30.Question de charme

9 minutes de lecture

Note de vocabulaire :
Central Jail : Prison dans le centre de Houston, Texas


Alerte : je ne me suis pas relu (à celles et ceux qui préfèrent attendre la correction pour la reprise de lecture, je comprends totalement). Merci pour votre patience et bonne lecture !

Alec

Brenham Ct, Houston, Texas

11 Novembre 2023

J'envoyai mon poing dans le mur le plus proche avant de m'effondrer contre, en proie à l’élan de rage qui m’écrasait. De nouveau isolé à l’autre bout du loft, je contemplai l’état chaotique dans lequel j’avais plongé mon espace de repos. Mes mains tremblaient et l’écho de mes souvenirs résonnait avec aigreur dans mon esprit. Putain je lui faisait confiance, je l'avais aimé cette femme, j'aurai fait l'impossible pour elle. Et elle…

Appartement des Jones, comté de Carter, Oklahoma

22 Novembre 2012

Je bouclai à la hâte les dernières lignes de ma disserte, sachant qu’à partir de ce soir, je n’aurais pas le temps d’y consacrer une minute. Entre le repas du soir pour Thanksgiving et demain… je détournai mon regard vers le lys bleu encore emballé sur le buffet du salon, acheté une heure plus tôt. Comme les années précédentes, je comptai sécher les cours et j’irai me recueillir sur la tombe d’Evan pour son anniversaire. J’amènerai une barquette de frites que j’engloutirai sous son nez. Je lui devais bien ça, non ? Quelque fois, je l’entendais encore râler…

Les mois qui avait suivi ma sortie de l’hosto, j’avais continué à chercher mon meilleur pote des yeux, à l’attendre, inconsciemment. Comme s’il allait débouler dans la pièce, avec son sourire de benêt et me lâcher un « ma blague t’as plu gros con, t’as pas marché t’as couru ! ». Mon cerveau avait refusé d’intégrer le fait qu’il avait été abattu. Son regard vide et celui de Kara me hantait chaque nuit, mais le jour… j’espérais avoir seulement traversé d’horribles songes. Jusqu’à ce que cette attente ne s’estompe. Après avoir sorti les quinzièmes bougies qu’il aurait dû souffler au cimetière, cette nuit-là, lorsque j’étais rentré, j’avais réellement compris.

Il ne reviendrait jamais. Nouvelle fracture. Mes parents attendaient mon retour, aussi inquiets que furieux, mais lorsqu’ils avaient vu mes baskets couvertes de terre, la boite à gâteau et les bougies entre les mains, ils avaient compris et gardé le silence. Cette nuit-là, mes cauchemars avaient été plus violent, au point de m’éveiller étouffé. Il m’avait fallu du temps pour accepter les faits. Mais l’année dernière, une promesse fut faite. Je me revoyais encore, accroupi, en train d’arracher les mauvaises herbes qui bordaient sa tombe, tout en lui jurant de le retrouver. Lui, celui qui lui avait tout enlevé. À Vivi. À Kara aussi. Et à moi, même si j’étais toujours debout.

Je secouai la tête, fatigué d’avance à l’idée de devoir faire bonne figure pour le repas du soir. J’attrapai mon cahier pour le ranger avant de constater que j’en embarquai un second dans la foulée. Le cahier de Joyce. Merde. Elle avait dû l’oublier hier. À se demander à cause de qui… Je souris tout seul comme un con en me remémorant ses balbutiements et les rougeurs de ses joues alors que j’avais absolument tout mis en œuvre pour la distraire, suite à deux heures de boulot intensif. Je fronçai les sourcils. Connaissant l’exécrable trouduc qui nous servait de prof d’histoire, je doutai de sa gentillesse envers ma Belle Blonde sans affaires. Me munissant d’une veste, je sortis, son cahier sous le bras. Ça me ferai une occasion de la voir, au moins quelques minutes avant d’être privé de ses beaux yeux et de ses mains douces pendant trop longtemps à mon goût.

Lorsque j’arrivai devant chez elle, j’étais sur le point de sonner avant de me rétracter. Joyce m’avait prévenu de son indisponibilité le jour de Thanksgiving, une journée mère-filles. Je déposai donc son bien dans la boite aux lettres avant de sortir mon portable, quand un son attira mon attention. Un gémissement. Je levai les yeux vers la fenêtre de l’étage, vraisemblablement ouverte, et violemment contractai les mâchoires à l’entente d’une voix masculine.

— T’inquiète pas ma puce, tu m’a bien dit que ta sœur est avec ta mère, elles ne risquent pas de nous interrompre…

De nouveaux halètements suivis d’une faible complainte assez éloquente résonnèrent et j’eus l’impression que mon cœur tombait de plusieurs étages. Putain, c’est pas possible, elle me ferait pas ça ! Emma Carson ? Sauf que… Les mains tremblantes, je composai son numéro pour en être certain. Pas toi, Joyce, t’es pas comme ça. Elle était avec Karen, elles… La sonnerie du portable de ma gonzesse me parvint, du même endroit que la voix d’un type qui n’avait rien à y foutre. Depuis la fenêtre de la chambre de Joyce.

— Laisse sonner, bébé… laisse-moi profiter de tes seins…

Le répondeur depuis mon propre appareil acheva son œuvre, faisant éclater mon déni et ma stupeur.

— Vous êtes b-bien sur le portable de Joyce C-Carson, veuillez laisser un m…

Je reculai d’un pas avec l’impression d’avoir rencontré un bus. Elle…bordel ! Une nouvelle complainte féminine s’échappa jusqu’au jardin, et une douleur dans mes phalanges m’appris que je les avais serrées à en faire exploser l’écran. Sans me préoccuper de ma paume en sang, je fis demi-tour. Je devais me casser d’ici. Immédiatement.

Brenham Ct, Houston, Texas

11 Novembre 2023

Elle m’avait trahi, menti, trompé. Et elle refusait encore aujourd’hui de l’admettre, prétextant l’ignorance, se cachant derrière ce masque de femme innocente.

« Pourquoi Alec ? »

Elle osait encore me poser cette même question, la garce. Elle remuait le couteau dans cette foutu plaie béante qu’elle avait creusé sans remords. Je n’étais jamais parvenu à tourner la page, peu importait à quel point j’avais pu le vouloir. Et malgré tout, elle continuait d’exercer son charme sur moi, même après tout ça.

Pourquoi elle me faisait ça ?

Une vibration me sortis de mes pensées ressassées.

Imbécile-heureux

« Je me suis occupé d’Angélina, safe. Toi, tu en es où ? »

Si on n’aborde pas le domaine du travail ? Je suis dans la merde. Du reste…

Moi

« R.A.S. »

Brett

Brett

Sur la route entre Austin (165 kilomètres de l’A.J, environ 2H30) et Houston, Texas

11 Novembre 2023

Les mains plus contractées que de raison sur le volant, j’accélérai l’allure, préoccupé. Je l’avais prévenu. Pourquoi il n’en fait qu’à sa tête ? Le message qui s’était affiché sur mon écran une heure plus tôt avait été on ne peut plus clair.

Meilleur-râleur

« Le retour ne s’est pas passé comme prévu, je vais devoir changer de caisse. Tu sais ce que tu as à faire ».

Je déviai le regard vers ma partenaire dont le nez était rivé vers la fenêtre, celle-ci m’offrant le reflet de son visage anxieux.

— Ils vont bien, Angie, tranquillisez-vous, la hélai-je en recentrant mon regard sur la route.

Du coin de l’œil, je vis son buste se tourner vers le mien.

— Ils devraient aller voir la police, au lieu de se terrer je ne sais où, s’exclama-t-elle pour la vingtième fois depuis que nous avions pris la route. C’est…

— Alec sait ce qu’il fait, affirmai-je en levant légèrement le pied de l’accélérateur. Il veut mettre Joyce à l’abri avant d’entreprendre quoi que ce soit d’autre et croyez-moi, ‘endroit le plus sûr après A.J. Investigation, c’est bien son appartement.

Avec son système de sécurité de fou furieux, pénétrer chez lui par effraction équivalait à une réservation directe pour Central Jail*.

Quelques heures plus tôt, centre de Houston, Texas

Installé dans un des cafés du centre-ville, j'accordai un regard à ma montre, qui indiquait presque onze heures.

— Vous voulez bien me révéler ce que nous attendons, au juste ? me questionna la jolie blonde en posant sa tasse.

— Une de mes connaissances travaille à la résolution du meurtre de Marvin, l'agent Weaton. J'escompte en apprendre un peu plus. En espérant qu'il fasse preuve d'indiscrétion.

La compréhension se peignit sur ses traits, suivi d'une certaine excitation amusée.

— Vous pensez vraiment qu'il va nous dire où en est l'enquête ? Il risque sa place ! Et puis... vous aviez vraiment besoin de moi pour ça ? ajouta-t-elle, perplexe.

— Ça nous change de boire le café au bureau, souris-je en lui octroyant un clin d'œil.

Je levai le regard vers ses yeux angéliques avant de sourire. Elle rosi légèrement tandis que je complétai, un peu plus sérieux.

— Weaton est un ancien de mes camarades et un ami, expliquai-je. C'est un bon agent et il est certes très intègre, mais... disons qu'il se laisse assez facilement distraire. C'est son point faible.

Évidemment, par distraire, j'entends par là sa sensibilité au charisme de la gente féminine. Mon regard du être plus révélateur que mes mots, car ma coéquipière fit la moue en se recalant contre sa chaise.

— Donc je vais juste jouer les marguerites. Super. Vous ne voulez pas que je le chauffe tant qu'on y est...

— Certainement pas !

Rien que l'idée me faisait grincer des dents. Ses sourcils se froissèrent de manière similaires aux miens sous mon interruption un peu trop abrupte.

— Vous êtes là en renfort au titre de l'enquête, Angie, je ne vous aurait pas fait venir pour jouer les courtisanes. J'espère seulement que la présence d'une journaliste à la curiosité naturelle et à l'allure avantageuse le sortira de sa réserve habituelle.

Ses sourcils se froncèrent d'autant plus. Mince. C'est vrai que dit comme ça, elle ne peut se sentir qu'utilisée.

— Vous êtes rétrograde, Brett, déplora-t-elle.

— J'énonce seulement une évidence, Angie.

Elle me fixa, l'air moqueur.

— Evidence selon laquelle les seules atouts d'une femme sont sa jeunesse et son physique quelque soit sa profession ? Génial, très classe, vraiment.

— Evidence selon laquelle vous avez un charme déstabilisant en plus d'être compétente ! corrigeai-je malgré moi avant de me rendre compte de ma bévue face à son expression.

Ses lèvres entrouvertes, elle me dévisagea un instant avant de s'approcher. Elle avança son visage près du mien.

— C'est toujours de votre ami dont il est question ? demanda-t-elle doucement sans quitter mes yeux. Ou ce sont sur vos goûts que vous vous évoquez ?

Son parfum s'emparait de mes sens à sa proximité, mais je ne bronchais pas et m'obligeai à conserver mon regard fixe.

— J'énonce simplement une réalité, articulai-je sans timbre, comme si j'archivai un dossier. Vous êtes jeune, belle, dynamique.

Attirante, bosseuse, vibrante, sexy, drôle, dotée d'un sens de l'humour à toute épreuve, d'un sourire à...

— C'est un fait, mademoiselle Fritzberg. Vous n'allez pas m'en vouloir de supposer que votre sexe ou votre apparence n'entre pas en jeu et ne vous donne pas l'avantage en terme de négociation, si ?

Parce qu'avec moi, ça marche, et beaucoup trop bien, si vous saviez à quel point, et ce, peu importe la distance que je tente d'instaurer. Sauf qu'elle n'envisagea pas la fin de mon élocution comme un compliment détourné, loin de là. Si elle s'était mordue la lèvre de façon absolument craquante à la mention de ses qualités, un regard foudroyant prit soudainement la place de sa satisfaction et je me rejouai mentalement ma phrase. Merde, depuis quand tu t'arrêtes de penser avant de l'ouvrir ? Sous la pression de sa promiscuité et pressé de créer une illusion de distance, je m'étais montré négligent, voire assez grossier. C'est pas du tout ce que je voulais sous-entendre. Le contraire, même !

— Sexiste et rétrograde, je ne m'attendais pas à ce genre de propos venant de vous, souligna-t-elle avec un ton imprégné de déception.

Elle est clairement vexée. Avec un claquement de langue désapprobateur, Angélina recula vivement, se détournant littéralement de moi pour vider le contenu de sa tasse d'une traite. Bravo, moi qui me devais de l'éloigner sur le plan relationnel, c'est réussi.

Avant même que je n'ai le temps de clarifier mon opinion, mon ancien coloc de chambrée d'internat de l'université entra dans mon champ de vision.

— Ca fait une paye, mon Bretty ! s'exclama Weaton.

Avec un coup d'oeil rapide en direction d'Angélina qui s'était recomposé une façade avenante et un sourire à toute épreuve, je me levai pour saluer mon camarade arrivant, tout en me jurant de me rattraper.

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Bonjour tout le monde !!!

Un nouveau chapitre après une longue disparition (votre auteur croule sous les re corrections de Liaison à l'aveugle Tome 1,2,3, d'où l'absence total du mois dernier), et quel chapitre !

Alec se découvre cocu (ce chapitre a failli s'appeler "Cocu vs. Rétrograde", j'hésite encore même si ça spoile), et Brett réussi l'exploit de se mettre Angie à dos (d'ailleurs, ce passage avec Angie et Brett repris après si longtemps d'absence mériterait peut être d'être revu, qu'en pensez-vous, il est pertinent, ou bof bof ?)

Dans le suivant... et ben j'en sais rien, mais j'y travaille ^^' Seule certitude, c'est Angie qui va reprendre la narration, et un plat rempli de couli de vengeance se mange froid donc... à suivre !


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