Chapitre 6

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A peine Arthur eut-il dit ces mots que je m’écartai. Arthur me regarda, avec un petit sourire :

  • Viens ! Sinon, tu ne verras pas ta mère et ta sœur…

Je lui lançai un regard noir, puis, la main toujours posée sur ma sacoche, j’entrai dans l’apparemment. Immédiatement, je me mis dos au mur, pour ne jamais quitter Arthur des yeux. Celui-ci ferma la porte à clé, puis lança la clé de l’autre côté de la porte.

  • Comme ça, aucun de nous ne sortira tant que le duel ne sera pas fini, expliqua Arthur.
  • Tu ne pourras donc plus jamais sortir, observai-je.
  • Si je gagne, j’ai un double de la clé bien caché, dit Arthur en haussant les épaules. Si tu perds, tu ne pourras plus jamais sortir.
  • Où sont Élise et Maman ?
  • Tu ne perds pas le nord, à ce qu’on dit, fit Arthur en allant s’asseoir sur une chaise en face de moi. Et d’ailleurs, tu ne l’as jamais perdu.
  • Élise ! criai-je. Maman !
  • Elles ne sont pas ici, dit tristement Arthur.
  • Où ? grondai-je.
  • Au cimetière.

Avec un cri de rage, poussé tellement fort que Cléa dût l’entendre, je me jetai sur Arthur. Celui-ci me donna une gifle qui me fit tomber à terre. Il ricana :

  • Tu ne sais pas combien d’années j’ai attendu pour faire ça.
  • Espèce de sale lâche ! Tu n’as pas le droit de me frapper.
  • Tu n’es plus un gamin, maintenant ! Sinon, tu n’aurais jamais survécu jusqu’ici !
  • Dans ce cas, je suis plus adulte que toi, car tu es resté cloîtré dans cet appartement à m’attendre ! Tu as juste eu la lâcheté de tuer deux personnes sans défense !
  • Qu’est-ce qui te dit que je les ai tué ?

Ces mots me frappèrent telle une claque. Je bredouillai :

  • Mais tu as dit…
  • J’ai dit qu’elles étaient mortes, pas que je les ai tué, répliqua-t-il en haussant les épaules. Seulement, tu étais trop aveuglé par ta colère pour m’écouter !
  • De quoi sont-elles mortes, alors ?
  • Je voudrais, dit lentement Arthur, avant de te répondre, que tu me racontes tout ton parcours.
  • Hors de question !
  • Tu veux donc rester dans l’ignorance ?

Je trépignai devant ce dilemme. Je finis par dire :

  • D’accord, tu as gagné.

Et je lui racontai les deux semaines que j’avais vécu, en omettant les cartes, les Autres, et le fait que Cléa était juste en dessous de nous et qu’elle pouvait venir à tout instant si elle s’inquiétait.

Arthur m’écouta d’une oreille attentive, me posant même parfois quelques questions. Je savais qu’il me posait ses questions pour des raisons particulières, et pas parce qu’il s’inquiétait pour moi.

  • C’est bon ? Tu es content ? demandai-je une fois mon histoire finie. Maintenant, dis-moi comment sont mortes Élise et maman.

Arthur laissa échapper un grognement de mécontentement et grimaça avant de commencer :

  • Lorsque nous avons appris le tsunami, ta mère a voulu aller directement à ta rencontre te chercher. Mais j’ai refusé, car je soutenais que nous ne pourrions survivre à travers le désert.
  • Moi non plus, je n’aurais pas pu survivre, objectai-je.
  • Et pourtant tu es là, répliqua Arthur. Et nous aurions dû survivre avec trois, sans armes pour nous protéger, avec une enfant de 10 ans qui ne pourrait soutenir notre rythme de marche. Elle s’est donc laissée convaincre de rester ici, et elle envoya immédiatement un message pour te prévenir.
  • Oui, j’ai reçu le message.
  • Et qu’aurais-tu fait, sinon ?
  • J’y serais allé de toute façon. J’aurais peut-être eu un peu plus d’hésitations, mais j’y serais allé.

Arthur m’observa un instant, puis déclara :

  • Oui, tu as évolué au niveau de la maturité. C’est bien.
  • C’est le premier compliment que tu me fais, ironisai-je. Continue, je n’ai pas que ça à faire.
  • Tu as un rendez-vous, peut-être ? Un rendez-vous avec la mort ? Mais soit, je continue. Au bout de quelques jours, je compris qu’il n’y aurait pas assez de nourriture pour nous.
  • Il n’y en aurait jamais eu assez pour vous, ou pour toi.
  • C’est vrai, mais maintenant j’ai toi, répliqua-t-il en souriant à toutes dents.

Je reculai d’un pas et m’appuyai contre le mur.

  • Tu es vraiment devenu malade, grondai-je. Arrête de changer de sujet, et parle !
  • Donc, j’ai compris qu’il n’y aurait pas de nourriture pour nous trois jusqu’à ton retour, contrairement à ta sœur et à ta mère qui croyaient que nous aurions de la nourriture illimitée et que l’armée viendrait nous sauver.
  • D’ailleurs, où est passé l’armée ?
  • Tu vois, c’est toi qui change de sujet. Elle doit se terrer quelque part avec de la nourriture pour une année. Tandis que nos réserves baissaient, j’ai décide de faire quelque chose.
  • Tu les as assassinés ! grondai-je. Espèce de…
  • Je ne les ai pas assassiné, rectifia Arthur.
  • Qu’est-ce que tu as fait ? Tu es allé chercher de la nourriture au péril de ta vie ? ironisai-je. Non ce n’est pas ton genre, tu es trop lâche pour ça.
  • Je me suis sauvé la vie en leur privant de la leur, lâcha Arthur.
  • Tu les as assassinés ! Arrête de jouer avec les mots ! Tu n’es qu’un sale lâche qui a préféré tuer sa propre famille plutôt que d’essayer de survivre tous ensemble !
  • Arrête de dire que je suis un lâche ! Tuer la femme qu’on aime est un acte très difficile !
  • Pourquoi l’as-tu fait, alors ? Vous auriez pu trouver un moyen pour survivre, comme je l’ai fait !
  • Nous n’avons pas le même âge, au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, grogna Arthur. Je n’ai plus l’âge pour des imbécilités.

Je me tus un instant, avant de demander, en essayent difficilement de cacher ma colère :

  • Et comment as-tu fait pour les tuer ?
  • Je les ai étranglées. Ça n’a pas être facile, car elles se débattaient, mais j’ai finalement réussi. J’ai traîné leurs corps jusqu’au cimetière, et ensuite je t’ai attendu.
  • Tu es ignoble ! criai-je. Ignoble ! Tu ne te soucies pas du bonheur de ta famille, que du tien, espèce de sale égoïste ! Tu es prêt à tuer ta femme et te sauver toi-même plutôt que de mourir tous ensemble !
  • J’ai envie de sauver ma peau, moi ! se justifia Arthur, qui semblait mal à l’aise.
  • Ta peau ne vaut rien ! Celle de ta famille beaucoup plus !
  • Je n’ai jamais voulu les tuer ! dit Arthur en se levant. Seulement, le destin m’a forcé à le faire.
  • Le destin ! le raillai-je. Tu crois aux forces occultes maintenant ?
  • Depuis qu’il nous est tombé sur la tête trois cataclysmes et un tsunami, oui ! répliqua Arthur.

J’hésitai un instant à lui dire que c’était en fait les Autres qui avaient créé tout ça, mais Arthur ne m’en laissa pas le temps.

  • C’est bon ? Tu as crié toute ta colère ? demanda Arthur. Bien. J’aimerai que nous éclaircissions quelques point ensemble maintenant. Le premier étant les cartes…

Je redressai la tête et le fixai avec de grands yeux interloqués,

  • Oui, tu vois très bien ce que je veux dire ! continua Arthur. Il me semble que c’est quand même la moindre des choses de me parler de votre secret de famille, non ? Même si je suis son deuxième mari.
  • Aussi étrange que cela puisse paraître, maman se méfiait de toi, c’est pour ça qu’elle ne te l’a jamais dit.
  • Ton père le savait ?
  • Oui, je pense, dis-je. Parce qu’au moins lui, il était digne de confiance, pas comme toi !
  • Ça se voit bien que tu ne l’as pas connu, ironisa Arthur.
  • Comment sais-tu, pour les cartes ?
  • J’ai… interrogé ta sœur, dit Arthur, mal à l’aise.
  • Tu l’as torturée ? grondai-je. En plus de les tuer, tu les fais souffrir ? Tu ne crois pas qu’ils auront déjà assez mal ?
  • Elle a brandi une carte devant elle, se défendit Arthur. Elle a tenté de l’utiliser, et elle m’a fait cette coupure au bras que tu vois là, dit-il en montrant une plaie sur son bras.
  • Une coupure ? Une blessure oui ! J’espère que tu as bien eu mal, crachai-je. Tu l’as bien mérité !
  • Je voulais savoir où elle avait eu cette carte, mais elle n’a pas voulu, poursuivit Arthur. J’ai dû un peu la forcer.
  • Espèce de…
  • Donc, à chaque fois que tu tendais la main vers ta sacoche, tu voulais utiliser les cartes, pas vrai ?
  • Oui, avouai-je.
  • Très bien, au moins tu es sincère. Élise m’a tout dit, dit Arthur. Sur les Carreaux, les Cœurs, les Trèfles et les Piques.
  • Et maintenant, tu connais le secret familial, et tu veux me tuer avec le 10 de Pique, grondai-je. Alors que j’ai tout perdu dans la tempête !
  • Tu as perdu toutes tes cartes ? s’étonna Arthur. Tant mieux, ça me simplifie le travail.

Il sortit le dix de Pique de sa poche arrière et lança, avec un petit sourire satisfait :

  • Adieu, Matt.

Je sortis mon sept de Pique et lançai une attaque, ma dernière, en même temps qu’Arthur. Celui-ci ouvrit de grands yeux étonnés, mais se ressaisit plus vite que je ne le crus et fit trois autres gestes dans les airs.

Le sept de Pique ne pouvant lutter contre quatre attaques d’un dix de Pique, il fut bientôt submergé, et quatre fois quelque chose entailla ma chair, une fois au bras, et trois fois au ventre.

Je reculai contre la fenêtre, respirant à grand coup, sentant la vie me quitter. Arthur s’avança vers moi et approcha son visage du mien :

  • Tu m’as menti encore une fois, mais ça ne m’a pas déstabilisé. Et maintenant, va crever en enfer, sale pourriture !

Et il me poussa, me faisant basculer en arrière et passer la tête à travers la fenêtre. Je tombai, mon esprit tombant lentement dans le néant. Au dernier moment, j’entrevis une solution miraculeuse, et tendis la main vers la sacoche.

Alors que je sortais une carte de la sacoche, je m’écrasai par terre, et la douleur fut telle que je faillis lâcher la carte. Je vis le visage d’Arthur penché par la fenêtre quatre étages plus haut, avec un grand sourire.

Puis il se détourna, et je pus mettre mon plan à exécution, juste avant de m’évanouir, sans savoir si j’allai me réveiller ou pas.

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