Le fonctionnaire

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Labor ipse voluptas* ou l’éloge des fonctionnaires.

 

Alors que nos dirigeants s’emploient à réduire le nombre des fonctionnaires au prétexte de diminuer une monstrueuse dette publique, je voudrais ici les mettre en garde.

 

Le fonctionnaire n’est plus cet herméneute à bretelles, chargé de l’interprétation des textes sacrés et condamné par des stéréotypes caducs à plier les heures sur les heures jusqu'à obtenir la somnolence la plus réglementaire possible.

 

Ces clichés ont la vie dure. Servis par une tradition papelarde millénaire, ils sont ancrés dans les mentalités depuis la nuit des temps, bien avant l’invention de la photographie.

 

Nos plus grands écrivains ont eux-mêmes contribué à faire de l’usager une victime du fonctionnaire. Le ministère est le lieu, disait Courteline, où ceux qui partent en avance croisent dans les escaliers ceux qui arrivent en retard, et Balzac écrivait qu’un fonctionnaire de troisième rang, pour peu qu’il soit débrouillard et qu’il veuille sincèrement se désennuyer, pouvait sans gêne ni effort prendre un décret et même le faire publier au journal officiel.

 

Pas étonnant, dans ces conditions, que lorsque tout se passe bien, l’usager se demande avec mépris à quoi les fonctionnaires peuvent bien servir, et quand tout va de travers, se demande avec indignation à quoi les fonctionnaires peuvent bien servir.

 

Ainsi, pour l’usager, que les choses aillent bien ou mal, les fonctionnaires ne servent à rien.

 

Et bien, je ne félicite pas l’usager qui profère une telle ineptie et je lui retourne la question : A quoi servent les usagers si ce n’est à contrarier le bon usage des services ?

 

Je n’irai pas jusqu’à demander la suppression des usagers, mais force est de constater qu’ils sont la plaie de la fonction publique. Les voyageurs se plaignent des chemins de fer. Les contribuables se plaignent des impôts. Jusqu’aux chiens qui mordent les facteurs !

 

L’usager devrait, bien au contraire, bénir le fonctionnaire, l’aimer et le payer abondamment.

 

Car, ne l’oublions pas, le fonctionnaire qui a réussi des concours difficiles pour obtenir son poste, et se lève tous les matins d’un bon à faire frémir ceux du Trésor pour assurer la permanence du service public, est mal payé. Chaque année, l’inflation transperce son pouvoir d’achat comme une vrille chauffée à blanc dans une demi-livre de beurre.

 

Et pourtant ! Que ferait l’usager sans le fonctionnaire ? En vérité, en vérité, je vous le dis, sa vie ne serait plus qu’une longue suite de cauchemars sans fin.

 

Il ressemblerait à ces misérables qui errent sur les chemins mal entretenus de la vie comme les mouches se promènent, des existences entières, sur des in-quarto sans comprendre un traître mot aux textes les plus simples.

 

Ne se lasserait-il pas rapidement de se faire agresser par les bandits de grands chemins (et même de petits) alors qu’il se rend chez son percepteur pour payer une amende ou ses impôts ?

 

Tous ces pauvres usagers deviendraient vite neurasthéniques et il ne leur resterait plus qu’à engourdir leur peine à petites gorgées, l’usage du tabac étant d’ores et déjà interdit.

 

Or l’abus d’alcool est dangereux pour la santé.

 

Aimons nos fonctionnaires pendant qu’il en reste encore.

_____________________________________

 

* Le travail est le plaisir même

 

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