Chapitre 4 : Le petit ami.

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D’un geste amoureux, Loyd déplaça une mèche derrière l’oreille de sa belle.

  • Je ferai n’importe quoi pour toi. Quoi que tu décides d’entreprendre, je te soutiendrai, mais il y a une chose que je ne suis pas prêt à faire délibérément. Je ne souhaite pas manquer de respect à ton père. À l’homme dont j’ai envie de marier la fille, tu comprends ?

Perlée de douceur, Laure acquiesça.

  • Peut-être que je manque de courage ?
  • Non. Pas du tout.
  • Je préfère rester quelque temps dans ton ombre, dit-il en embrassant le dos de sa main. C’est important pour moi, et puis, je pense à ma mère. À ce qu’elle essaye de construire pour le moment. Je n’ai pas envie de la mettre dans une position compliquée.
  • Oui, je comprends. Moi non plus, je ne voudrais pas qu’elle ait une mauvaise image de moi.

Il caressa sa joue et la contempla minutieusement. Chaque grain de sa peau. Laure fit de même. Ils arrivaient toujours à être sur la même longueur d’onde.

  • Si tu as besoin d’un duo d’affaires, je suis sûr que tu peux en trouver un facilement.
  • Tu crois ?
  • Personne ne te vient à l’esprit ?
  • Eh bien,... hésita-t-elle, en se pinçant les lèvres.
  • Tu sais que ça fait longtemps qu’on a déposé les armes ? Je ne t’en voudrais pas de le choisir. Je crois même que ça m’inspire quelques idées pour le nom de cette conspiration.
  • Loyd…

Une flamme brûlait dans son regard tandis que leurs doigts se croisaient.

  • Merci.

***

  • SKy !

Quand le brun entendit son nom résonner dans la maison, il se retourna sur sa chaise de bureau.

  • C’est toi qui as mangé la dernière tartelette ?!

En face de lui, Lysen semblait plus remontée que jamais, une fourchette en main. Le grand-frère soupira.

  • Je vais devoir mettre un écriteau : “interdit aux petites soeurs chiantes, hashtag Lysen dégage de là!”
  • Sale égoïste ! Je me l'étais mis de côté exprès !
  • On se demande qui est l’égoïste.

Sky prit l’initiative de se lever et de nier l’affamée en lui passant sous le nez. Autant dire, qu’elle le prit mal.

  • Où tu vas ??
  • Calme tes nerfs. Je descends résoudre cette énigme.
  • … Comment ça ?
  • Ce n’est pas moi qui l'ai mangé.
  • … Tu mens…
  • Ah oui ? Alors suis-moi, et nous verrons.

Intriguée, Lysen se prêta au jeu. Les frères et sœurs descendirent jusque dans le salon. À chaque fois que Charles les voyait ensemble, il avait l’impression de vivre une douce illusion.

  • Ça suffit le cinéma, claqua Sky à la figure de ce dernier. Charles. Serais-tu où se cache notre chère mère ?
  • Elle est dans son bureau. Je ne pense pas qu’il s’agisse du bon moment pour la déranger… Elle est au téléphone à ce que j’ai compris…
  • Raison de plus. Suis-moi.

Cette fois, il avait piqué tout son intérêt. Telle une espionne, Lysen tint ses arrières. Sky se mit à chantonner la mélodie de Mission Impossible.

  • Tululu, lança Lysen dans son dos.
  • Shhhh ! Nous y sommes !

Au bout du couloir, le vieux majordome ne les arrêta pas, amusé de la situation. Que prévoyaient-ils exactement ? Sky déposa doucement sa main sur la poignée de la porte menant au bureau, un doigt écrasé sur ses lèvres. Les yeux brillants, Lysen réunit les siens en revolver, appuyé au mur opposé.

Sky enclencha la poignée, la porte s’ouvrant violemment.

  • Pris sur le fait !

La cuillère en bouche, et les joues pleines, Blear faillit recracher la tartelette tant convoitée par sa fille.

  • Maman ! s’insurgea cette dernière.
  • Tu vois, fit Sky en haussant les sourcils. Ce n’est pas moi.

Elle toussota avant d’avaler, écrasant ces deux imbéciles de yeux ronds.

  • Vous êtes fous ! J’ai failli m’étouffer ! Bon sang, jura-t-elle en apportant le téléphone à son oreille, sa voix devenant soudainement plus douce. Écoute, je dois te laisser. Oui, faisons ça. À plus tard.

Le pouce encore sur la touche pour décrocher, Blear s’attarda dans ses pensées. Elle avait les pommettes remontées. Le fait que ses enfants se tenaient devant son bureau lui revint. Sky avait la lèvre retroussée et Lysen les yeux rivés au plafond.

  • Je… - elle ne sut quoi ajouter -...
  • Maman. Je te préviens.

Le ton dur de Sky lui glaça le sang.

  • Si tu continues comme ça, tu vas prendre du poids.
  • Oui ! Rends-moi mes kilos, réclama Lysen.
  • Que… ? Comment ça… ? Je…
  • Tu n’arrêtes pas de te goinfrer !
  • Mais c’est… faux…
  • C’était mon gâteau…

Lysen se prit une tape derrière le crâne. Elle l’agaçait à piailler. Elle aussi ne faisait que manger ces derniers temps. L’amour, sans aucun doute.

  • Pas sûr que ton amoureux secret apprécie que tu deviennes obèse, lui lança-t-il, d’un ton particulièrement taquin.

Les joues de Blear s’empourprèrent. Elle passa ses mains sur sa taille, choquée, ensuite affligée.

  • … J’ai grossi ?? demanda-t-elle après avoir récupéré sa langue.
  • Sérieusement ? rit-il en retour. Nan, t’es très bien, mais assume que c’est toi qui manges toutes les confiseries, parce que je me fais accuser à ta place. Et toi, tu es la deuxième sur la liste à ce que je sache, pointa-il Lysen.
  • Désolée, ma chérie, s’excusa Blear. J’ai craqué !

La mère et la fille ne s’étaient jamais aussi bien comprises que ces derniers temps. Depuis quelques semaines, Blear voyait un homme. Elle leur avait courageusement annoncé lors d’un dîner. Déstabilisée par leur bonne réaction, elle n’avait pas eu le cran de leur révéler l’identité de cette personne. Ils le connaissaient en réalité pourtant très bien.

En agissant de la sorte, Blear s’était embourbée dans un sacré pétrin. Elle en avait conscience, mais quelque chose l’empêchait encore de leur dire.

Loin d’être bêtes, ses enfants prenaient un malin plaisir à gentiment la manipuler afin d’obtenir des aveux.

Peut-être seraient-ils surpris ? Ou conforter dans leur idée.

  • Tant qu’on en discute… Tu nous le présentes quand ton petit ami ? la questionna Sky.
  • Ce n’est pas mon petit ami !
  • Nooon ? Au bout du quatrième rendez-vous, ça devient inquiétant ! Est-ce que c’est vraiment du batifolage ? Normalement, premier rendez-vous, il te raccompagne. Le deuxième, bisous sous le portique, et au troisième…

Il colla son poing dans sa paume avec vivacité. Blear lui lança un bic, qu’il suivit du regard après l’avoir évité de justesse. Il dévissa ensuite sa tête vers sa mère et lui octroya un sourire de petit malin.

Derrière son air furax, elle cachait sa timidité.

  • T’es dégoûtant, lui confia Lysen.
  • Juste et réaliste. Alors ? Quand est-ce qu’on pourra le voir ? insista-t-il, les bras croisés.
  • … Je… prends mon temps. C’est tout. Je ne vais quand même pas me jeter dans la gueule du loup. Ce ne serait pas… raisonnable, même vis-à-vis de vous…
  • C’est ça, prends-nous pour une excuse !

Aussi vite qu’ils étaient apparus, ses enfants l’abandonnèrent à son sort. Laissée seule à son bureau, Blear attrapa son crâne et chiffonna sa chevelure dans tous les sens. Son soupir en disait long.

Qu’allait-elle faire ?

  • Tu crois que c’est Dossan ? demanda Lysen à son frère, tandis qu’ils remontaient dans leurs chambres respectives.
  • Sûr à cent pour cent. Et si ce n’est pas lui… De toute manière, c’est sûr que c’est lui.

Lysen lui jeta un coup d'œil. Il semblait calme.

  • Et ça ne te fait rien ?
  • … Ça devrait ?
  • C’est que… peut-être que vis-à-vis de Kimi…
  • Tu sais qu’il n’y a rien entre elle et moi ? dit-il en s’arrêtant, l’air surpris.
  • Oh, oui ! Oui, c’est sûr !

Ce n’était pas ce que lui avait transmis Leroy.

Il vit ses doutes.

  • Je suis avec Jena. Ce n’est pas respectueux d’elle.
  • Hum, fit-elle, les lèvres écrasées, peu convaincue.
  • Dis-moi… Depuis quand parle-t-on de ce genre de choses toi et moi ?
  • Depuis… qu’on se supporte ?
  • Ah bon ? Je te supporte, moi ? Dans tes rêves, sale microbe bouffeur de tartelette ! s’exclama-t-il en écrasant sa main sur son front.

Il la poussa, et se cala dans l’entreporte de sa chambre.

Les bras croisés, il y statua fièrement.

  • Tu ne me la feras pas ! déclara-t-elle en enfonçant un doigt au milieu de sa poitrine. Je sais que tu m’aimes !

Sky éclata de rire. Elle devenait de plus en plus sincère, et ça depuis qu’elle sortait avec Leroy. Une vraie sauvageonne. Cela ne lui déplaisait pas. Il profitait de ces instants avec sa petite sœur. Dire qu’il y a quelque temps de ça, ils ne pouvaient pas se voir en peinture. Bien sûr qu’il la portait dans son cœur. Lui rendre en retour son amour, par contre, ne se montrait pas toujours aussi évident.

Il lui octroya un regard apaisé, plutôt doux, depuis sa place :

  • Autant que Kimi, dans ce cas.

Il pivota dans sa chambre et ferma la porte. Lysen se laissa aller, comme un pantin. Elle était persuadée que son frère l’aimait. Alors, vue de cette manière… Cela la peina. De l’autre côté, Sky s’installa à nouveau à son bureau. Il perdit son fin sourire, attrapant un crayon pour le faire tourner entre ses doigts.

C’était ainsi.

Tout finissait par tourner.

***

  • T’as de la chance. Avec tout ce qui se passe avec Chuck Ibiss, plus personne ne devrait se concentrer sur tes conneries.

Le visage écrasé dans son oreiller, Kimi ne répondit pas à son frère. Elle la décala doucement afin de prendre une bouffée d’air.

Ce dernier était assis en tailleur au bout de son lit tandis qu’elle gisait à côté. Il semblait trouver la situation amusante.

  • Ce n’est pas drôle.
  • Je n’ai jamais dit que c’était le cas. Tu as embrassée le mec d’une autre. D'une copine en plus. T’as pas honte ?

Mécontent de son acte, Leroy ne fit preuve d’aucune pitié. Si même lui, lui en voulait, Kimi n’osait pas imaginer à quel point Faye devait en souffrir. Elle avait plus que honte. Recroquevillée en fœtus, la blonde perdit toute couleur. Le réveil de la veille avait été particulièrement difficile. La tête aussi lourde qu’une pastèque, elle la tint durant de longues minutes, avant de se rendre compte qu’elle était dans la chambre de Laure. Elle ne se souvenait plus comment y être atterri.

Sa meilleure amie lui apparut, fraîche comme un pinçon, comme dans un entonnoir. Elle ne se rappelait de rien, jusqu’à ce qu’elle lui raconte la soirée en détails. Les brides l’agressèrent. Kimi se mit à pleurer immédiatement, sans même sentir ses larmes. Jamais, elle ne s’était sentie aussi mal à l’aise avec elle-même. Les relents de la soirée atterrirent de justesse dans la cuvette.

En y repensant, tout ce qu’elle voyait, c’était un trou noir, autour duquel voyageait des bouts de la soirée.

Son téléphone en main, depuis, Kimi hésitait à envoyer un message à Faye. Mais peu importe la manière dont elle s’imaginait s’excuser, elle trouvait qu’aucun mot ne trouvait sa place. Le fait qu’elle ne se soit toujours pas manifestée l’inquiétait davantage. Son silence l’effrayait. Il était lourd de sens.

Comment allait-elle arranger cette situation ? Embrasser le petit ami d’une autre… Évidemment, qu’elle serait détestée et pointée du doigt, mais elle craignait surtout de perdre son amitié, et avec Faye, et avec Alex. Elle n’avait aucune nouvelle de lui non plus. Ce baiser… Elle n’arrivait pas à le capturer dans sa tête, à l’inverse des remords et de la culpabilité.

Plongée dans ses tourments, Leroy gardait le silence. Au fond, il la soutenait par sa présence. Peu importe à quel point Kimi dissimulait ses sentiments, il lisait en elle. Il n’y avait pas trente-six mille raisons pour la poussée à boire, pire, à tester la drogue, sur une impulsion.

Le malaise étant palpable, personne n’en parlait pour autant. Lui-même, qui n’avait pas sa langue dans sa poche, n’avait pas évoqué le sujet depuis un moment. Il n'avait, à vrai dire, pas besoin de s’y atteler, leur père lui rappelant malgré toutes ses bonnes intentions.

  • Quelque chose ne vas pas ?

Leroy déplaça son regard dans celui de Dossan. À son air, ce dernier comprit qu’il était préférable de ne pas creuser en profondeur.

  • Ça baigne, balança Kimi, sans aucune once de vie.
  • Hum, dit-il en ajustant sa veste. Je pars faire un tour.

Cette nouvelle alerta les deux enfants. Même Kimi daigna se relever. Assis sur le lit, ils l’accusèrent de regards suspects.

  • Tu vas où ? demanda Leroy en premier.
  • Tu t’es fait beau, constata Kimi.

Eux aussi mis au courant que leur père voyait quelqu’un, ils attendirent patiemment une réponse.

  • Je vais rendre visite à Chuck. Est-ce que ça vous va ? fit-il en levant ses deux mains en l’air en signe de paix.
  • Ah oui. Logique, répondit Leroy.
  • Logique…
  • Dites-moi, fit-il en plaçant une main sur ses côtes. Je pensais que ça ne vous dérangeait pas que je sorte avec une femme… Est-ce que… Ce n’est plus d’actualité ?

Ils eurent la même réaction, à la négation.

  • C’est juste que tu ne nous as pas encore dit qui c’était…
  • … Oui, hum, se râcla-t-il la gorge. Nous attendons d'êtres totalement à l’aise. Mais ça viendra. D’accord ?

Ensemble, ils acquiescèrent. Dossan s’attendrit et s’approcha pour les enlacer, leurs joues se rapprochant, écrasées par le poids de son amour.

  • Je vous aime, chuchota-t-il, avant de partir.

Le réflexe de le suivre au rez-de-chaussée afin de le saluer depuis la fenêtre leur venait de lui. Quand il démarra, leurs nez presque collés à la vitre, Kimi et Leroy s’enfermèrent dans le silence.

  • Il est parti, finit par dire ce dernier.
  • Oui…
  • Tu sais…

Ils allèrent s’installer dans le salon.

  • Je pense que c’est Blear.

Sous sa poitrine, le cœur de Kimi sauta. Bêtement, car elle le croyait aussi.

  • Oui, moi aussi, avoua-t-elle en triturant les coins d’un coussin du fauteuil.
  • J’en suis même certain, parce que… De son côté, Lysen m’a dit que Blear voyait aussi quelqu’un. Ce n’est pas vraiment un secret. Ils doivent se douter qu’on a compris.
  • … Et si on se trompait ? Si c’était une coïncidence, malgré tout ?
  • Tu préférais ?

Il vit sa sœur s’emprisonner dans le questionnement. Kimi n’en savait rien. Enfin, si, elle savait pertinemment ce qu’elle voulait pour son père. Dossan méritait d’être avec la femme de son choix. Avec celle qu’il avait toujours aimée.

  • Non. Je veux qu’il soit heureux. C’est juste que… ça risque d’être un peu bizarre, nan ? Imagine… qu’on se retrouve tous à la même table, ou un truc, dans le style ?
  • … Oui. Ma petite copine serait aussi ma belle-sœur.. Mais Blear m’a promis que ça ne changerait rien pour nous.

Leroy s’entendait à merveille avec la première Richess. Le voir lui dédier une telle confiance l’étonnait toujours. Au moins, il pouvait dormir sur ses deux oreilles. Kimi lui sourit.

  • C’est bien, ça doit être… rassurant.

Ce n’était pas ce qu’elle avait voulu dire. Au plus profond d’elle-même, Kimi imagina à quel point ça devait être incroyable de pouvoir sortir avec la personne qu’on aimait. Elle, tout ce qu’elle connaissait, c’était le fait de ne pas pouvoir sortir avec.

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