Douzième photo

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Ultime photo, en noir et blanc, d’un grand pionnier de l’harmonica blues.

Costume noir, cravate bariolée, légèrement de travers, l’homme d’origine africaine, aux fines moustaches, porte un grand chapeau blanc. Un chapeau de cow-boy ? Peut-être.

Il porte un harmonica diatonique à la main droite. Pose-t-il devant le micro dans lequel il est censé jouer ? Ou a-t-il finir d’enregistrer son morceau ? En tout cas, il est tout sourire. Si l’harmonica rend aussi heureux, alors cela vaut le coup de s’y mettre.

Des heureux, il en a fait. Et pas qu’une poignée ! Il serait vain de dresser la liste de tous les harmonicistes qu’il a inspirés.

Il était né avec la Première Guerre Mondiale.

Comme encore beaucoup d’enfants aujourd’hui, il reçut un harmonica en cadeau, de la part de sa mère – pardon, du Père Noël – alors qu’il avait tout juste onze ans. Sa mère, bien entendu, n’imaginait pas qu’elle lui fit là le plus beau des cadeaux.

Sa carrière n’a pas commencé très tôt, car il signa son premier contrat à l’âge de 23 ans. Bon, ce n’est pas vieux, mais d’autres sont devenus professionnels à un âge moins avancé.

Il était considéré à l’époque comme un musicien de country.

Son premier titre, Good Morning, School Girl, est immédiatement un succès commercial.

Puis les succès s’enchaînent, à tel point que, dans les années 1950, son nom de scène est synonyme d’harmonica blues.

Il est le très grand inventeur de techniques dont tous les harmonicistes utilisent aujourd’hui, aussi bien dans la country music que dans le blues, notamment le jeu en double-stop*.

Il savait swinguer comme personne à ses débuts et les effets de jeu qu’il mettait dans ses solos en faisaient des morceaux de bravoure. Tellement inspirant, tellement imité…

A l’instar de Jazz Gillum, il faisait partie de ceux qui ont imposé la deuxième position, qui devint une tradition dans le blues.

En tout et pour tout, il enregistra 120 titres en tant que vedette de l’harmonica et bien davantage en tant que side-man*.

C’est encore lui qui, avant Muddy Waters, fit la jonction entre le swing des groupes de jazz et le blues naissant, en créant le tout premier orchestre de Chicago blues électrique.

Que serait le Chicago Blues sans lui ?

Sa contribution à la musique blues fut tellement énorme, qu’un autre harmoniciste, très talentueux, a usurpé son nom de scène, pour s’attirer les foules. L’avez-vous reconnu ?

Quelle tristesse de penser qu’à l’âge de 34 ans, il fut assassiné à la sortie d’un concert, poignardé et détroussé à quelques rues de sa maison.

Ses derniers mots furent « Seigneur, ayez pitié ! »

Il s’appelait John Lee Curtis Williamson, mais on le connaît aujourd’hui sous le nom Sonny Boy Williamson ou Sonny Boy Williamson I (pour ne pas le confondre avec son usurpateur, Sonny Boy Williamson II).

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* double-stop : technique qui consiste à jouer deux notes adjacentes à la fois, soit pour accompagner la mélodie par une note plus basse qui s’accorde avec elle (magie de l’accord de l’harmonica) soit en jouant une note supérieure à la mélodie, qui permet d’obtenir une variation mélodique, jouée en même temps que la mélodie originale.

* side-man : musicien qui accompagne une vedette – un chanteur ou un musicien – en studio ou sur scène. Par exemple, Greg Zlap fut le side-man de Johnny Hallyday.

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