Les âmes de Viipuri, 1940

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10 janvier 1940,

Voilà deux jours que nous sommes partis de Laponie pour gagner le front non loin du Lac Ladoga. J'ai eu la possibilité, grâce à ma petite taille et ma bonne vision, de rejoindre directement le corps des éclaireurs finlandais.

Leur tactique se résume en quelques mots : "Observer, repérer, informer et détruire"

Typiquement le genre de plan qui me convient.

Lorsque le major-général Henricks m'a demandé ce qui m'avait poussé à me mettre derrière les lignes ennemies alors que j'aurais pu pointer loin du front en renfort, je lui ai rétorqué que la mort ne me faisait pas peur, et que j'étais prêt à l'affronter jour après jour sans relâche.

Est-ce donc cela le « Sisu » ?

Notre objectif est de protéger l'armée de l'Isthme finlandais en prévenant une quelconque attaque des Ruskovs, bien que nous ne fassions pas partie des renseignements du pays, notre travail ressemble à s'y méprendre à ces derniers, nous sommes liés en somme.

Pour notre premier jour, notre escouade composée de 4 hommes (Moi y compris) avons était déplacé au-dessus d'une colline et nous devions surveiller toutes activités des Ruskovs. Avec comme équipement mon fusil norvégien, et mes deux planches de ski.

La météo ensoleillée nous offrait une position idéale pour observer l'adversaire, mais aussi une cible de choix pour leur artillerie.

Nous crûmes notre dernière heure arriver lorsqu'un bombardier rouge avait survolé notre colline, par chance, il semblait soit avoir une mission bien précise soit ne nous avait pas vus et s'était éloigné.

Une masse s'était formé vers 10h du matin, nous fûmes surpris, une fois nos jumelles sorties de constater qu'il s'agissait d'une division russe en dérive.

Ce jour-là, j'ai compris pourquoi l'Union Soviétique n'arrivait pas à percer en Finlande; l'incompétence de ses commandants* et leurs tactique depassés sont les principales raisons.
Les Finlandais quant à eux, connaissant leur pays comme le bout de leur doigts, sont parvenus à concevoir des stratégies de combat en des temps records. La plus impressionnante était leur : "Motti".

Il s'agit d'une tactique d'encerclement ne demandant qu'une contrainte, agir vite, en contournant toute sortie possible pour l'adversaire, le ski étant idéal pour se déplacer rapidement, comparé aux chars russes lourd et bloqué par le froid.

L'énorme avantage du Motti et qu'il permet, non seulement d'empêcher l'ennemi de s'échapper, mais en plus de lui faire croire qu'il est encerclé par une force invisible et invincible due à la visibilité quasi nulle.

Cette histoire a eu lieu il y a quelques jours, il s'agissait du Motti de Suomussalmi**. Je n'avais jamais vu les Finlandais aussi fier d'avoir vaincu deux divisions à eux seuls...

En fait, lorsqu'ils ont envahi le pays il y a un mois, les rouges avaient réfléchi à une stratégie de guerre éclair, Staline disait en plaisantant qu'étant donné que la Finlande était un si petit pays dont la population dépassait à peine Leningrad, il serait plus facile pour le NKVD de les envoyer en Sibérie.

Malheureusement pour eux, le temps et le territoire ne jouent pas en la faveur d'une guerre-éclair. Du tout même, le terrain rend indéplaçable tout matériel motorisé quand le froid ne les gèle tout simplement pas. On dit que le commandant des rouges a été exécuté après la bataille par le NKVD, comme pour lui faire porter le chapeau.

Il ne s'agit pas de la guerre d'hiver pour rien.

Ces températures extrêmes sont une véritable plaie pour nous autres, même si au fond, les Finlandais prient corps et âmes que le froid ne se dissipe pas. Il est une sorte de maintien d'équilibre entre les deux nations et la pire chose qui puisse arriver pour nous est la continuation au-delà de l'hiver ...


11 janvier,

L'état-major était inquiet, idéal pour commencer une journée.

Notre mission consistait cette fois-ci à rechercher toute activité Ruskovs non loin de Vipurii, depuis leur defaite d'il y a quelques jours**, nos supérieurs et nos renseignements sont persuadés que l'ennemi prépare une contre-attaque massive dans la région, voire même de franchir la ligne Mannerheim***.

Cependant ce qui m'intrigue le plus, c'est je crois, l'inquiétude qu'ont les Finlandais vis-à-vis de l'armée rouge. Depuis le passage du bombardier d'hier, des rumeurs se sont répandu à propos de cet avion, les raisons sont multiples ; Le fait qu'il s'est envolé sans escadrille au-dessus de la ligne Mannerheim, ou bien que les forces aériennes finlandaises nous ont confirmé ne rien avoir aperçu au-delà de Viipuri.

Cette ville a été bombardée par les Russes au début de la guerre, et qui aujourd'hui est une ville fantôme . On dit que les habitants n'ont pu être évacués à temps et que, lorsque l'armée est arrivée, il ne restait que des flammes et de la chair étalée sur des bâtiments crasseux.

Pour nous encourager, les soldats finlandais ont passé la soirée à nous raconter des histoires d'horreur tirer par les cheveux concernant les Russes, l'un d'entre eux a raconté l'aventure sordide d'un homme perdu en pleine mer Baltique et gelant jour après jour.

Il est trois heures du matin, entre le froid et mon imagination, je ne sais pas lequel des deux m'empêche de dormir...

Ou peut-être les ronflements de mon camarade aussi.

Je n'étais pas seul dans mon insomnie, il y avait aussi un anglais sachant parler le hongroi. Lui aussi incapable de dormir.

Nous avons parlé jusqu'à ce que notre fatigue nous consume, à propos de la Finlande, de son pays... J'ai préféré ne pas en dire davantage sur moi et nous avons échangé nos prénoms;

Károly et William.

Notre groupe partira demain, et pour une fois, je regrette de ne pas rester avec quelqu'un plus longtemps.

12 janvier,

Nous sommes arrivés à Viipuri, vers onze heures. Et le moins que l'on puisse dire est que cette ville merite amplement son surnom de ville fantôme.

Tout était dévasté, mais pas comme une ville en état de guerre, mais plutôt comme une cité engloutie de la mythologie Greco-romaine que l'on aurait ressurgit du passé. Dans un sens, elle me rappelle les photos de Pompeii avec Arthur Conan Doyle. Une ville figée dans le temps, avec qui nous allons entrer en contact.

Plus nous avancions dans la ville, plus nous aperçûmes une sorte de brume qui se dissipait si nous la regardions de plus près .

Nous avons finit par découvrir le fameux avion lourd des Soviétiques, écrasé en plein cœur de la ville. Par chance, l'intérieur n'était que très peu abîmé par le crash, et c'est en fouillant dans les décombres du bolide que nous découvrîmes des éléments des plus troublants.

Il ne s'agissait pas d'un simple bombardier mais d'un gigantesque avion-cargo d'un modèle inconnu, il était composé de deux espaces; le cockpit des pilotes, dont il n'y avait que le cadavre d'un sur les deux par ailleurs. Il était protégé par une grande porte en titane.

Il y avait ensuite une sorte de grande salle d'approximativement 20 m² contenant un laboratoire et une table d'opération tachée de sang.

En plus du sang éparpillé dans toute la salle bien entendu

Je crois que l'humour est le seul moyen que j'ai trouvé pour ne pas prendre mes jambes à mon cou...

Parmi les cadavres présents, il y avait 2 agents du NKVD imposant et massif ainsi que 2 hommes en chemise blanche au monocle, vraisemblablement médecin, ou bien scientifique. Mais une chose est sûre, ils sont bel et bien morts.

Mais étonnamment, le médecin de notre escouade n'a trouvé, hormis sur le scientifique, aucune trace d'une quelconque lutte dans la salle. Cela ressemblait bien plus à une frigorification sur place, de quoi nous effrayer en sommes.

Une dernière chose, j'ai découvert, caché dans un sac, des documents et des papiers écris en russe, malheureusement, aucun d'entre nous dans notre escouade ne savait lire le cyrillique.

Une fois sortit de l'avion, notre inquiétude n'avait fait que commencer, la brume étrange de ce matin s'est transformée en brouillard puis en tempête de neige rendant impossible toute excursion en dehors de Viipuri, nous n'avons pas eu d'autres choix que de nous rendre dans un des bâtiments les plus proches.

Si ce dernier ne s'épaissit pas... Alors je n'arriverais plus à écrire ... sans lumière...

*En 1936, Staline, paranoïaque, purge son armée et ses ministres qu'il soupçonne de comploter dans son dos. Malheureusement pour lui, une grande partie de ses généraux fut remplacée par des sympathisants de son régime et qui plus est, des incompétents militaires. C'est l'une des nombreuses raisons qui explique les défaites militaires russes au début de la Deuxième Guerre mondiale. Mais ne sautons pas les étapes, on y est pas encore x)

**La bataille de Suomusaalmi est la plus grande victoire finlandaise de toute la guerre d'hiver, il s'agissait d'un piège tendu à 2 divisions d'infanterie et de blindés rouge. Encerclés et harcelés par les tireurs embusqués finlandais commandés par Hjalmar Siilasvuo, des 50 000 soldats du camp russes, 27 000 furent tués en seulement 3 jours.

*** La ligne Mannerheim : Baptisée en l'honneur du maréchal, est une ligne de bunkers et de fortification protégeant l'isthme de Carélie (voir photo du chapitre précédent). Réputée impénétrable et infranchissable, elle empêche toute invasion directe vers les principales villes finlandaises.

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