Chapitre 19

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Quelques jours après l’insémination, son corps c’était mis à produire un lait épais, jaunâtre et précieux au possible qu’il collecta avec un soin tout particulier. Malheureusement cette étape ne pouvait pas durer et rapidement, son lait évolua, se gorgeant d’eau et atteignant, peu à peu, une couleur blanchâtre. C’était le signal qu’il attendait, c’était exactement ce qu’il attendait. Les seins encore dans la trayeuse qui les pompait avec dureté, il déclencha la procédure qu’il avait choisi. S’il devait le faire régulièrement, il fallait que ça ait aussi peu d’impact que possible sur sa matrice. A l’arrière de son corps une tige semi-rigide le pénétra avec brutalité, perça sa matrice sans plus de soin et à l’air d’un petit système d’aspiration, se saisit d’un œuf. Sous lui, la trayeuse poursuivait, stimulant ses seins sans relâche, le détournant des sensations terribles de l’œuf passant à travers le voile de sa matrice, agrandissant par là-même le trou qui avait été réalisé. Il sentit également un liquide s’écoulait le long de la tige. C’était un peu de sang, du liquide contenu dans sa matrice ainsi que l’eau qui gorgeait les œufs. En allant les cherchait ainsi, la machine qui les cognait les pressaient pour qu’ils rendent tout ce qu’ils avaient pris. La ponte se faisait donc avec un diamètre légèrement inférieur.

Son anus se crispa, mais la machine ne sembla pas en tenir compte, retirant simplement l’œuf comme si de rien n’était. Il eut mal, mais ce n’était que le premier d’une longue liste. Un par un, ils furent sortis. La machine n’avait pas terminé lorsque la traite cessa, abandonnant les stimulations sur ses tétons endoloris pour le laisser seul, avec les sensations internes de la perte de ses œufs.

Il ne voulait ni les voir, ni les toucher, ni en observer l’intérieur ou les soupeser. Il allait recommencer encore et encore et tous ces rituels ne l’aideraient pas à combler le trou immense qui se formeraient dans sa poitrine. Il préférait encore faire comme s’ils n’étaient qu’une partie de la machine, ce qu’ils étaient en réalité. Il préférait combattre chaque élan, chaque sensation qui lui disait que c’était ses petits, parce que c’était faux.

Ce type de mise bas était plus rapide que bien d’autres, mais ça lui parut durer une éternité. Du coin de l’œil, il vit sa princesse sucrée apparaître et l’observer, choquée au possible. Elle ne comprenait pas ses choix récents. Elle ne comprenait pas qu’il ne les ait pas prévenus avant la ponte pour obtenir du soutien. Son isolement n’avait aucun sens à ses yeux, mais elle se sentait triste pour lui.

Derrière lui, une flaque de liquide s’accumulait de plus en plus. Elle hésita, devait-elle aller le chercher ? Le soutenir ? Peut-être qu’il la chasserait si elle tentait. Le doute était trop grand et elle préféra reculer devant son air sombre, espérant qu’il savait qu’elle serait là s’il demandait.

A peine la ponte effectuée, il débuta le sevrage, refusant la grande majorité du temps de délivrer ses seins gorgés de lait. Cela faisait mal mais il réussit à ne plus rien produire en un temps records. C’était soulageant et angoissant en même temps car c’était le signal qu’il attendait pour recevoir la nouvelle insémination.

En grimpant sur le cheval d’arçon, il se fit la réflexion que cette procédure était en train de devenir étrangement habituelle. Il savait à quoi s’attendre et ses entrailles malmenées ne se serraient pas sous l’angoisse. Il allait encaisser, il allait porter des machines, il allait recevoir tant de liquide que son ventre gonflerait comme une baudruche, puis, il allaiterait un peu de temps. Dès que ses seins produiraient quelques choses de moins satisfaisant, il aurait le signal de sa ponte. Il attendrait que ses seins dégorgent et se flétrisse légèrement avant de recommencer. Encore et encore. Entre deux procédures pénibles, il irait voir les statistiques de colostrum produit et observer ce que cela faisait de lui. Puis il reviendrait subir une pénétration lourde, recevoir des œufs toujours plus nombreux, il ressentirait les contractions violentes et il ajouterait de ce lait si spécial à la production de la couveuse.

Et ce fut ce qu’il fit. Il encaissa, encore et encore, alternant insémination et ponte jusqu’à ce qu’une nouvelle réunion n’ait lieu. Son ventre était plat, son visage fatigué et ses soutiens quasiment réduits à néant. Son propre esprit peinait à se supporter lui-même et il ne tenait pas à imposer sa présence à qui que ce soit.

Yu n’était bien évidemment pas le premier producteur de lait en termes de quantité, mais il avait battu à plate couture chacun des autres en matière de qualité en ne proposant qu’un lait rare et si précieux que ce cadeau ne pouvait être ignoré. Ce ne fut pourtant pas lui qui fut appelé et dans toute la laiterie, une forme de révolte gronda pour la première fois depuis bien longtemps. Yu n’était plus qu’une ombre qui ne semblait désirer que la solitude et même s’ils ne le comprenaient pas tous savait qu’il aurait être choisi. Un seul n’eut pas l’air surpris et c’était Yu lui-même. Comme si de rien n’était, il retourna se faire inséminer, encore, pour poursuivre ce cycle infernal dans lequel il s’était enfermé. L’Akoutie ne pourrait pas l’ignorer à tout jamais. Tôt ou tard, il devrait bien demander à le recevoir ! Ne serait-ce que par curiosité ?

Il réitéra sa performance, le temps passa et une nouvelle fois, un des leurs fut convoqué. Ce ne fut pas Yu, alors il recommença comme s’il n’était même pas déçu. Son corps s’adaptait de mieux en mieux à ce rythme étrange et petit à petit, la fatigue refluait. A présent, il parvenait même à faire quelques activités avec les autres, reprenant la pâtisserie et d’autres travaux légers.

La machine était encore entrain d’arracher les derniers œufs de son corps, lorsque l’on annonça la réunion suivante. Le temps s’écoulait sans qu’il ne parvienne à obtenir ce qu’il voulait et pourtant, il n’abandonnait pas. Il n’abandonnerait jamais. Il cria lorsqu’un œuf partiellement dégorgé, comme cela arrivait parfois, le déchira un peu plus et encaissa la suite sans faire un bruit. Il se leva dès que ce fut terminé sans aucune compassion pour ses jambes tremblantes ou son souffle court, il s’offrit une douche des plus rapides avant d’arriver dans la salle où tout le monde était déjà installé. Les autres l’observèrent avec des plis amers sur le visage. Ils étaient mécontents. Personne n’avait d’ambition à la laiterie. Tous les rêves s’étaient déjà brisés ! Et le seul d’entre eux qui avait une requête tout à fait légitime se la voyait refuser. En faisant ça, l’Akoutie ne brisait pas simplement la volonté de Yu, c’était la leur à tous qui était attaquée.

Lorsque l’examinateur arriva, un mâle au corps massif et épais, particulièrement impressionnant, tous retinrent leur souffle, l’espoir battant dans leurs poitrines. Un espoir collectif. Le Geresandre désigna une jeune femme et Yu ferma les yeux sous le désespoir sans même chercher à savoir de qui il s’agissait.

- Merci pour cet honneur, examinateur, mais je le refuse.

La voix était chevrotante, hésitante et pourtant pétrie d’angoisses. Yu ouvrit les yeux, choqué et se redressa pour observer sa princesse à la peau sucrée. Elle fixait le Geresandre sans détour malgré son cœur qui s’emballait. Yu s’était tellement isolé des autres, il s’était tellement concentré sur sa propre production qu’il n’avait pas surveillé les autres. Il savait qu’elle avait réussi à reprendre un allaitement et elle disait à qui voulait l’entendre que c’était grâce à lui, grâce à la pression qu’il avait enlevé de ses épaules. C’était un peu idiot parce qu’il n’avait rien fait au fond. Mais il était surpris de découvrir qu’elle avait dû réussir à atteindre les sommets de leur groupe en matière de production.

L’examinateur eut l’air désarçonné un moment à cette annonce, mais il ne comptait pas la forcer. Les règles de la couveuse était assez limpide sur ce sujet et le consentement faisait partie des choses qui les régissaient. Comme si de rien n’était, il désigna une autre personne, sans doute celle juste après sa princesse sucrée.

- Merci mais non. Ce n’est pas à moi d’y aller. Ca suffit.

La voix était ferme et l’examinateur eut l’air un peu plus surpris encore. Une telle situation ne s’était jamais produite avant. Rencontrer l’Akoutie était un honneur qui ne se refusait pas ! Devant ses yeux, médusé, il vit les uns et les autres, se redressaient et partir.

- Mais que faites-vous ? demanda-t-il, éberlué.
- Nous choisissons. Notre représentant sera Yu ou personne.

Le petit Oom était encore au sol, il regardait les autres s’éloignaient et sur ses joues les larmes coulaient devant la première révolte qu’il n’ait jamais vu au sein de la couveuse. En quelques minutes à peine, il se retrouva seul avec l’examinateur. Ce dernier avait ouvert une interface et observait les statistiques ou peut-être des notes personnelles ou des ordres ? Yu ne chercha pas à le savoir. Son cœur battait à tout rompre à l’idée qu’on le renvoie et que ce coup d’éclat ne serve à rien.

- Bien… Je suppose que je n’ai pas le choix. Suis-moi, je t’emmène.

L’examinateur se mit à marcher et Yu le rattrapa bien vite, le talonnant de son mieux.

- Je ne sais pas comment tu as réussi ça, mais si tu crois que ça va plaire à notre Akoutie, je pense que tu te trompes.
- Je n’ai rien demandé. Affirma-t-il doucement.

Le Geresandre soupira et poursuivit sa longue marche. Ils traversèrent des couloirs variés, des pièces immenses et vides, des secteurs peuplés où l’activité se faisait bruyante, … Ils traversèrent quasiment l’ensemble de la couveuse pour rejoindre les quartiers personnels de Roch’mey, là où se trouvait son bureau. C’était là qu’il effectuait les entretiens et durant cette marche, Yu se demanda ce qu’il pourrait bien lui dire. Il ne serait pas là pour lui parler de son cas personnel ou de ses envies. Non, il représentait la laiterie et c’était à lui de faire remonter les problèmes, les améliorations potentielles et chacun des détails qui pourrait servir la communauté. Ce n’était pas une formalité et si c’était un moyen pour faire face à celui qu’il avait toujours désiré pour compagnon il ne devait pas pour autant en oublier ses responsabilités.

Ainsi, il profita du trajet pour rassembler ses idées tout se rendant compte qu’il s’était habitué à l’échec et qu’il n’avait pas cru une seconde qu’il serait choisi cette fois-ci. Il s’était menti à lui-même en se promettant qu’il y parviendrait. Il avait tout fait pour croire son rêve possible afin de ne pas perdre pied, mais l’Akoutie l’avait encore une fois rejeté et c’était tout les autres, ces sans-noms, ces non-méritants, qui lui avait offert sa chance.

La porte du bureau se profila et l’angoisse monta encore d’un cran. La dernière fois, Roch’mey avait été si en colère et il n’avait toujours pas compris pourquoi. Il déglutit, attendit un instant et rentra à la suite de l’examinateur. Les yeux rivés au sol, il dut rassembler son courage pour relever le visage et soudain, il n’y eut plus que Roch’mey. L’Akoutie. Son Akoutie…

Il était exactement le même que dans ses souvenirs. Un être à la peau sombre, aux muscles puissants et aux longs cheveux noirs, dont une seule mèche arborée quelques perles disparates. Il était penché sur un bureau, relisant visiblement un dossier épais rempli de graphiques et d’images en mouvement. Il fallut une petite seconde pour qu’il ne se redresse et leurs regards s’accrochèrent. Les yeux de Roch’mey étaient comme tout ceux des Koros, si particulier qu’ils pouvaient mettre bien mal à l’aise, mais Yu les trouvait magnifiques et fascinants. Durant ce tout petit moment, il y eut comme de la magie dans l’air, puis le visage de l’Akoutie se contracta dans une grimace de colère et il s’écria d’une voix semblable au tonnerre :

- Que fait-il là ?!

L’examinateur hésita et lui jeta un coup d’œil mais avant qu’il ne puisse répondre, Yu avait avancé d’un pas, relevant le menton pour articuler très distinctement :

- J’ai été désigné pour représenter la laiterie et je viens faire mon rapport.

Avant que Roch’mey ne réponde, il avança encore et prit place, face à lui, comme s’il était le bienvenu. Comme si son cœur, dans la poitrine, n’était pas en train de se briser en mille morceaux sous la douleur.

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