Premières rencontres I

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La propriété donne l'impression d'être vaste, de nombreux buissons touffus la parsèment, tandis que de longues haies fixent la limite du terrain. Le temps est doux pour la saison. Les oiseaux gazouillent encore dans le ciel.

La balade matinale achevée, ma maîtresse me laisse dans le jardin, j'entends toujours ce bruit d'eau qui coule et pour la première fois, je me risque un peu plus loin. Je contourne un arbrisseau aux feuilles dentées et m'approche lentement d'une étendue d'eau.

« Tiens, tiens, voilà d'où vient ce "flic floc". » Je me hasarde près du bord et...

« Horreur ! Il y a un autre "chien" qui me regarde ! » Je fais un bond en arrière, apeurée et file vers la maison. À mi-chemin, je me rends compte que je ne suis pas suivie et m'arrête pour scruter les parages. Le museau en mouvement, la gueule légèrement entrouverte, j'essaie de capter la moindre odeur, sans percevoir quoi que ce soit.

« Me suis-je affolée bêtement ? Peut-être que l'autre chien, a eu peur, lui aussi et qu'il est parti. »

Étant un peu curieuse, je décide de retourner voir. J'avance pas à pas, tout en légèreté, mes fines pattes frôlent à peine l'herbe, je guette le moindre signe pouvant marquer sa présence. Or, je ne ressens aucune menace et décide de répéter l'expérience. J'approche prudemment de l'eau, mais pas trop près non plus. J’étire au maximum mon corps, mes petites pattes bien ancrées dans la pelouse. J’allonge autant que possible mon cou, penche la tête et regarde,non sans appréhension, la surface, où soudain, des ronds se dessinent.

De drôles de formes ondulent dans cette eau si claire, j'en compte trois qui se déplacent avec beaucoup d'élégance et de finesse, aucune ne se ressemble, l'une ayant de plus grandes taches bleues ou jaunes que l'autre.

« Enfin, c'est comme ça que je les vois. Car, nous les chiens, on n’est pas capables de différencier le rouge, le vert et l’orange. »

Ce spectacle aurait fini par m'hypnotiser, si l'une d'elles n'était pas remontée à la surface. J'essaie de reculer, seulement mes pattes refusent de bouger et d'un seul coup, une tête sort de l'eau avec un drôle de regard.

— Bonjour !

« Houlà, ça parle cette... cette quoi au fait ? »

Je suis tétanisée, incapable d'émettre le moindre son, ma gorge est nouée, mes yeux écarquillés et je plante toujours à la même place.

— Tu ne sais pas parler ? Moi, je m'appelle Kezy et je suis une carpe Koï et toi qui es-tu ?

— Moiii, je... Je.... suiiis... Minimiiie, bégayais-je en tremblotant de la voix.

— Ah, c'est joli comme nom. Je te souhaite la bienvenue.

— Mer... ci.

— Mais dis-moi, depuis quand es-tu là ?

— Environ... quelques... minutes.

— Non, je veux dire, dans cette maison. Reformule la carpe de sa voix suave.

— Avant-hier... Je... suis arrivé... et... et je ne sais pas ce que vous êtes ? M'exprimais-je dans un souffle.

— Oh ! tu n'as jamais vu de poisson ? S'étonne-t-elle.

— Non, c'est quoi un poissooon ?

— Ce sont des animaux qui vivent exclusivement dans l'eau. Donc, tu n'as pas à avoir peur. Nous, les Koï, sommes très pacifiques. Ajoute la carpe en tournoyant légèrement au bord de l'étang.

— C'est quoi ça, pacifique ? Demandais-je sans trembler de la voix cette fois-ci.

— C'est vivre en paix. On ne se bat pas entre nous et on ne mange pas non plus, les autres poissons, explique la carpe.

— Ah ! Et vous mangez quoi ? Dis-je, remuant les pattes pour m'éviter des crampes.

— Oh, ce sont surtout des larves, des vers de terre ou de vase etc... Enumère Kezy, puis elle fait un mouvement de queue, plonge vers ses congénères et toutes trois réapparaissent à la surface de l'étang.

« Des vers de vase ? Qu'est-ce que ça peut bien être ? Me souviens pas d'en avoir vu dans les vases. »

— Bonjour Minimie, prononcèrent ensemble les autres carpes. Moi, c’est Leta et moi Atis. Tu es le nouveau chien ? S’informe l’une d’elles.

— Bonjour. Comment ça le nouveau chien ?

— Atis ! Gronde Kezy en gesticulant.

— Qu’y a-t-il ? Questionnais-je tout en me détendant au fur et à mesure de l’entretien.

— Rien, rien, Atis parle volontier à tort et à travers. J’espère que tu te plairas bien ici et que tu viendras souvent nous voir, répond Kezy.

— Oui, oui, bien sûr.

Simultanément, Les carpes s’enfoncent dans l’eau en se dérobant à ma vue et Je repars en direction de la maison, les gargouillis de mon estomac, me rappellent que c'est l'heure de manger. Une gamelle de croquettes m'attend, mais celles-ci ne m'inspirent guère. Je hume leur parfum, en goûte une et l'avale d'une traite. Que faire ? Car ma maitresse m'encourage à terminer et reste à mes côtés pour s'en assurer. De mon regard implorant, j'essaie de lui faire comprendre que je suis peu tentée par cette nourriture, cependant, elle ne saisit pas et je finis par me coucher devant ses pieds.

Déconcertée par mon attitude, ma maîtresse ouvre alors le frigo, sort un récipient dont elle ôte le couvercle, vide son contenu sur une petite soucoupe, qu'elle pose devant moi.  Immédiatement, l'odeur titille mes papilles et je dévore le tout, en un temps trois mouvements.

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