijoux représentait la parfaite dualité qui existait entre Marry Stein et Katerina Hodaïbi, et elle n’était qu’une folie réalisée par l’une de leurs meilleures amies. Un ajout à leur collection de sous-vêtements qui portait le même nom.

  • Eclipse jewels… dit Blear, en caressant du bout des doigts la gravure sur la boîte du bout des doigts. Quand pensez-vous annoncer le lancement ?

Côte à côte, les deux femmes se jaugèrent. Il y avait une personne de plus à cette table. Marry accorda un regard à son fils.

  • Très prochainement, mais pas tant qu’Alex n’aura pas terminé sa peine. Qu’est-ce que tu fais encore là, d’ailleurs ? Tu n’as pas une dissertation à écrire ?

Ce dernier leva le nez des croquis finaux de la collection. Il referma le grand cahier, et s’exécuta sans rien dire, visiblement touché de ne pas être invité au reste de la partie.

  • Je m’étonnais de le voir, avoua Blear. Que s’est-il passé ?
  • Ha, je ne peux pas te le dire exactement, mais il s’est battu avec un camarade de classe. Il a été exclu une semaine.
  • Il n’avait pas l’air très en forme. Je comprends mieux.
  • Ça ne va pas fort avec Faye en ce moment. Ils se sont séparés…

Marry étudia la réaction de Katerina. Elle était définitivement au courant de la situation, mais cette dernière s’enferma dans le silence. Cela ne les regardait pas.

  • C’est bien dommage, répondit Blear, d’un ton désolé.
  • … Ce qui l’est moins, c’est comment les choses avancent avec Dossan, dit Marry, d’un air malicieux.
  • Que veux-tu dire… ?
  • Oh, arrête. Vous l’avez fait, non ?

C’était la deuxième fois que Blear se retrouvait bouche bée de la journée. Elle décida de se la jouer Marry Stein.

  • Toi et Chuck, vous vous ressemblez vraiment.

Comme prévu, cela la plaça en alerte.

  • Il m’a fait la même réflexion quand nous avons discuté l’autre jour…
  • Tu as parlé avec Chuck ?
  • Peut-être.

Elle voyait maintenant clair dans son jeu. Il y avait des mois que Marry n’était plus en contact avec le Richess.

  • Ce n’est pas drôle. Dis-moi où il se cache.

Blear tapota son index sur ses lèvres, ce qui fit bien rire sa voisine. Il était rare que la blonde se trouve en position de faiblesse. N’étant pas cruelle, Blear décida de lui donner un petit indice :

  • Il est là où personne ne s’en douterait. Si ce ne sont les personnes qui le connaissent bien.
  • Personne ne connaît bien Chuck…
  • Ah oui ? Tu crois que tu es la seule personne à l’avoir décousu ?
  • C’est évident, pourtant, dit Katerina, qui s’arma d’un journal.
  • Comment ça, c’est évident… !

En lui arrachant le journal des mains, Marry tomba sur une page où Chuck apparaissait en bonne compagnie. Elle avait été si prise par les dernières finitions de la collection qu’elle n’avait pas pris le temps de s’intéresser aux dernières nouvelles. Elle le ferma d’un coup, folle de rage :

  • Je le savais, il est avec celui avec qui tu as couché !
  • Arrête de dire ça !

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