5 - Le 4 septembre (3/3)

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Le brouhaha continua de se mêler aux cliquetis des couverts contre les assiettes et Édouard n'avait toujours pas décroché un mot à ses voisins de table. Il observait donc les secondes qui se racontaient leur meilleur moment des vacances sans pouvoir y participer. Il voyait en eux la bande soudée qu'il aurait toujours voulu intégrer et il eut soudain, ce sentiment d'échec qu'il éprouvait lorsqu'il voyait Ludovic traîner en tête de la sienne. Ce fut alors qu'il se décida à prouver à son frère qu'il pouvait, lui aussi, avoir des amis fidèles. Il profita donc de ce moment où tout le monde discutait dans la convivialité afin d'observer les élèves des autres tables. Tout en mâchant, son regard se posa sur un garçon de sixième aux cheveux frisés, le nez en trompette se faire réprimander par un des fantômes de la SOIF tandis qu'il jouait avec de la nourriture pour se rendre intéressant. Mais, alors que les voisins de table se moquaient de ce garçon, Édouard a inconsciemment barré ce sixième d'une sorte de liste qui définirait ses futurs amis.

 « Je ne veux pas qu'on se moque de moi si je traine avec ce genre de type, s'est-il dit en regardant ailleurs pour trouver une nouvelle cible »

 Il aperçu une grande fille de quatrième qui semblait s'ennuyer à mourir au milieu d'un groupe de sixièmes qui gloussaient entre elles. Avec son dos vouté et ses cheveux emmêlés, elle n'avait pas l'allure d'une fille. Aussitôt, il barra cette fille de sa liste fictive en se demandant ce qu'il pourrait bien faire avec un garçon manqué plus âgé que lui. En revanche, il entoura les filles de son âge, plutôt jolies, qui riaient car il les trouva sympathiques. Le dîner suivit son cour et Édouard continua d'épier la salle afin de trouver ses futurs camarades qui allaient partager sa vie à l'Académie des sorciers. En se servant un bout de camembert moelleux accompagné d'une feuille de salade, il fut surpris par un élève de son âge lui adresser la parole.

  • Psst ! siffla-t-il. Je parie que tu ne sais pas qui a fondé cette école.
  • Pardon ? fit Édouard interloqué.

Pendant un temps, il se demanda si c'était bien à lui que s'adressait le jeune garçon aux lunettes rondes et aux cheveux noirs plaqué sur le coté, formant une raie bien nette.

  • Je m'appelle Eugène Loizeau, se présenta-t-il en souriant avec un morceau de salade coincé entre les dents. Je suis en sixième moi aussi. Alors, tu sais qui a fondé cette école ?
  • Euh... non, répondit simplement Edouard qui s'en fichait de connaître la réponse.

Pourquoi ce garçon aux allures de premiers de la classe lui adresse-t-il la parole ? Édouard ne lui a rien demandé ? En plus, il est ridicule avec ce morceau de salade entre ses dents.

  • Tu veux un indice ? continua-t-il malgré l'ignorance d'Édouard. L'école porte son nom !

À cet instant, Édouard comprit qu'Eugène cherchait lui aussi à se faire des amis dès la rentrée. Malheureusement, il le raya de sa liste le jugeant trop... pénible. Il ne se voyait pas trainer avec lui. On se moquerait d'eux tout le temps. L'un parce qu'il a une raie ridicule sur sa tête et l'autre parce qu'il a un épi rebelle au sommet de la sienne. Malgré tout, Édouard préféra lui répondre pour ne pas paraître insolent. D'une part parce qu'il n'est pas du genre à rejeter les gens et de l'autre parce qu'il ne veut pas se faire d'ennemis.

  • Beauxbâtons ?
  • Exact ! C'était facile, dit-il en prenant un morceau de pain. En fait, il s'agit d'Irvin Beauxbâtons, né en 989. Il fonda l'école en 1026 après sa victoire contre le mage noir Pietrus. C'est lui sur la fontaine du hall, avec les livres dans la main. Ça représente...
  • Tais-toi Eugène, coupa une voix féminine en intervenant dans la conversation, s'il n'est pas au courant c'est que ses parents sont des moldus ! fit remarquer le portrait craché d'Eugène avec des cheveux longs et une raie au milieu.

« Des jumeaux ! » se dit Édouard avec surprise tandis qu’il reconnu la jeune fille comme étant celle qui lisait un livre sous la tente rouge de la librairie Lepage au marché des sorciers il y a quelques semaines.

  • Désolé, continua-t-elle en s'adressant à Édouard. Il faut toujours qu'il fasse son intéressant. Je m'appelle Eugénie, je suis sa sœur jumelle, tu rentre en sixième toi aussi ?
  • Oui, répondit Édouard qui en avait assez de répondre à leurs questions.

Le diner parut de plus en plus long pour Édouard qui n'arrêtait pas de se faire harceler de question de la part des deux jumeaux. Les elfes étaient en train de débarrasser les tables après avoir servie un fondant au chocolat particulièrement délicieux, loin, bien loin des « plastiques en chocolat » que préparaient Mme Vittel. Le professeur Dénébola se leva de nouveau de son trône et interrompit le brouhaha.

  • Chers élèves, dit-elle de sa même voix apaisante. Le diner d'accueil touche à sa fin et nous nous sommes régalés ce soir, comme chaque années d'ailleurs. Mais avant que le fantôme en chef, Monseigneur De Pétrillac, dit-elle ne montrant le fantôme à l'aspect sévère qui avait réprimandé le sixième aux cheveux frisés, vous accompagne jusqu'à vous dortoirs, il est temps de chanter notre hymne si chère à l'Académie.

Soudain, tout le monde se leva ainsi que les professeurs. La directrice frappa dans ses mains et un long texte défila au travers des miroirs. Les élèves chantèrent dans un air solennel.


Beauxbâtons, Beauxbâtons

cett' chanson vous conte l'histoire,

D’un mage qui eut l'ambition,
Beauxbâtons, Beauxbâtons,

L’ambition qui laisse croire

Qu’un jour les sorciers s'ront bons
Beauxbâtons, Beauxbâtons,

Bon comme cette idée géniale,

De fonder l’Académie

Beauxbâtons, Beauxbâtons,

Académie un peu spéciale

Puisqu’elle n'accueille pas d'moldus
Beauxbâtons, Beauxbâtons,

Des moldus qui ignorent donc

Que cett' école s'appel'ra
Beauxbâtons, Beauxbâtons,

Beauxbaaaaaaaaaaaaatons.

L'hymne de l'Académie se termina par une salve d'applaudissements avant que les élèves quittent leur chaise en parlant bruyamment. Le fantôme en chef de la SOIF, Monseigneur De Pétrillac, conduisit la foule hors du réfectoire en demandant le silence. Il portait une vieille robe de sorcier miteuse avec une épée de mousquetaire accrochée à sa taille. Son chapeau à plumes était troué et il tenait dans sa main droite un parchemin enroulé. Sa pâleur fantomatique ne rendait que plus impressionnant son aspect sévère et il se déplaçait dans les airs avec une telle agilité que les élèves avaient du mal à le suivre. Sur le chemin, Édouard entendit plusieurs élèves de cinquièmes parler tout bas pour ne pas que le fantôme ne les entendent.

  • Je me demande combien de noms Pète-sec a noté sur son parchemin ce soir, dit l'un d'eux.
  • Il a surement dû prendre celui du sixième qui a catapulté du riz avec sa cuillère, dit un autre en rigolant tandis qu'Édouard se souvient du garçon frisé et au nez en trompette qu'il avait rayé de sa « liste d'amis »
  • En tout cas, s'il est inscrit sur le parchemin, Pète-sec ne va pas le lâcher pendant le reste de l'année !

Édouard ne pu s'empêcher de sourire en entendant le surnom péjoratif que donnèrent les élèves au fantôme en chef de la SOIF. Mais son sourire s'effaça lorsqu'il entendit derrière lui une voix familière.

  • Eh ! Salut Edmond ! interpela Eugène suivit de près par sa sœur.
  • Moi c'est Édouard, rectifia-t-il poliment.
  • Ouais si tu veux, continua le jumeau à la raie impeccablement plaquée sur le coté. Alors tu as bien mangé ? C'était délicieux, hein ? Dis, je suis sûr que tu ne sais pas où se trouvent les cuisines du château ?

Le trajet vers les dortoirs sembla interminable et Édouard soupirait de fatigue à force d'entendre les jumeaux étaler leur science. Pète-sec emmena les élèves dans l'aile Est du château et monta au couloir du troisième étage, là où était affiché le panneau des chambres. Avant de laisser les élèves prendre connaissance de leur chambre, Pète-sec les rassembla dans le couloir.

  • Vous trouverez le panneau de répartition des chambres, dit-il en criant pour se faire entendre dans le brouhaha. Je tiens à vous préciser, avant de vous lâcher, bande d'hippogriffes sauvages, que l'extinction des feux est prévue à 21 h tous les soirs ! Au-delà de cette heure, vous ne sortirez plus de vos chambres ! Ai-je été assez clair ?

Voyant que personne ne lui répondit, il poursuivit ses consignes.

  • Bien, vous trouverez toutes vos affaires dans vos chambres respectives, on vous les a déjà montées. Alors ayez un peu d'indulgences envers le personnel de l'Académie qui s'est ruiné les reins pour vous éviter un mal de dos, bande de gargouilles abruties.

Lorsqu'il eut finit, il traversa le mur d'en face sans un « bonne nuit », laissant la foule d'élèves agglutinés dans le couloir à lire le panneau de répartition des chambres. Édouard se retrouva prit en sandwich entre deux immenses terminales avant de pouvoir lire la liste à son tour. Lorsqu'il trouva enfin son nom dans la colonne de la chambre de la tour Ouest, il vit avec horreur celui d'Eugène Loizeau juste en dessous.

  • C'est génial Eddy ! s'enthousiasma ce dernier, on est dans la même chambre ! Eh ! Eugénie, devines avec qui je suis ?...

Et il s'éloigna en allant porter la nouvelle à son double féminin un peu plus loin. L'année scolaire allait être plus pénible qu'Édouard ne le pensait. Il s'obligea donc à monter les marches en colimaçon en compagnie d'Eugène vers leur chambre.

Une fois arrivés en haut de la tour Ouest, le jumeau poussa la porte et Édouard put découvrir le lieu où il passera ses nuits. C'était une large pièce circulaire sous les combles dont la charpente en bois laissait ses poutres apparaître. Il y avait cinq grands lits à baldaquins aux rideaux de velours bleus entourant un vieux poêle à bois noir pour tenir la pièce au chaud durant l'hiver.

Il y avait déjà deux sixièmes qui défirent leurs bagages en silence. Édouard reconnu avec dépit que l'un d'eux était le frisé qui avait catapulté du riz lors du diner. Il n'en crut pas ses yeux. Il avait rayé deux garçons dans sa liste et il a fallut qu'il tombe dessus lors de la répartition des chambres. Ce n'était décidément pas la rentrée qu'Édouard espérait. L'autre garçon avait l'air habitué à ces lieux. Il était petit et grassouillet avec des yeux renfoncés tel une chouette. Eugène se précipita vers un lit et invita Édouard à prendre celui d'à coté. Mais ce dernier esquiva habilement le coup en prétextant qu'il préférait dormir à coté de la fenêtre. Ainsi, il se coucha dès qu'il eut terminé de ranger ses affaires et tira les rideaux de son lit afin de préserver son intimité. Il s'endormit difficilement ce soir là car il ne cessait de se dire que tout n'était qu'un cercle vicieux. Il n'aura jamais d'amis comme Ludovic et sa bande. Il ne sera jamais aussi populaire que Kévin et par dessus le marché, il ne sera sûrement jamais doué en quoi que ce soit. Il finit par rêver d’un chien au poil bouclé et à la mine joyeuse, d'une girafe et d'une chouette un peu maladroite. La bande d’animaux insolite se promenaient dans une forête tandis qu’Edouard se retrouvait dans la peau de Panache. Il se réveilla le lendemain matin en croyant qu'il s'était couché il y a seulement vingt minutes, la lumière du jour perçant à travers les rideaux bleus. Son étrange rêve lui était totalement sorti de l’esprit.

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