Chapitre 12

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La majorité des prétendants étaient reçus pour quelques espèces seulement, souvent trois, parfois quatre. Cette année, avec la présence du Liis qui était très majoritairement testée, ce chiffre avait été augmenté mais il était rare que les prétendants soient examinés pour autant d’espèces que Yu. L’examinatrice qui l’observait se fit la réflexion que c’était exactement pour ça. Le garçon venait d’enchaîner des pénétrations lourdes et son anneau de chair peinait à se refermer, restant dilaté. Ce n’était pas grave en soit, il avait choisi un ordre logique qui permettait cela, montrant sa grande expérience.

Il avait débuté par des sexes fins et nervurés, ayant besoin d’un contact ferme et peu à peu, il se dirigeait vers des sexes plus épais, plus gros, plus difficile à prendre. Il n’avait pas bien su où placer le Liis dans sa sélection et il eut beau se frotter à lui et le cajoler, rien ne parvint à le faire durcir. Un peu perdu et en plein désarroi, il finit par demander si la machine ne pouvait pas être défectueuse et le regard de l’examinatrice fut une réponse en soi. Il avait commis une énième erreur sans même savoir pourquoi.

En soupirant il se dirigea vers un sexe connu et plaisant à ses yeux, d’une seule et unique caresse, il sut le faire durcir. Sans la moindre hésitation, il se retourna, planta les yeux dans ceux froids de l’examinatrice et s’empala littéralement dessus dans un mouvement ample de hanche. C’était comme trouver la pièce qui lui manquait au fond, il se sentait complet durant ces coïts. Son propre sexe tressauta vaguement mais la simple pensée qu’il n’aurait pas Roch’mey le déprima tellement qu’il retomba aussi vite. Il était tout de manière rare qu’il se gorge lui-même de sang. En battant des hanches pour s’offrir une longue caresse profonde qui coulissait si bien en lui, il se fit néanmoins du bien. Il chercha son plaisir et son confort autant qu’à offrir une jouissance à la machine. Chaque mouvement le rapprochait de cet instant et en fermant les yeux tout en s’accrochant de son mieux aux rares prises au mur qui assuraient son équilibre, il accéléra les choses.

Le sexe factice tressauta sous le passage rude du liquide qu’il éjaculat avec force en lui. Il resta immobile, acceptant de recevoir la semence, tellement de semence. Avec autant de sexes, il aurait fallu qu’il se vide avant de poursuivre mais il avait la sensation d’être décevant et demander ce qui semblait être une faveur lui paraissait malvenu. Alors il encaissa tout en sachant pertinemment que son corps tiendrait. Ce n’était qu’une question d’inconfort.

En soufflant doucement, il finit par se dégager et il observa le dernier des sexes, son dernier défi. Il se détourna un instant pour entrevoir le visage de l’examinatrice qui ne fut d’aucun secours. Elle semblait simplement attendre que ce soit fini, comme si cet instant n’avait rien de difficile, de pénible ou d’important. Mais c’était important ! C’était peut-être le moment le plus important de sa vie qui était en train de se transformer en cauchemar. Il leva le menton, il valait mieux que ça. Il était un compagnon digne de l’Akoutie. Il était Yu et un jour, ce nom compterait. Il marcha sans aucune hésitation jusqu’au sexe Geresandre à qui il offrit un véritable rodéo, une partie de sexe comme aucune machine n’avait dû en connaitre. Il mit de la passion dans ses gestes, il offrit toute ses compétences et sa technicité dans cette longue chevauchée et qu’importe son ventre tendu ou ses crampes.

Devant lui, l’examinatrice n’avait pas bougé et lorsqu’il se dégagea de ce dernier sexe, l’extirpant de son antre, elle fit simplement un pas de côté. Elle lui indiqua qu’il avait accès à la salle d’eau attenante à la salle d’attente où il devrait rester jusqu’à la découverte de son affectation. Les mots semblaient impersonnels, c’était sans doute les mêmes qui étaient répétés à chacun d’entre eux. Il sortit sans la remercier, car elle n’avait rien fait pour lui et il alla se réfugier sous une douche bien chaude, moins choqué des nombreux coïts qui avaient éprouvés son corps que de l’idée qu’il aurait peut-être pu plaire à l’Akoutie … autrement. Sous la douche, bouillante, le visage de Roch’mey en colère ne cessait de le hanter.

Dans la salle d’attente, entouré par des dizaines et des dizaines d’autres prétendants, moins bons, moins souples, moins beaux peut-être que lui, il ne pensait qu’à ça. Cette colère… Cet échec !

Sous le léger drap qu’on lui avait fourni pour la nuit, le corps toujours courbaturé, l’idée se faisait fixe. Il avait loupé sa chance et rien ne lui permettrait de se rattraper. Il n’y avait rien, strictement rien à faire à présent, à part attendre le verdict. Cela faisait parti des secrets qu’il n’avait jamais pu percer : comment les choses étaient décidées. Ses performances seraient prises en compte, mais qu’est-ce qui pourrait faire pencher la balance d’un côté ou d’un autre ? Certains furent appelés pour rejoindre des programmes d’adaptations, ce n’était pas surprenant qu’il ne soit pas dans ce cas. Son corps était idéal. Il l’avait adapté durant des années à force de pratique.

Puis on vint chercher les prétendants, un par un, pour les conduire jusqu’au mâle auquel ils avaient été appareillés. Ces mâles avaient ils le choix entre plusieurs d’entre eux ? Ils n’en savaient rien. Yu vit les jeunes partir, l’un après l’autre et petit à petit, cette période qui était censée être un rêve se transforma en cauchemar. Il était toujours là.

Se pourrait-il qu’il ne convienne pas ? Les doutes l’assaillir mais ils n’avaient aucun sens. Il était allé si loin à travers les cours, il avait tellement appris. Il avait été le meilleur élève de sa génération ! Alors, Yu parvint à se convaincre que s’il attendait, c’était simplement parce que son lié n’était pas encore arrivé. Un simple hasard du calendrier, un contre-temps malheureux qui n’avait rien à voir avec ses compétences propres. C’était forcément ça.

Les prétendants continuèrent de partir, appelé les uns après les autres, et lui, il était toujours là. Il fallut plusieurs jours d’attente où les prétendants étaient appelé, lentement, pour que son examinatrice n’arrive devant lui avec cet air froid qui le retournait totalement. Que se passait-il ? Elle se pencha vers lui et prononça la sentence qui le brisa de l’intérieur. Les mots n’avaient aucun sens. Ce n’était pas possible. Ce n’était pas vrai. C’était … C’était trop. Il tenta de sourire comme si elle avait fait une bonne blague, mais elle ne riait pas. Elle énonçait simplement des faits.

- Puis-je savoir pourquoi ? finit-il par demander.

Elle fit « non » du visage avant de l’inviter à la suivre mais il ne bougea pas. Ce n’était pas qu’il ne voulait pas obéir, mais ses jambes ne semblaient pas vraiment là, comme s’il s’agissait des jambes de quelqu’un d’autres. Après tout, ça ne pouvait pas vraiment lui arriver. Pas à lui ! Les mots étaient pourtant des plus clairs : « Tu es recalé. » et ce n’étaient pas les pires. Rester ici, à la couveuse, c’était une bonne chose et bien des postes auraient pu le satisfaire en réalité, malgré la déception profonde seulement… Seulement elle avait dit qu’il était admis en service de laiterie, production du lait et il savait pertinemment ce que cela signifiait. Il avait été évalué comme l’un des pires rebus de leur société et admis dans un service de sans-nom le plus souvent isolés des autres.

- Debout. Suis-moi. Maintenant. Insista l’examinatrice comme si elle ne comprenait pas vraiment son choc.

Il frémit et observa autour de lui avec un sentiment de déréalité des plus importants. C’était un cauchemar. Un véritable cauchemar et pourtant, ses jambes répondirent et il put la suivre de ce pas gracieux et félin qu’il avait toujours arboré. Il la suivit loin de cette pièce qui ne répondrait pas à ses attentes. Il la suivit à travers la couveuse, passant dans tant de zones connues. Il la suivit alors qu’ils s’éloignaient de tout ce qu’il avait pu fréquenté. Il la suivit jusque dans cet endroit qu’il n’aurait jamais cru voir un jour. Il la suivit jusqu’au dortoir commun, si pauvre, de la laiterie.

- Tu as été désigné à la production, mais si tu n’en as pas envie, tu peux ne pas y aller et rejoindre les services généraux. Dans tous les cas, tu es actuellement inscris dans ce dortoir.

Elle hésita un instant avant d’ajouter un « bonne chance » un peu crispé. Elle partit, d’un pas raide et mal à l’aise, elle n’avait rien contre cet endroit mais elle ne comprenait pas ce qu’un nommé y faisait. Elle lui avait certes mis des annotations défavorables, mais cet androgyne était capable de prouesses sexuelles rares et s’il n’y éprouvait aucun plaisir bien des mâles auraient aimés l’avoir pour compagnon. Elle ne comprenait pas qu’il soit recalé, mais la décision de l’envoyer ici était bien plus absurde encore. Pourquoi ? Lorsqu’il le lui avait demandé, elle n’avait pas pu répondre car elle l’ignorait. Pourquoi ? Elle se poserait cette même question durant de nombreux mois, puis elle continuerait au fil des années à y repenser sans parvenir à comprendre. Pourquoi ?

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