Chapitre 2 : Bariemos et Ipulos

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Bariemos et Ipulos s’ennuyaient fermement. Ils observaient les Hommes s’agiter et avaient pour ordre de les laisser prendre en main leur destin grâce à leur libre arbitre. Ipulos se serait bien amusé à déclencher l’activité d’un volcan sous-marin près d’une zone côtière, ou à créer une nouvelle faille sismique en plein cœur d’une mégapole. Il aurait pu observer les fourmis s’activer une fois leur fourmilière effondrée. Malheureusement, les catastrophes naturelles étaient la prérogative exclusive de son père. Son frère et lui auraient déclenché un courroux duquel il valait mieux se tenir éloigné s’ils avaient eu l’outrecuidance de désobéir. Toutefois, il arrivait parfois aux deux frères, de prendre un humain au milieu de tous pour s’amuser un peu avec lui, la disparition d’un humain isolé passant relativement inaperçu.

- Ipulos, on s’ennuie ! Tu ne veux pas qu’on s’amuse avec un humain ? proposa Bariemos à son frère.

- Non, moi je ne veux pas de problèmes avec Père, répondit Ipulos.

- S’il te plaît, on n’a rien à faire ! On n’a jamais le droit d’agir sur rien ! On n’en prend qu’un seul, on l’isole et ça ne laissera pas de traces. Quand Père aura le dos tourné à nouveau, on le remettra à sa place.

- Non mais si on attend qu’il tourne le dos, à l’échelle de temps humaine il se sera passé cinq ou six siècles, autant ne pas le remettre en place.

- On le remettra à sa place à l’époque ou on l’a pris.

- Je ne sais pas faire ça moi. Il n’y a que Père et Grand Père qui savent.

- Et bien moi je sais. Grand Père m’a montré comment ! S’exclama Bariemos tout content.

- Oh je voudrais bien que tu me montre ! Répondis Ipulos, jaloux.

- D’accord mais on prend un humain pour jouer ! Négocia une nouvelle fois Bariemos.

- D’accord, on prend un humain pour jouer !

C’est ainsi que les deux frères sélectionnèrent un jeune homme, purement par hasard. Ce jeune homme avait été appelé Bill par ses parents mais ils l’appelèrent Toufou affectueusement.

- Qu’est ce qu’on en fait Ipulos ? demanda Bariemos.

- Je ne sais pas, répondit l’aîné, il dort. En tout cas, quand il va se réveiller, il ne va rien comprendre à ce qui lui arrive !

Ipulos se mit à rire, heureux de la bonne blague qu’il s’apprêter à jouer à son humain.

- Ça serait drôle de le faire combattre des monstres, dit Bariemos.

- Oui mais je préfèrerais qu’il n’y ait pas de chahut pour ne pas attirer l’attention de père. De plus s’il meurt, on est foutu, à moins que Tonton t’ait laissé un passe-droit pour récupérer une âme de l’autre côté.

- Non non, pas plus que toi. Et puis de toute façon il faudrait réparer son corps. Laissons tomber, ce sera pour une autre fois. On pourrait peut-être simplement le garder près de nous, dans une cage, et lui donner à manger.

- Tu rigoles Bariemos j’espère ? On ne peut pas l’amener ici. Il ne peut pas nous voir.

- Non mais on fait en sorte qu’il ne nous voit jamais et voilà.

- Attends, repris Ipulos, on va lui faire une cage marrante. Je mets un mur là, un autre comme ça...

- Oh attends, l’interrompit Bariemos, on met juste deux murs qui s’étendent à l’infini dans les deux sens. Il va être bloqué dans un couloir et va courir partout pour trouver la sortie.

- Oui, on n’a qu’à faire ça. On verra bien. Ce serait intéressant de le laisser là et d’observer sa réaction.

- En plus on le met dans le noir. Il va mettre du temps à comprendre où il est.

- Oh oui bonne idée. Par contre on si ne lui donne rien à manger il va mourir, remarqua Ipulos.

- Non ne t’inquiètes pas, ici il ne vieillira pas, et n’aura ni faim ni soif.

- Je te fais confiance, vas-y réveilles le.

Bariemos ne sut pas que Bill ressentirait bien la faim et la soif, bien qu’il fût effectivement acquitté de ses besoins vitaux. La divinité activa électriquement une zone du cerveau de Bill car il connaissait bien le corps humain. Ceci eut pour effet de réveiller le jeune homme. Puis ils l’observèrent découvrir son nouvel environnement.

- Regarde, dit Bariemos, Toufou est en train de comprendre qu’il n’est pas chez lui là.

- Il doit avoir la peur de sa vie, tout seul dans le noir ! répliqua Ipulos.

« Il y a quelqu’un ? s’écria Billy.

- Oui oui, nous on est là, dit Ipulos. »

« S’il vous plait ? »

- Il ferait mieux de rester calme « Personne ne viendra te chercher ici mon ptit père ». Dit Ipulos comme s’il s’adressait directement à Billy.

- Eh ! C’est qu’il n’est pas idiot ! Il avance dans le couloir avec les mains en contact avec la paroi, remarqua Bariemos.

- Oui il doit vouloir trouver une sortie. Mais il ne la trouvera pas.

- Non ! Acquiesça Bariemos, ou alors on met une sortie, mais une toute petite, près du sol, pour qu’il ne la sente pas, proposa-t-il en riant.

- D’accords frérot, c’est parfaitement inutile, mais juste pour rire…

Ipulos plaça une ouverture sur le mur à droite de Bill. Elle faisait cinquante centimètres de haut sur un mètre vingt de large. Tout juste de quoi se faufiler à l’intérieur. Bien sûr Bill passa devant sans la repérer ce qui fit rire aux éclats les deux frères qui observaient la scène.

- Bariemos, il est en train de monter en cheminée entre les deux murs !

- Il va sortir le filou ! Arrêtes ça Toufou !

- Il va sortir oui, mais où ? Hors de sa cage, ce n’est même pas le vide cosmique, c’est le néant. Il va finir sa course hors de l’existence même. On va le perdre et Père finira par le savoir.

- Bon bah on augmente la hauteur des murs d’une longueur infinie dans ce cas. Et voilà Ipulos, c’est fait.

- Il n’est pas près de sortir, s’amusa Ipulos. Je crois qu’il est à bout de force en plus.

- Aïe ! s’écria Bariemos en observant la chute de Bill. Là, je crois que Toufou s’est fait très mal !

- Oui, je crois aussi. Laisse-le s’habituer, il n’est pas au bout de ses peines.

Le temps s’écoulait lentement pour Bill. Quelques secondes chez Bariemos et Ipulos correspondaient à des heures de calvaires écrasantes pour le pauvre Bill. Par chance, les frères étaient aussi extrêmement impatients.

- Bon et maintenant qu’est-ce qu’on fait ? demanda Bariemos. On s’ennuie un peu. Il ne s’est pas démotivé. Il continue de courir tout droit. On ne pas rester comme ça à attendre.

- A mon avis, il s’accroche à un espoir rationnel, celui que l’infini est improbable et qu’il va finir par atteindre le bout du couloir. Moi, je propose qu’on lui mette un peu de lumière, juste assez pour qu’il prenne conscience de l’immensité du monde qu’on a crée pour lui, et qu’il voit qu’il n’en sortira jamais.

- Bah j’espère que ça va marcher. Sinon il faudra qu’on s’amuse autrement.

- Ne t’inquiète pas, psychologiquement, ça va lui en mettre un coup !

Ipulos le décida, et la lumière fut. Bariemos et Ipulos constatèrent que le Billy en perdit la raison. Abandonnant tous ses espoirs, il se cogna violemment la tête contre les murs pour en finir.

- Ipulos, il va se tuer là. Père va le remarquer !

- Vite vite on n’a pas le temps de parler fais n’importe quoi !

Bariemos fit un mouvement de la main suite auquel Bill fut extrait de ce nouvel univers qu’il détruisit par la même occasion. Bariemos enveloppa Bill d’une enveloppe d’air sans laquelle il n’aurait pas survécu dans cet espace-temps nul. Bill n’était tout simplement nulle part et s’était endormi au milieu de ce qu’il croyait être une chute.

- Regarde, dit Bariemos, il n’a même pas peur de rester coincé là-dedans. Il est détendu.

- Ce n’est pas drôle du tout, on l’a très mal choisi celui-là. On va s’ennuyer vite à le regarder, il faut qu’on en prenne un autre et qu’on trouve autre chose que la thématique du couloir…

- Attends Ipulos, Mère nous appelle ! Nous reprendrons nos jeux plus tard. J’espère qu’elle va trouver de quoi nous occuper.

- Tu sais bien que quand Mère a besoin de nous, ce n’est jamais très drôle et ça prend toujours des siècles !

- Nous verrons bien. De toute façon on n’a pas le choix.

C’est ainsi que Ipulos et Bariemos allèrent rejoindre leur mère pour accomplir des tâches d’importance cosmique, oubliant en passant l’existence même du jeune Bill qui restât jeune au-delà du temps et de la vigilance du respecté Père de la création.

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