Amitié glaciale

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Ses pas crissent dans la neige. Les miens le suivent mais il ne les entend pas. Je suis à ses côtés mais il ne le sait pas. Je me fais aussi silencieux qu'une brise d'été et je l'observe. Il est grand et pas bien dodu. Il fera tout de même l'affaire. J'ai tant besoin d'un ami que je ne fais pas mon difficile. Cela fait de nombreuses années que j'arpente seul ce sentier escarpé alors que lui ne l'emprunte que depuis quelques heures. Un peu de compagnie me remonte le moral et je sens mon coeur reprendre vie.

Quelle merveilleuse idée ai-je eu d'agrémenter notre chaleureuse ascension commune d'une tempête de neige. Ses bourrasques lui ont fait perdre ses repères et il s'est perdu. Au moyen d'un panneau, il emprunte ce sentier qui semble le mener en lieu sûr. C'est du moins ce qu'il imagine.

Je m'approche encore de lui. Je suis à deux bras de distance et il ne s'en aperçoit pas encore. Il reste focalisé sur son trajet, déplaçant ses jambes l'une devant l'autre, tentant de voir plus loin que le rideau de neige qui lui cache la vue. En vain. Moi, en revanche, je peux parfaitement voir ses yeux animés d'une flamme glaciale de détermination. Sa survie en dépend. Du moins c'est ce qu'il pense car il est condamné. Je le sais pour lui.

Mon coeur glacé s'emballe et rend mon corps fiévreux. Je veux à présent faire plus ample connaissance avec mon nouvel ami. J'entame la conversation d'un cri guttural. Il stoppe l'allure et tente de m'apercevoir . Je sens son pouls s'accélérer, son souffle chaud répand des nuages de glace balayés par la tempête. Il accélère l'allure, se met à courir. Je me délecte de sa peur et je frissonne de plaisir. Mon interlocuteur répond favorablement à ma prise de contact alors je continue de discuter avec lui.

Il ne vit que par la peur. Il ne sent même plus les flocons qui se frottent furieusement à son visage pour lui brûler la peau. A tel point que ses yeux ne peuvent pas voir la crevasse qui s'étend devant lui. Il tombe lourdement sur le sol gelé. La chaleur de sa course devient sueur froide. La fatalité le frappe lorsque son corps émet un frisson. Il a chaud mais son corps tremble de froid. Il est en hypothermie. Tentant de se relever, il glisse sur un sac à dos élimé et des restes de vieux vêtements déchirés. Blessé, il sent que sa fin est proche. Et moi, en tant qu'ami, je lui octroi une fin utile. Il l'a bien mérité, je me suis bien amusé.

Il est temps. La chasse prend fin. Nos présentations respectives aussi. Je descend dans la crevasse m'agrippant à la roche figée par le froid. Je me montre à lui. Il hurle, je lui octroi ce cri, qui sera son dernier. Je m'en délecte. De mon sourire froid, aux dents aiguisées, dégouline un ruisseau de bave.

Nos regards se croisent. Le sien se liquéfiant de peur rencontre le mien nourrit d'une lueur affamé. Je met fin à l'insupportable appel de mon estomac. Un coup de mes griffes acérées et le blanc de la neige se teintent d'une couleur rouge, agayant le lieu et mon coeur. Je me régale, n'en laissant aucune miette.

Je suis repu mais le temps d'un soupir, mon estomac cri de nouveau famine. Alors je rebrousse chemin à travers la forêt et j'attends. J'attends qu'un nouvel ami daigne me rendre visite. Cela peut prendre plusieurs années. Ce n'est pas grave, je sais être patient, car après tout, je suis un Wendigo.

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