27.Course clinique

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Alec

Axton Médical, clinique privée à la périphérie de Denver, Texas

11 Novembre 2023

Arthur Kennett était un homme proche de la retraite, pour le moins assez bavard et coopératif en apparence. Lorsque j’avais évoqué son amitié avec le vieux Dudson, il ne l’avait en rien réfuté.

— Drew et moi étions en effet inséparables, se souvint-il, le regard brillant et fatigué. Toujours à défendre les mêmes causes et engagés dans tous les coups fourrés possibles et imaginables, durant nos années universitaires… J’espère qu’on retrouvera celui qui a fait ça à son dernier fils !

— La famille Dudson avait beaucoup d’amis, approuva Joyce avec un fond de sollicitude dans le timbre. L’un d’eux est devenu le président d’une grosse industrie pharmaceutique d’ailleurs, vous le connaissez peut-être...

— Qui ne connaît pas Paxton aujourd’hui, acquiesça le praticien. C’est une connaissance de longue date pour moi aussi, en effet.

— Comme le monde est petit ! Son fils a une carrière aussi brillante que celle de son père ! Vous devez vous souvenir de Riley ? glissa-t-elle habilement et avec affabilité.

Les yeux du praticien se plissèrent un quart de seconde, sans qu’il ne se départisse de son sourire.

— Oui, Ril’, ce brigand… il faut dire qu’il était de loin le plus casse-cou de la famille Hart, mais de toute évidence, il a su canaliser ses troubles caractériels afin de favoriser son avenir.

— Il a souffert d’instabilité ? s’étonna mon employée. Il prenait un traitement ? Je crois me souvenir qu’il a été admis ici, il y a bien longtemps d’ailleurs, n’est-ce pas ?

Cette fois le visage de Kennett se froissa, comme s’il réfléchissait.

— C’est fort probable, en effet, attesta-t-il, non sans une sorte de gêne.

— Vous pouvez nous en dire plus sur le trouble dont il est atteint ? Il n’était pas suivi à Denver, si ?

— Écoutez mademoiselle, je ne pourrais pas vous donner le détail de son dossier, pathologie ou traitement sans un mandat, vous me comprendrez, je reste tenu au secret. Je n’étais pas son médecin attitré. Je l’ai soigné pour des blessures bénignes en qualité de professionnel, comme l’aurait fait n’importe lequel de mes confrères, mais les Hart ne se rendaient à Denver uniquement que dans un but touristique et y passaient leurs vacances, et non pour une prise en charge. Vous êtes des amis ? Quelle est le nom du journal duquel vous disiez être mandaté, déjà ?

***

14H plus tard, sur la route de Houston, Texas

11 Novembre 2023

Après avoir investi une partie des lieux mentionné par Kennett au sujet des Hart, et sans aucun autre élément sur place, nous étions partis en milieu d’après-midi.

— Bilan ratatouille, persiffla une nouvelle fois ma compagne de route que j’aurai souhaité plus silencieuse. Mise à part son certificat d’admission du 29 Janvier 2009, dont soit-dit en passant, nous ne pouvons prouver qu’il a été monté de toute pièce, on est ressortis bredouille. Il n’a rien lâché mise à part des anecdotes.

Et dire qu’il nous avait fallu une matinée entière pour l’avoir ce papelard.

— Quelque chose m’échappe. Arthur était bien l’amis de Paxton et de Drew ? Pour lui, c’est inconcevable que les Hart soient à l’origine du meurtre de son fils, supposa-t-elle. Ou… tu crois que ses liens avec les Dudson sont factices ? Qu’ils n’ont rien partagé d’autres que les bancs d’école et qu’en plus de l’hospitalisation de Riley, Arthur est lui-même l’alibi ?

Aucun témoignage parmi leur proches n’ont pu infirmer ni confirmer leur affinité réelle, et A.K. semble effectivement avoir bien plus de renseignement sur le devenir de Paxton et fils que du défunt père Dudson.

Le soupir de Joyce résonna tandis que, du coin de l’œil, je la vis s’enfoncer dans le siège passager. Profitant de l’absence de circulation, sur la route quasi déserte, je pris le temps de tapoter sur mon portable.

« Demain, tu vas me faire une fouille minutieuse de l’agenda des Hart et Kennett, rechercher leurs liens, t’informer sur leur rendez-vous, transactions et tout ce que tu pourras trouver sur les prochaines semaines. »

— Et toi ?

Je ralentis légèrement pour continuer d’écrire avant de reposer l’appareil.

« J’éplucherai ceux de la fin du mois de Janvier 2009 ».

N’importe quoi m’irait. Si ce connard n’a ne serait-ce qu’acheté un Bounty avec sa carte bleu à Houston entre le 28 au soir et le 30, ça me suffirait à invalider l’authenticité de cette foutue ordonnance.

J’allai apporter une précision supplémentaire, mais j’enfouis mon portable dans ma poche et posai les deux mains sur le volant, lorgnant sur mon rétroviseur gauche. Notant mon changement d’attitude plus alerte, Joyce détourna le regard sur le rétro central. Une Ford Focus RS bleu nuit, semblablement des plus banales et passe-partout roulait à même allure, à une distance raisonnable. Sauf que de nuit et sur un axe dégagé, je ne pouvais pas la rater.

— Cette voiture, hésita la voix de mon ex. Tu crois qu’elle nous suit… ?

On allait bien voir. À la première intersection, je braquai à droite, puis réitérai ma manœuvre avant d’accélérer. J’avais raison. Le véhicule ne nous lâchait pas. J’octroyai un coup d’œil au GPS, relevant les trente minutes qui nous séparaient du centre de Houston, et surtout, de la route beaucoup trop linaire qui nous y conduisait. La Ford, loin de se laisser décourager, dépassa largement les 210 km / heure que je frôlai presque pour nous talonner.

— C’est pas vrai, souffla ma voisine, l’angoisse faisant vibrer ses cordes vocales alors qu’elle s’agrippait à son siège. Tu crois que c’est Arthur Kennett ? Paxton ? Riley ? Qu’il agit de son propre chef ? Ou que…

Un coup de feu interrompit sa demande qu’elle étouffa dans un hoquet. C’est pas le bon moment pour s’interroger sur QUI, Carson ! Je baissai les yeux sur le compteur de ma M-Benz CLE Coupée qui avoisinait les 230 avant de vérifier notre distance d’avec celle des traqueurs. La vitre arrière baissée permettait à un tireur de nous prendre en joue. Heureusement qu’il avait manqué sa cible, mais nous n’aurions pas plusieurs fois cette chance. J’allai fatalement devoir pousser.

— C-c-c-c’est un cauchemar, gémit Joyce avant d’attraper son propre portable en tremblant.

Une embardée brusque de ma part pour éviter de rester dans la trajectoire du tireur lui fit lâcher son appareil. Elle leva les yeux vers moi en attente d’une réaction, mais et je ne lui accordais pas la moindre attention, tendu et focalisé comme je l’étais sur le véhicule poursuivant et la route. Un nouveau tir nous toucha cette fois, et le tintement de l’impact métallique sur la carrosserie la fit se recroqueviller davantage sur son siège. Le son d’un nouveau moteur sembla résonner au loin dans notre dos, mais je n’eus pas le temps de me renseigner.

— Droit devant ! Hurla Joyce.

Une autre voiture grise métallisé sortie de nulle part venait de nous bloquer la voie, à quelques dizaines de mètres. De mon existence, je n’avais certainement jamais tombé les rapports d’une bagnole aussi vite. J’effectuai un braquage d’urgence, faisant drifter ma caisse jusqu’à piler devant celle de nos assaillants. J’avais pas rêvé. Putain ! Un bolide à deux roues venait de dépasser la RS, et le motard, revêtu de la couleur de sa bécane, noir, leva son bras armé. Je n’eus que le temps de plonger sur ma passagère pour l’obliger à ployer sous mon torse, hors de portée de vitres.

La mienne vola en éclat suivit de celle de Joyce dont les mains broyèrent mes cuisses à la détonation. Bordel de… Mes yeux se levèrent d’instinct en direction de la portière. Il nous fixait. La visière du pilote, fumée, me renvoya mon regard alerte et chargé de haine. Il me jaugea avant d’abaisser le canon de son flingue. Le rugissement des moteurs reprit avant d’être suivit par un silence assourdissant durant quelques secondes. Je me rehaussai et inspectai les alentours, dorénavant désert, avant de saisir ma passagère par les épaules pour l’inspecter. Aucune blessure apparente. J’attrapai mon portable d’une main sans la relâcher pour autant.

« Joyce, t’as rien ? »

Elle tremblait. Ses prunelles trouvèrent enfin les miennes, sombres, scannant son visage avec attention. Elle secoua lentement la tête avant d’oser un regard prudent à l’extérieur. Avec lenteur, je la débarrassai des morceaux de verres dont elle était parsemée.

— C’ét-t-t-tait q-q-quoi, ça ? balbutia-t-elle, encore sous le choc.

Ça B.B., c’était un avertissement. Je dégainai une nouvelle fois mon iPhone avec rage dans l’intention de prévenir Brett. J’avais beau être contre… cette affaire-là risquait bien d’être celle qui m’inciterait à m’armer.

Joyce

Proche centre-ville de Houston, Texas

11 Novembre 2023

« Joyce, t’as rien ? »

Je… j’ai rien ? Apparemment pas, non. Mes dents claquaient et j’avais l’impression que mon corps fonctionnait comme un automate, mais je me forçais à répondre par la négative. On aurait pu mourir tous les deux ce soir.

— C’ét-t-t-tait q-q-quoi, ça ?

Mais on allait bien. On n’avait pas été touché. Une seule chose me permis de m’accrocher au réel. Le regard d’Alec, qui s’encra férocement dans le mien tandis qu’il s’emparait de mes joues. Ses yeux profonds avaient toujours été plus criants et révélateurs que ne le serait jamais sa bouche. J’arrivai à identifier sa colère, son inquiétude pour moi tandis qu’il me scrutait, et d’autres émotions coulaient dans cet échange, mais je ne pus les saisir. Il rompit le contact trop tôt pour que j’y parvienne.

Sortir du véhicule fut l’une des seules choses dont j’eus fermement conscience. Le trajet du retour s’effectua en taxi, mais je ne le sentis guère, étant déjà passée sur le pilote automatique. Mes pensées se bousculaient. Ils nous ont attendus, coursés, tirés dessus. Ils auraient pu nous tuer. Ils ne l’ont pas fait. Pourquoi ? Ils n’ont pas hésité avec Marvin Dudson, alors pourquoi nous laisser nous en sortir avec une simple frayeur ? Notre enquête menaçait réellement les intérêts de quelqu’un de haut placé pour en arriver là. À l’heure actuelle, je ne voyais que le président officielle d’Evy-Health pour répondre à cette nomination. Il s’agissait forcément d’un avertissement destiné à nous contraindre d’arrêter les recherches, mais encore une fois… pourquoi étions-nous encore debout ? Je savais que le PDG d’A.J. Investigation disposait d’une réputation solide et enviée jusqu’au mois précédent sans jamais l’avoir rencontré. Était-ce la seule raison suffisante pour laquelle ils ne l’avait pas tué ? Qui était initialement visé ? Alec ? Nous deux ?

Je fus surprise avant même de descendre du taxi et me tournai vers mon référent qui réglait la course avant de me rejoindre. En relevant mon expression, il afficha un air excédé avant de pianoter sur son téléphone.

« Tu seras plus en sécurité chez moi que dans ton quartier mal famé, et ce n’est pas une discussion Carson. »

Discuter, je n’en avais de toute façon pas la force, mais l’entendre critiquer mon lieu de vie m’agaça profondément.

— On ne t’as jamais dit de ne pas juger un livre à sa couverture, lâchai-je.

Il me lança un regard lourd de mépris avant de déverrouiller un immense portail magnétique. Je levai enfin les yeux vers son appartem…pardon son loft monté sur deux étages. C’était là qu’il habitait ? Pincez-moi, je rêve ! Un endroit comme celui-là, je ne le concevait pas ailleurs que dans les séries, et voilà qu’à vingt minutes du centre, ça existe ? Moi qui supposait que le luxe du journal n’avait rien d’égalable, je me trompais. En même temps, j’aurai dû m’y attendre, mais là… Je le vis s’engager dans l’allée menant à l’entrée dont la porte fonctionnait sur digicode. À ce stade, s’aurait pu être un déverrouillage à reconnaissance faciale ou rétinienne que je n’en aurais pas été étonnée.

Il poussa la porte avant de m’inciter à entrer d’un signe de tête. Je fronçais les sourcils en obtempérant cependant.

— Tu n-ne crains pas qu’on t-te localise facilement avec un habitat au-aussi imposant ? lui demandai sincèrement lorsque nous fûmes parvenus au salon.

Un sourire narquois s’afficha sur ses lèvres.

« Tu perds tes moyens, Carson ? »

— J-j-je viens de me faire t-tirer dessus, rappelai-je en me morigénant pour mon manque de maitrise verbale.

Il m’observa un instant, indéchiffrable, avant de poser sa veste partiellement déchirée, puis se remis à écrire.

« Peu de personnes savent où je réside vraiment. Plusieurs adresses sont vérifiables sur internet dont deux secondaires réelles, mais pas celle-ci. »

— Quand même, murmurai-je en orientant mon regard vers la pièce à vivre.

N’importe qui aurait pu nous suivre. Nous n’avions fait aucun détour. Et si le chauffeur de taxi … ? Voilà que je recommençai à monter les pires scénarios désastres, sans pouvoir m’en empêcher. Et si… Une sensation de chaleur enveloppa mon dos et deux avant-bras musclés passèrent de part et d’autres des miens, sans établir de contact. L’iPhone d’Alec apparut directement sous mes yeux.

« Tu ne risques absolument rien Joyce. »

Mes frissonnements involontaires s’interrompirent, et ce fut à cet instant précis que je compris que je n’avais jamais cessé de trembler. Ses doigts rédigèrent un nouveau message que je parcouru en même temps.

« Monte à l’étage, je prépare de quoi se changer. »

Je me retournai lentement pour atteindre ses prunelles où un duel se jouait entre la rage mal contenue et… Dans un claquement de langue, il me donna le dos en s’éloignant.

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Bonjour tout le monde !!!

Quel titre à chier (à peine plus que les précédents, probablement, il sera peut-être revu plus tard ^^)

Un peu d'action et de suspens, ça manquait après les étreintes. Alec embarque Joyce pour la nuit (ce qui n'était pas prévu au programme) mais rien de mieux pour en savoir plus sur le passé, au travers d'un prochain chapitre...à bientôt !

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