Pourquoi?

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J'attendais tranquillement le train à la gare de Sasseau, lorsque soudain, je sentis quelqu'un tirer sur mon manteau, dans mon dos. Je me retournais violemment, prête à cracher sur l'imbécile osant me déranger pendant ma lecture.

Je m'arretais net en me retrouvant face à une petite fille d'une dizaine d'années. Ou peut-être qu'elle avait huit ans? Ou douze? Qu'est ce que j'en savais moi! Tous les enfants se ressemblent de toute façon. Au moins, j'étais quasiment sure qu'il s'agissait d'une petite fille. Blonde, aux yeux gris.

Elle ressemblait un peu à...

Tu es perdue petite?

Tout en posant la question, je balayais la gare du regard. Personne. La petite fille n'avait toujours pas lâché mon manteau et me regardait, les yeux plein d'espoir. Même si je detestais les enfants, je ne pouvais pas vraiment la laisser toute seule. Lui faisant mon plus beau faux-sourire et prenant ma voix la plus douce, je lui posais donc de nouveau la question :

Tu es perdue? Elle est où ta maman?

La petite fille secoua juste la tête, me montrant un beau sourire olgate. Bon. nous étions dimanche, alors il n'y avait sûrement personne au guichet de la gare. Je sortais mon téléphone pour appeler ma mère, elle saurait quoi faire, quand la petite fille ouvrit enfin la bouche.

Pourquoi tu m'as fait ça Anemary?

Surprise d'entendre mon nom sortire de la bouche de la petite inconnue, je la regardais de nouveau de haut en bas. Non. J'étais absolument sûre de ne l'avoir jamais vue auparavant.

J'aurais du tre le personnage principal ! Je suis beaucoup plus interressante qu'oncle Gaby!

Claire!

Je tournais la tête en direction de l'homme qui courait vers nous, une expression inquiète sur le visage.

Oh. Mon. Dieu.

Il ressemblait tellement à...

L'homme, qui s'était accroupi en face de la petite fille, se tourna vers moi et dû remarquer mon expression bouche-bée car il s'impressa de se lever et de me tendre la main.

Anemary, je suis Gabriel Blanc. Je suis ravi de te rencontrer dans la réalité.

Je pouvais sentir ma bouche s'ouvrir et se refermer en rythme sans qu'un seul son n'en sorte.

Je deglutis bruyamment. Gabriel. Et Claire. Je tournais la tête dans tous les sens, sûre et certaine de voir Alexandre quelque part. Après tout on voyait rarement Gabriel sans Alexandre. Enfin, je les écrivais rarement l'un sans l'autre dans mon livre.

J'étais toujours sous le choc, silencieuse. Gabriel me lança un sourire désolé et prit la main de Claire dans la sienne. Pourtant lorsqu'il essaya de partir en direction de la sortie de la gare, Claire planta ses talons dans le sol et refusa de le suivre.

Non, je veux savoir pourquoi je ne suis pas le personnage principal!

La petite fille, Claire insista en me regardant droit dans les yeux. Sans savoir quoi faire, ni quoi répondre, je me tournais vers Gabriel. Celui-ci regardait sa nièce, ayant l'air embété. Captant finalement mon regard plaidant son aide, il dit à sa nièce d'un ton peu assuré :

Et bien, tu sais Claire, je suis en quelque sorte le personnage principal alors...

Sans pouvoir me retenir, j'ajoutais :

Tu es carrément le personnage principal Gabriel! Tu es même le titre du livre!

Je n'aurais jamais du mentionner ce petit detail en face de Claire. Les yeux de la petite fille se remplirent de larmes et elle se mit à taper des pieds.

Moi aussi, je veux être un personnage principal!

D'accord. Tout cela était très bizzare. Gabriel prit Claire dans ses bras, la mettant sur une hanche et lui parlant doucement, mais sévèrement.

Claire, tu ne peux pas exiger comme ça! Que dirais ta mère si elle était là?

La petite fille baissa la tête et joua avec l'une des longues mèches rousse de son oncle tout en répondant d'un ton beaucoup plus docile :

De ne pas le faire?

Gabriel pinça doucement le nez de sa nièce, ce qui la fit rire et jeta un coup d'oeil à sa montre.

Déjà six heures? Il faut qu'on se depêche de retourner dans le livre, j'ai un rendez-vous avec Alexandre dans moins d'une heure!

Reprenant un petit peu mes esprits, autant qu'il était possible dans ce genre de situation en tous cas. Ce n'est pas tous les jours que mes personnages prenaient vie devant moi après tout. Je n'étais toujours pas sûre de ne pas être en plein rêve, ou en plein délire! Je rassemblais mon courage et demandais à Gabriel :

Hum Gabriel? C'est courant pour vous de sortir de votre livre?

Gabriel regarda de nouveau sa montre et souffla bruyamment d'un air embêté. Il finit tout de même par me répondre.

Non, pas vraiment? Il n'y a rien pour nous dans la réalité. De plus, il y a plus de happy ending dans les livres que dans la réalité je trouve. Tout ce que je désire se trouve dans le livre!

Et tous les personnages de tous les livres peuvent sortir, se balader dans le monde réel?"

Je n'arrivais pas à en croire mes oreilles.

Est ce qu'il peuvent? Oui. Est ce qu'il veulent? Non.

Je hochais faiblement de la tête.

Et moi? Est ce que je peux aller....visiter mes livres?

Gabriel me regarda comme si j'étais la personne la plus stupide au monde. Je me ratatinais sur moi même me demandant ce que j'avais bien pu dire de si étrange?

Mais tu es déjà dans le livre Anemary!

Ce fut Claire qui répondit à ma question.

J'y suis déjà? Dans le livre?

Pourtant j'étais toujours là, dans la vie réelle. Je ne comprenais plus grand chose, mais je m'en fichais un peu. Cette conversation n'avais aucun sens de toute manière.

Tu es le livre Anemary. Tu es un un témoin silencieux et permanent de ce monde que tu crée. Tu es le seveur du restaurant, l'infirmier, la vieille dame du 5ème étage. Tu es la mère de famille et le chien dans le parc. Tu es dans le livre sous toutes les formes possible, veillant au bon déroulement de l'histoire.

Je sentis mes yeux me picoter. J'étais l'histoire. D'accord, pas de pression du tout.

Bon Anemary, ce n'est vraiment pas tout, mais il faut vraiment qu'on rentre nous!

Oui, oui bien sûre. Désolé!

Je lâchais le poignet de Gabriel, que j'avais inconsciemment saisi, et je fis un timide signe de la main à Gabriel et Claire.

Alors que le duo s'éloignais d'un pas rapide, Claire se retourna rapidement et me cria :

"Anemary! Dis à Gabriel de m'acheter une poupée aventurière!"

Je ne pus m'empecher de rire devant les antiques de la petite fille. Alors que Gabriel et Claire disparaissait dans les ombres de la gare, mon train arriva à grand fracas. Je montais dans le wagon de tête et m'installais près d'une fenêtre. En cette fin d'après-midi, le wagon était presque vide. Il y avait une vielle dame tricotant dans un coin. Un monsieur au cheveux poivre et sel lisant un journal. Un jeune étudiant affalé dans son siège, baillant aux corneilles. Une jeune femme aux traits tirés, accompagnée par trois enfants en bas âge.

N'importe laquelles de ces personnes pouvaient venir d'un livre. Je me mis à sourire. Est ce qu'Aragorn se baladait dans les parages? Ou encore Hermione Granger? Le fou? Tant de personnage que je rêvais de pouvoir rencontrer un jour!

Je me figeais soudainement. Si Gabriel avait raison et que n'importe quel personnage pouvait se rendre hors du livre à volonté, cela signifiait donc que les méchants aussi avait cette capacité? Qui donc arpentait le monde réel en ce moment même? Le Clown de Ca? Hannibal Lecter? Voldemort? Sauron?

Je sentis mon sang se glacer dans mes veines. J'obervais de nouveau les autres passagers du wagon. Rien d'inhabituel. Rien d'étrange.

Et pourtant, qui pouvait savoir?

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