CHAPITRE 41 : Intelligence artificielle

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Abrutis par les cris presque inhumains de la Synthétique qui résonnaient dans les couloirs du cargo, Alistair Gun et Seilah avançaient d’un pas précipité, les mains sur les oreilles, vers la passerelle. Ils essayaient tant bien que mal de crier quelque chose. Cependant, les hurlements de Sarina étant si forts, la Capitaine dut faire répéter les deux compagnons de bord qui hurlèrent à l’unisson, dans l’espoir de couvrir les cris :

— Nous croyons savoir exactement ce qu’il se passe !

Les cris ayant cessé, Tiana fit signe au médecin, mais il fut rapidement coupé par Ash :

— Boss ! J’ai un problème.
— Encore un ? demanda Fry, sarcastique. C’est pas comme si on avait que ça en ce moment…

Puis voyant l’air surpris sur le visage de Tooms, elle se ravisa et reprit :

— Qu’est-ce qui se passe, Ash ?

— J’ai l’impression que le Charon commence à prendre vie…

— Comment ça ?

La Capitaine s’approcha alors du pilote qui leva les mains des commandes.

— Regarde donc…

Comme mû par une conscience propre au vaisseau, ce dernier se déplaçait entre les tirs, évitant chacun d’eux avec une adresse presque irréelle.

— C’est pas croyable. s’exclama Fry, stupéfaite par les manoeuvres effectuées par le Charon. Comment est-ce même possible ?

— À cela, je crois avoir une réponse. Ainsi qu’à tout ce vacarme. déclara Alistair, très sûr de lui.

L’ancienne militaire haussa un sourcil tandis que le médecin lui faisait signe de le suivre. La Capitaine fit signe à sa compagne de rester avec le timonier et emboita le pas du médecin jusqu’à l'infirmerie. Cependant, Tiana semblait plus préoccupée par ce qui était en train de se passer au-dessus d’eux :

— Doc, j’espère que ce que vous avez à révéler est des plus importants. Parce que là, je pense qu’il y a plus urgent.
— Plus urgent que notre survie à tous ? s’indigna Al’. Je ne pense pas, non.

En voyant un air aussi sérieux sur les traits de l’ancien opérateur, Fry savait que ce dont il voulait parler était capital. Aussi se laissa-t-elle convaincre sans résister :

— Que voulez-vous me dire alors ?

— Pas vous dire, Capitaine. Vous montrer. rectifia-t-il.

Interrompu par un hurlement de souffrance de Sarina, le Docteur Gun inspira profondément, le temps que le cri ne finisse, avant de commencer ses explications :

— Vous vous souvenez, Capitaine, que, pendant un temps, l’esprit de notre chère Sarina a été couplé aux systèmes du vaisseau.
— Oui, je sais. Elle a même commencé à pouvoir piloter le vaisseau…

Puis, ayant peur de comprendre, la Capitaine se couvrit la bouche de sa main :

— Me dites pas que…
— Si, j’en ai bien peur, ma chère. Regardez.

Le médecin afficha alors certaines courbes sur un écran installé dans la toute moderne et nouvelle infirmerie.

— Vous voyez ça ? demanda-t-il, rhétoriquement. Il s’agit de l’activité du cortex de Sarina lorsque nous avons effectué le transfert jusqu’aux systèmes principaux du vaisseau.
— Oui et… ? répliqua la jeune femme, impatiente.

L’ancien opérateur de l’Alliance composa une séquence sur un terminal tout près et une autre courbe d’une couleur différente se superposa exactement à l’ancienne :

— Voici maintenant, les résultats d’un scanner bio-électrique que j’ai effectué lors des cris de la pauvre Sarina. Nous avons là en face de nous la preuve que les deux entités sont en symbiose parfaite.
— Pourtant, on les a déconnectés l’une de l’autre, non ?

N’étant sûr de rien, le médecin hésitait à répondre. Cependant, pour Fry, il était obligatoire qu’il dise tout ce qu’il pouvait savoir :

— Comment est-ce que c’est possible ? Doc !

— Je n’en ai aucune idée. Je ne peux qu’émettre des suppositions. On peut imaginer que quand Sarina a pris le contrôle du vaisseau sur Demora, elle a laissé une empreinte d’elle, une sorte de porte d’entrée et de sortie dont elle n’a même pas conscience.

— Et pour nous qu’est-ce que ça signifie ?
— Comme je vous l’ai dit, je pense que Sarina ne sait pas que ce lien existe. Malheureusement, pour nous, elle pourrait très bien couper les systèmes de survie sans s’en rendre compte et tous nous tuer. Cependant, contrairement à une simple intelligence virtuelle qui va rester dans le cadre de son programme…

— ... une intelligence artificielle comme Sarina va pouvoir évoluer. Si on s’en sort, ça finira peut-être par être utile. conclut une voix familière.

Mei venait d’entrer dans l’infirmerie, suivie de près par Ethan et Jack. Les deux hommes avait un air particulièrement inquiet sur le visage. C’était notamment le cas de Daniels qui tremblait nerveusement à chacun des cris de Sarina, ce qui était étrange pour qui connaissait l’artilleur depuis longtemps.

— On a peut-être une idée… déclara la jeune alien.
— Une idée pour quoi ? lui demanda Tiana, intriguée.
— Pour localiser Sarina. lâcha tristement Daniels.

Impressionnée par un tel travail d’équipe entre les trois compagnons de bord, Tiana hocha la tête, signalant à Mei qu’il était temps pour elle d’expliquer son plan :

— C’est le fait qu’on ait déjà la signature bio-électrique du cortex à bord qui m’a donné l’idée de créer un gadget pour la trouver ailleurs.
— Tu peux faire ça ?
— Tu veux dire que c’est déjà fait. répondit-elle, le sourire aux lèvres, en sortant un objet, composé d’un écran et d’une tablette, de la sempiternelle besace qu’elle portait en bandoulière et qui lui servait à ranger tout plein de gadgets utiles.

Devant les yeux ronds que faisait Tiana, la jeune Azrienne s’expliqua :

— J’ai fait ça rapidement. Ça marche comme un traqueur habituel. Tu le pointes dans n’importe quelle direction et l’écran t’indique où se trouve ta cible. Malheureusement ça ne fonctionne qu’en deux dimensions. Sauf, si…

La mécanicienne s’interrompit, comme frappée d’une fulgurance. Elle s’approcha d’une console et la relia à son gadget. Puis elle enclencha l’intercom et appela le timonier :

— Tooms, dis-moi que tu vois un point sur les senseurs.
— Exact. répondit le pilote. C’est la position de ma soeur ?
— Oui. Essaie de nous diriger droit vers le croiseur où elle est ! ordonna Fry.

Sur la passerelle, sous les yeux écarquillés de Seilah, Tooms se mit à enchaîner une série de manoeuvres des plus périlleuses pour naviguer entre les différents vaisseaux composant le blocus. Si la survie de l'équipage était primordiale à ses yeux, son esprit ne cessait de revenir vers Sarina. Sa soeur, qui n'avait pas hésité à se sacrifier pour leur laisser un chance de salut. Il l'avait admirée pour ça et s'était également juré de retrouver par tous les moyens celui qui l'avait enlevée : Atlan.

Tiana fit son apparition avec Alistair dans son sillage.

— J’ai trouvé dans quel croiseur il la retient. déclara Tooms. C’est l’un des plus gros, là ! ajouta-t-il en pointant sur l’un des vaisseaux qui essayaient de pilonner le cargo.

Le pilote avait dans les yeux une lueur que sa Capitaine lui connaissait bien. Une lueur de rage depuis qu’il avait une cible dans le viseur. Une lueur qui se transforma rapidement en stupeur quand, au bout d'un moment, le fameux point montrant la localisation de sa soeur disparue s’éteignit. Inquiète et surprise, Fry se jeta alors sur l'intercom :

— Mei ! On a plus rien ici. Tu es sûre qu'il fonctionne ton gadget ?

— Certaine. Il n'y a que deux raisons possibles. Soit on a débranché mon récepteur, soit Sarina est morte.

Un cri retentit alors dans le vaisseau, excluant la seconde hypothèse.

— Au moins, on est certain qu’elle est toujours en vie. pensa tout haut Tiana, recevant par la même occasion un regard noir de son pilote.

Soudain, le bruit de fermeture d'un sas résonna dans les couloirs du vaisseau, suivi d'un soufflement caractéristique d'une dépressurisation. On entendit un claquement métallique et enfin le souffle d'une propulsion.

Quelqu'un s'en allait dans l’unique navette du Charon. Mais qui ?

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