Amoureuses et libres...

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Tous ont constaté que l'empreinte a disparu ; à sa place, le bois, comme sur toute la surface du plan de travail, a retrouvé son aspect lisse et satiné... le commissaire se tourne vers Jeanne...

- Que s'est-il passé ?

- Rien d'autre qu'une marque qui apparaît et disparaît comme beaucoup de choses et d'êtres ici bas…

- Dites-moi, ce genre de phénomène peut se renouveler ?

- Absolument !

- Quand ?

- Quand cela sera nécessaire...

- Bien...il faut mettre fin à ces discussions fantasques, reprend Fraigneau. On va vous remettre en liberté mademoiselle Jeanne... se tournant vers le commissaire et le lieutenant - Qu'en pensez-vous ? L'un et l'autre acquiescent...

- Ah mais je ne partirais pas d'ici tant que vous ne m’octroierez pas la mise à disposition du Lieutenant Jocelyne Marchadier ! S'insurge, Jeanne...

- N'y comptez pas, rugit le capitaine, on n'a jamais mis un officier de police, comme ça, sans aucun motif valable, au service d'un citoyen ordinaire.

- Je ne suis pas un... une citoyenne ordinaire, lui lance-t-elle, en le défiant du regard.

- Jeanne, j'aimerais comprendre... pourquoi faut-il que ce soit moi qui vous accompagne ? L'interroge Jocelyne à brûle-pourpoint*... (*Une locution que Jeanne exècre...)

- Parce-que vous êtes la personne en laquelle j'ai, ici, le plus confiance.

- Et qu'est-ce qui vous permet de croire cela ?

- Le fait que vous êtes amoureuse de moi...

Jocelyne rosit aussitôt, le capitaine et le commissaire restent bouche-bée... un long silence se fait... personne n'ose reprendre la parole. Le lieutenant Marchadier est très gênée par cette soudaine révélation qu'elle juge déplacée, étant sortie de la sphère privée. Amoureuse, rien que cela !... Néanmoins, Jocelyne sait que Jeanne a dit vrai, elle est effectivement très amoureuse mais...

Jeanne rompt le silence...

- Amoureuse... au delà de la connotation s'accordant à ce qualificatif bien trop galvaudé, comprenez que c'est le sentiment, seul, qui doit être pris en compte. Ce sentiment dont toute l’authenticité est manifeste chez l'enfant qui aime sans contrepartie une personne qui a suscité l'éblouissement en son âme. C'est d'une pureté absolue !... C'est fort, c'est beau, c'est enthousiasmant, c'est prolifique et épanouissant. En fait, ce sentiment amoureux pur, d'origine puéril, exclue, d'emblée, toute manifestation sexuelle. C'est de cette manière que Jocelyne est amoureuse de moi et c'est aussi, réciproquement, le même sentiment que j'éprouve pour elle. Je l'aime, elle m'aime...

- Des lesbiennes ! S'écrie Fraigneau... vous êtes des lesbiennes ! Il ne manquait plus que cela pour le granguignolesque de la situation.

Jeanne fonce sur le capitaine et lui administre une gifle cinglante.

- Voilà pour vos jugements à l'emporte-pièce se fâche-t-elle, remplie, à la fois, de colère et d'indignation. Tout de suite les mots qui blessent et réduisent la réalité à ce qu'elle aurait de plus vile. Lesbiennes et homosexuels peuvent éprouver un amour profond et sincère pour leurs partenaires. Arrêtez de ne toujours considérer que ce qui est sexuel  et qui ne tient qu'à l'intimité de chacun ! Respectez au moins cela, Capitaine !

- Là, c'en est trop… intervient le commissaire, cette situation est ubuesque… mais je dois aussi convenir, qu'elle me dépasse totalement... Je pense, qu'au point où nous en sommes arrivés maintenant, il serait sans doute préférable et même judicieux d'accéder à la demande de Jeanne : de la relâcher et de lui adjoindre le lieutenant Jocelyne Marchadier...

- On ne peut légalement et professionnellement accréditer une telle décision, s'emporte Fraigneau, dans ce cas, nous devenons hors la loi, on dérape complètement là !... Personnellement, je ne souscris pas à cette proposition, commissaire !

- C'est votre avis capitaine, pour moi, dès cet instant, c'est un ordre... lui retourne sèchement Gensac.

- Eh bien, vous en assumerez seul la responsabilité, rétorque laconiquement Fraigneau. Et pour Marchadier, quel motif va justifier cette inacceptable mise à disposition ?

- Nous allons la mettre immédiatement en congé, elle a certainement des journées à récupérer. Qu'en pensez-vous lieutenant ?

- Si c'est un ordre, j’accepte cette éventualité...

- Ben voyons !... ricane Fraigneau.

- Que tout ceci reste entre-nous surtout, personne d'autre ne doit être au courant de cette décision... n'est-ce pas Capitaine ?... Insiste Gensac.

- Et le procès verbal de l’arrestation et de la remise en liberté de la fille, qu'est-ce qu'on y fait figurer, ironise Fraigneau... A leur grande surprise, avant même qu'ils se ressaisissent, c'est Jeanne qui en dicte la rédaction aussi explicite que concise.

- Tenez capitaine, dégourdissez-vous les doigts sur votre clavier :

« Ce vendredi 27 avril 2016, 9H45, à l'issue d'une garde à vue de 48 heures, prolongée de 72 autres nécessitées par les besoins de l'enquête, nous remettons en liberté, la dénommée Jeanne Darques (DARQUES), âgée de 19 ans, sans domicile fixe, arrêtée le Jeudi 21 Avril 2016 place du Martroi à Orléans, pour troubles occasionnés sur la voie public. L'interpellée revêtue d'une armure de chevalier du Moyen Âge est allée jusqu'à charger, épée à la main, les forces de l'ordre. Après enquête, il s'est avérée que tout ceci n'était qu'une farce née d'un pari entre étudiants en sciences sociales du CFTS d'Olivet, désireux de se manifester joyeusement à ce moment des préparations des fêtes johanniques. La prévenue reconnaissant les faits s'est engagée à ne plus récidiver et a laissé tout son accoutrement, aussitôt mis sous scellé... »

- Et où est-il maintenant, cet accoutrement ? S'inquiète Fraigneau.

- Dans le local où vous déposez tout ce que vous réquisitionnez, vous pouvez toujours aller vérifier Capitaine !... Il la regarde d'un air contrarié...

- Allez-y ! Intime Gensac. Fraigneau se lève nonchalamment, l'air complètement désabusé.

- Marchadier accompagnez-moi ! Je veux que d'autres yeux soient témoins de ce que nous allons découvrir. Commissaire, pendant ce temps, la fille reste sous votre surveillance, nous sommes bien d'accord... !

- Je ne bouge pas, promet Jeanne...

Ils reviennent au bout de 10 minutes...

- Elle a dit vrai... tout y est, il ne manque pas une seule pièce de l'armure, ni les vêtements puants qu'elle portait dessous, ni sa miraculeuse épée.

Lui ayant fait contre-signer le procès verbal, ils procèdent immédiatement à la libération de Jeanne .

- Et vous allez où, maintenant ? S'enquiert Fraigneau.

- 4 rue de Lorette, à Olivet, chez Jocelyne Marchadier, lui répond du tac au tac Jeanne qu'illumine un large sourire d'ange...



Fin de la première partie …

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