T'es un peu con là... Un petit peu broyé par la vie. Mais qu'est ce que tu veux que j'y fasses ? J'y suis pour rien moi. J'ai pas voulu çà. J'ai pas voulu que tu t'enfermes chez toi... Que tu descendes toutes les bouteilles de vodka... Que tu prennes ta voiture à trois heures du mat... Que tu sonnes chez moi... D'ailleurs, j'ai pas voulu t'ouvrir la porte...

Alors, t'es resté devant, à gueuler, à chanter, jusqu'à temps que je cède. Qu'est ce que tu veux que j'y fasses ? J'y suis pour rien, moi ! C'est la vie mon vieux. La vie et ses coups durs. La vie et ses coups bas. Moi j'y suis pour rien ! Moi, j'ai rien fait ! Moi... je t'ai juste... lâché... à la rigueur... oui... on peut le dire... Juste abandonner... comme certains... comme on abandonne un chien sur l'autoroute... Ouais, je vaux certainement pas mieux que ces gens-là...

Mais t'es là... Assis sur mon canapé. Ta bouteille vide à la main, à me regarder, à me parler, à me parler de ta vie, ta vie qu'est fini et dont je m'en fous. Ta vie qu'à exploser ! Parce que cette fille, elle est parti ! Parce que ton boulot, tu l'as perdu ! Parce que la liberté, tu l'as jamais eu ! Et puis moi ! Moi ! dans tout çà, qu'est ce que tu veux que j'y fasses ! Je voulais même pas t'ouvrir... Pourquoi t'es encore là ? Pourquoi je te vire pas... ?

Tout change... Je vois tes moments philosophiques, allongé maintenant sur mon canapé. Comme si c'était moi le psy ! C'est peut être bien l'inverse. Peut être que toi tu vas bien ! Peut être que c'est moi qui vais mal... Enfermée dans mes idéaux, dans mes pensées, qu'est ce que je vais faire demain ? Est ce que je vais continuer comme çà ? Toujours dans la même routine ? Se lever, travailler, rentrer, se coucher, c'est vraiment moi çà ?

Maintenant, je me demande... Je me demande où est passé la gamine... Celle de cinq ans... Celle qui courait dans les champs, un cerf volant derrière elle en hurlant à tue-tête les paroles de la chanson qui lui restait dans la tête. Qu'est ce que tu veux que j'y fasses ? Ma liberté... Moi aussi je l'ai perdu... Tu dis « Faut se battre, faut se battre pour ce qu'on veut ! » Tu dis « Je vais aller la chercher ! » Mais elle est bien trop loin... Alors tu te laisses retomber sur le canapé. Elle était bien trop seule... Maintenant... il l'a récupéré... Toi par contre t'es seul. Ta bouteille de vodka comme meilleure amie.

Et moi... moi... je suis seule aussi... avec une bouteille de gin... Autant boire... Illusoire liberté... Autant la retrouver notre putain de liberté ! Pas d'alcool... Plus une goutte de rhum... Elle va repartir... Elle repartira. Aussi vite qu'elle est venue. Cette belle ange aux cheveux de blé et aux grands yeux verts. Qui était assise cette nuit sur l'accoudoir de mon canapé, qui te regardais en souriant une main te caressant les cheveux, un sourire sur le visage...

Je me rappelle d'elle, je me rappelle de ses yeux. Je me rappelle que je lui ressemblait pas. Je me rappelle qu'elle s'est levée. Qu'elle t'as pris ta bouteille et qu'on est partis tous les trois... Vers où ? Je ne sais plus... Vers la liberté je crois... Elle marchait devant...