Une feuille morte glissait sur la bise, louvoyant entre les hauts fûts à l’écorce teintée d’une étrange substance orangée, leurs houppiers dégarnis laissant filtrer la lumière pâle d’un jour gris ; les nuages cotonneux masquant la délicieuse lumière qui ravissait tant le petit champignon au chapeau d’or et d’argent.

 Il se tenait fièrement dressé sur ses pieds chevelus, les veinules striant son corps battant d’impatience, ses deux longs yeux, étirés vers la canopée, guettaient l’arrivée d’un rayon chaud. Lorsque, soudain, une pomme lui tomba sur la couronne, d’une taille minuscule, huit pattes lui poussèrent lorsqu’elle roula sur la racine, devant lui et sa stupeur.

 « Mihihi », fit-elle en allant rejoindre à vive allure ses partenaires, pendues aux branches d’un buisson déjà assoupi.

 La maman du petit champignon sortit du terrier coincé entre les racines, qu’elle agrandissait afin de laisser tout l’espace nécessaire au bon développement de son bébé, ses bras filandreux chargés de terres qu’elle jeta sur un tas plus loin. À son retour, elle bondit habilement sur le perchoir de son enfant, le couvrit de tendresse et le posa sur son chapeau doré, puis s’en alla à un cours d’eau, dont les clapotis audibles s’élevaient depuis l’autre côté des derniers buissons feuillus.

 Le bébé la regarda y prélever la terre humide, riche en nutriments, et décida d’en faire de même en se laissant choir dans la boue où il disparut. Heureusement, les bras de sa mère l’y sortirent, et ils purent revenir en sécurité à leur abri, munis de grosses boules de boues dont ils se servirent pour en recouvrir le sol. Ainsi, la jeune maman fut tranquillisée de savoir son petit hors d’atteinte des bras pernicieux de la faim.

 Lorsqu’ils voulurent ressortir, leurs malicieuses voisines les regardaient depuis l’extérieur en piaffant d’amusement, leurs corps rond et rouge portant des billes argileuses. Le champignon d’or les remercia en leur offrant à chacune une goutte de nectar sucré.