Chapitre 17

4 minutes de lecture

Premier objectif pour étendre le pouvoir du MLF : contrôler les villes de plus de dix mille habitants. Mairies, commissariats ou gendarmeries, hôpitaux et commerces encore en activités, chaque point était maitrisé par une unité de combat dans une stratégie rôdée fonctionnant à la perfection. Les villes cédaient une à une.  

Facile. Trop facile. 

Pour la plupart, les gens se résignèrent et acceptèrent de collaborer. Cependant pour une poignée, piétiner ainsi la liberté était inenvisageable. Alors, dans l'ombre, la Révolution Française grossit ses effectifs. Des refuges secrets virent le jour. Connus de quelques membres infiltrés au sein du MLF ou de civils dans la confidence, ils offrirent secours à ceux refusant de céder ou encore aux chanceux ayant échappés aux arrestations massives. 

Oui, car pour ceux qui restaient, l'horreur ne faisait que commencer... 

Extrait de l'Histoire avec un grand H, 

Édition Hauts de France, février 2030.

La nostalgie et la détresse vite remises à leur juste place, au fond de son gouffre, Olympe s'activa en même temps que les autres pour une première mission : accueillir les rescapés. Pour cela, elle devait faire équipe avec Loïc, le lâche qui l'avait abandonnée à son sort funeste la veille. Peu encline à travailler avec ce binôme fuyant, elle tenta de convaincre le gendarme par une grimace de supplication. Tenir tête à son supérieur était bien loin des règles très strictes du monde militaire, semblait-il puisqu'en simple réponse, l'homme déposa une paume musclée sur son bras, l'intimant d'obéir.

À l'arrivée du premier fourgon, un homme grand, fin, aux cheveux roux en sortit, rapidement rejoint par le commandant Plantain et le lieutenant Bela. L'inconnu ouvrit la porte arrière, déversant ainsi les premiers flots de réfugiés au sein même de ce qui fut jadis, la cour de récréation du collège. Pas le temps d'en observer davantage, le job était simple : interroger chaque rescapé selon une trame bien précise, seulement, devant le premier homme, hagard, perdu, incapable de fixer un même endroit plus de quelques secondes, l'image de son père s'imprima sur ses paupières. Et s'il était quelque part, dans un autre refuge ? Et s'il était dans le nouveau fourgon qui déboulait ? Loïc tout à côté toussota, ramenant Olympe à la réalité de l'instant. La grille, son stylo, les questions. Nom, prénom, date de naissance, âge... L'individu répondait machinalement. Glaçant... De quoi avait-il été témoin pour un tel état de choc ?

Les questions s'enchaînaient. Avait-il été infecté par le virus, avait-il été en contact récent avec des personnes atteintes ? Était-il vacciné ? Face à toutes ces négations prouvant ainsi sa vulnérabilité, la jeune femme devait être prudente. Le médecin à la table suivante lui ferait à minima très probablement un dépistage sérologique. À minima oui, car quelques minutes auparavant, tandis qu'ils avaient installés les différentes tables, une glacière pleine de fioles avait attiré son attention. Le lieutenant avait précisé que toutes les personnes ici présentes et s'engageant au sein de la RF étaient immunisées seulement, certains soldats n'étaient pas des travailleurs essentiels et n'avaient donc pas eu droit au vaccin... Cette petite glacière contenait-elle alors de précieuses doses vaccinales si difficiles à trouver ? Nouveau toussotement de son voisin. Olympe devait faire vite, la file d'attente grossissait à vue d'œil. Elle aurait bien le temps de poursuivre ses investigations plus tard. Les dernières questions étaient nettes, claires, précises, militaires, en résumé. 

— Savez-vous manier une arme ? 

La gifle fut terrible et la transe terminée. L'homme, comme électrocuté, se reconnecta à la réalité et fixa Olympe droit dans les yeux.

— Non !

Réponse sèche, brutale et violemment éjectée.

— Avez-vous déjà tué ?

— Bien sûr que non ! répliqua-t-il.

Elle cocha la case correspondante à ses réponses et y ajouta une étoile. La jeune femme se leva et l'invita à rejoindre la table suivante, où il serait examiné par un médecin.

— Tout est terminé, vous êtes désormais en sécurité monsieur. Vous avez fait ce qu'il fallait pour votre survie en échappant au MLF, lui souffla-t-elle avec douceur.

L'inconnu, comme vide, alla sans un mot à la rencontre du médecin.

— Tu devrais t'activer un peu, j'en vois trois pendant que tu en interroges un seul.

La voix de Loïc ne sonnait pas comme un reproche mais plutôt comme un conseil avisé, presque chaleureux mais c'est sans lui prêter la moindre attention qu'Olympe poursuivit avec les autres rescapés de la même manière. Ce qu'elle faisait était juste. Prendre le temps, sourire, offrir parfois un contact physique réconfortant lorsque le statut sérologique le permettait... Autant d'humanité pour contrer les horreurs subies qui interpella Guillaume, le gradé fraichement débarqué ainsi que le commandant qui ne voyait pas cette attitude d'un bon œil. Remonté, il vociféra. Trouvait-elle que ce que la RF faisait était drôle ? Olympe, vexée, s'apprêtait à expliquer alors brièvement sa stratégie lorsque Brice, le psychologue, s'approcha de leur table.

— Elle a raison, Commandant. C'est totalement adapté. Être chaleureux et les faire se sentir en sécurité les sort de leur torpeur. Leur transe néfaste et contre-productive cesse, cet espace vide est alors envahi par des visions positives, une étreinte, un sourire, un mot simple et agréable, une promesse de douceur pour leurs âmes tourmentées.

— Bordel Brice, un vrai poète...

Probablement froissé d'avoir été remis à sa place par le psy et la seule femme du camp, l'homme feula de poursuivre avant de s'éclipser dans le préfabriqué.

Olympe, accompagnée de Loïc qui adapta sa prise en charge, continuèrent leurs interrogatoires. Pourquoi mettait-elle une étoile à côté de la dernière question ? interrogea l'homme aux cheveux roux.

— Ils n'ont peut-être pas commis de meurtre, mais ils sont capables de sortir rapidement de leur torpeur et c'est une qualité rare qui pourra vous être utile.

L'homme réfléchit tout haut d'une voix qui sembla familière aux oreilles de la jeune femme, sans qu'elle ne fût capable d'en trouver le souvenir. 

— Ces individus reprennent vite leurs esprits... 

Seules trois personnes avaient tué. Avait-elle imaginé que plus de gens, comme elle, oseraient prendre les armes pour obtenir vengeance ?

Annotations

Vous aimez lire riGoLaune ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0