Nina sur la jetée

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Le regard vide. Le sel des larmes figées engluent ses rétines sous les assauts du vent. Le nez coulant. Ses doigts gantés fouillent frénétiquement ses poches. Il y a un mouchoir, repassé et plié, dont les broderies intactes de ses initiales n’ont pas encore reçu le moindre jet muqueux. Nina ne pleure pas. Jamais.

Comme elle lutte sur place, une épaule passagère la bouscule en filant, ses petits pieds embottinés martèlent faiblement le pavé de la digue avant qu’elle bascule. Les bras tremblants crispés sur le muret crayeux.

Une nouvelle bourrasque balaye la promenade, emmêle ses longs cheveux et le Noroît malin dérobe son foulard de cachemire. Le froid, comme un vampire, mord son cou aride. Septembre la flagelle tandis qu’à vingt-huit ans, elle embrasse, fiévreuse, l’automne de sa vie. Vide de sens et d’envie.

La broderie, enfin, se froisse sous son index. Nina s’éponge le museau puis reprend son chemin, les mains jointes dans le dos de son trench quadrillé. Raccrochée à elle-même. Plus rien d’autre n’existe que ce corps qui trépasse. Tout ne tient qu’à un fil, comme le pan d’une ceinture qui menace de chuter.

Elle fixe les larges dalles qui défilent sous ses pas, mouchetées de gommes flétries. Là, les mouettes harcèlent un cornet échoué. Les becs impitoyables fendent la gaufrette moite, se disputent les miettes, se piquent, se prennent, s’écorchent. Le spectacle la débecte. C’est ainsi qu’elle se sent. Un biscuit dégouttant sur une jetée sans terme. Pas de point de vue final à vous couper le souffle — le sien s’arrêtera seul. Un plumage parasite s’est niché sous sa tempe. Un œuf de coucou pondu sous la voûte des idées. Un ultime coup du bec sur la coquille craquelée, et son crâne se fendra.

Elle feint de s’en ficher, le menton relevé et les pupilles austères. Elle s’habitue, pense-t-elle, à prendre le monde de haut. La simple vérité, c’est que la mort s’élève en marée menaçante. C’est que la digue s’étiole et que les oiseaux fuient, abandonnant sans gêne le festin parsemé. C’est ainsi qu’elle se voit : déjà éparpillée.

Réponse au défi :

https://www.atelierdesauteurs.com/defis/defi/172408754/1---les-mots-aleatoires

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