Chapitre 7 : Ses jours sont comme l'ombre qui passe

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Charles ouvrit les yeux, le visage collé au sol.

Il se redressa avec difficulté, autour de lui Marguerite, Grégory et les adultes le regardaient avec des yeux ronds, échevelés et les vêtements en pagaille.

Il comprit qu'il avait sans doute perdu le contrôle. Le Gentleman avait l'air fatigué, les traits tirés sans doute par un effort qu'il venait d'accomplir. Avec un sourire, il vint tout de même vers lui en lui tendant la main.

« Je... je me souviens, grimaça Charles en regardant sa gourmette avec dégoût. Je suis né dans une sorte d'église, un endroit qu'on appelait le Temple... Personne ne connaissait mon existence. Mon père... C'est lui qui m'a tué. Mon frère... Sirius... »

Les mots se coincèrent dans sa gorge, sa vue se brouilla. Il eut la sensation de plonger en avant, dans une obscurité molle et pesante. Il était mort...

« Ressaisis-toi, Charles ! dit Marguerite en le secouant par l'épaule.

— Je crois que c'est la mort de mon frère qui a tout déclenché, reprit-il en essayant de se calmer. Je ne sais pas comment ni pourquoi. Mais mon père m'a dit que les fidèles sont devenus fous en l'apprenant. Ils se sont probablement tous suicidés, comme le prévoient les textes sur... Nous étions comme des prophètes. Ils pensaient tous que nous avions un destin divin.

— Oui, des gens ont été retrouvés dans un marais, près d'une réserve naturelle. Mais aussi dans une immense propriété... Je l'ai vu aux informations, pendant que vous regardiez les films dans le centre commercial. Juste après, on a appris pour Fiona... Ton père s'est fait arrêté Charles, il est en prison. »

Le jeune garçon eut de nouveau la gorge nouée, ne sachant pas quoi penser. Il se sentit soudain mal : avait-il jamais pensé par lui-même ? se demanda t-il en posant les mains sur ses yeux.

« Ils pensaient tous que j'étais l'incarnation du Roi Arthur et que je pouvais prédire l'avenir... J'ai toujours su que c'était faux. Mon père a accumulé tellement d'argent, des gens haut-placés nous donnaient beaucoup en échange de contacts, de prédictions... On ne savait même pas s'il croyait lui-même à tout ce qu'il disait.

— Tu es né dans une organisation secrète ! s’exclama Grégory en réalisant la situation. Ça explique donc pourquoi tu ne connais rien sur rien !

Charles lui lança un regard noir, piqué au vif.

— Cela explique surtout pourquoi tu ne te souvenais pas de ta mort, reprit Marguerite. Tu as appris la disparition de ton frère au moment où ton propre père allait t'assassiner. N'importe qui voudrait oublier cela.

— Je ne suis pratiquement jamais sorti de la propriété. j'habitais dans une grande maison, éloignée de la ville. Un ancien vignoble avec un parc tout autour, entouré de champs et de forêts. À coté, il y avait un Temple où des fidèles venaient prier et apprendre les textes. Je n'avais pas le droit de sortir et je ne voyais jamais Sirius. Je crois que c'est pour ça que je suis apparu au crématorium, je voulais... je voulais le voir une dernière fois.

— Doux Jésus ! s'écria le Baron en se signant.

Charles pointa sa gourmette du doigt :

— Et mon père a osé me donner ça avant... avant de... Je suis obligé de garder ça pour toujours !

— Comment tu t'appelles, alors ? demanda Grégory avec curiosité.

— Adam. »

Un silence se fit, les fantômes se sentirent désolés pour Charles, qui comme les autres Trépassés, était victime de ses parents.

« Je préfère Charles, annonça Grégory avec un sourire. Adam, ça ne te va pas du tout.

— Tais-toi ! » lança Marguerite en le frappant sur la tête.

Charles-Adam, baissa la tête. Il ne savait pas lui-même ce qu'il préférait. Porter le prénom du Grand Maître le dégoûtait. Et entendre ce prénom lui serrait douloureusement l'âme, tant il lui paraissait associé à son frère et au Temple.

« Je n'aime ni l'un, ni l'autre... »

Marguerite était mal à l'aise, elle pensait que dire la vérité à son ami l'aiderait à se stabiliser, à peut-être trouver un jour le moyen de passer de l'Autre-Coté. Mais il semblait à présent si triste qu'une vague de culpabilité la submergeait.

« C'est pas grave, on te trouvera un autre nom ! dit Grégory avec un sourire.

— Hum..., fit la voix du Gentleman à leur coté. Je dois avouer que je suis légèrement déçu, je ne pouvais m’empêcher de penser que votre ancienne vie ou votre mort... Était associée au Dévoreur ou à quelque chose du genre... Pardonnez mon esprit qui s'est égaré.

— Ah..., soupira la grosse voix de Sergeï, la vie est parfois si surprenante et si ennuyeuse, la mort n'est pas épargnée non plus... Mais vivre dans une secte et tous se truicider, voilà qui est original, si on peut dire. Les vivants sont vraiment fous. Enfin, c'est pour ça qu'on est là... Je dois vous laisser à présent, la dernière représentation va commencer et je ne souhaite rater cela pour rien au monde. »

Il salua les personnes réunies avec sa galanterie habituelle puis disparut tel un coup de vent. Les autres fantômes prirent également congés.

Charles-Adam s'assit par terre, les jambes flageolantes.

« Je suis resté inconscient pendant combien de temps ?

— Plusieurs heures..., fit Grégory en haussant les épaules.

— Des nouvelles pour Hugo ?

— Et bien..., répondit Marguerite d'un ton mal assuré, nous avons demandé à Sergeï et nous sommes prêts pour demain. Nous allons faire une fête d'anniversaire pour Hugo. Il le réveillera exprès pour ce moment.

Elle regarda son ami, cherchant du regard un sourire ou une expression de reconnaissance. Mais Charles-Adam gardait un visage dur et des traits tirés. Marguerite redressa ses lunettes et quitta la réserve du musée pour cacher sa gêne.

« Je vais prendre des notes..., dit elle dans un souffle avant de disparaître.

— Très bien », répliqua-t-il d'un ton légèrement sec.

Charles-Adam ne fit rien pour retenir un souffle exaspéré, Grégory garda le silence, les yeux rivés sur le corps inanimé de son petit frère.

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