The gift

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Il fait nuit, mais je vais quand même sortir de chez moi. Je ne peux pas y échapper. Je me saisis de mon long manteau noir sur le porte-manteau, de mes plus belles chaussures dans les casiers de rangement, et pour rajouter une petite touche comique à la situation, je prends mon chapeau à large bord. Ainsi apprêté, je ressemble à un vieux monsieur d'une cinquantaine d'années, qu'on peut voir dans les films de policier encore en noir et blanc. Et pourtant, je n'ai même pas atteint mes vingt-cinq ans. Dans dix jours.

Je jette un dernier regard à mon petit appartement cosy au cœur de Paris. Un ultime. Puis, je tourne la clé dans la serrure et la porte se referme derrière moi. Je descends les escaliers de mon immeuble avant de m'arrêter sur le palier du premier étage. Quelques secondes plus tard, une petite vieille surgit en bas et gravit lentement les marches.

— Bonsoir.

— Bonsoir, me répond-elle de sa voix chevrotante.

— Faites attention à ne pas vous prendre les pieds dans le tapis, m'exclamé-je en le montrant du doigt.

Elle me regarde, surprise, avant de me sourire.

— Merci.

Elle plonge la main dans son sac à la recherche de ses clés et trébuche dans la carpette. Je la rattrape in extremis par le bras avant qu'elle n'en fasse une. Facile, le jeu de mots.

— Oh ! Merci beaucoup. Sans vous, je me serais cassé une patte !

— De rien.

— Ce n'est pourtant pas faute de me l'avoir dit, ajoute-t-elle d'un air embarrassé. Je suis vraiment tête en l'air.

J'esquisse un sourire avant de lui souhaiter une bonne soirée. Je dévale les marches restantes et sort à l'air libre. Je tourne immédiatement à gauche et marche sur le trottoir. Au loin, un feu piéton est vert. Je ne pourrais pas y arriver à temps. Je patiente pendant que le petit bonhomme est rouge.

Je continue ma route, tranquille, les mains dans les poches. La lune brille haut dans le ciel et les étoiles tentent de rivaliser avec elle. Peine perdue.

J'esquive juste à temps un trou traître, m'évitant de plonger le pied dans une eau boueuse, je traverse la route – j'ai le temps avant qu'une voiture n'arrive –, tourne à droite, marche quelques minutes, puis à gauche. J'ai le plan du parcours en tête.

Je me retrouve dans une ruelle sombre. Le seul lampadaire diffuse un faible halo de lumière à son pied, peinant à chasser l'obscurité. Au loin, un chien aboie. Un second lui répond, plus près. Je suis dans ce qu'on appelle un coupe-gorge. Mais j'en suis conscient. Après tout, je suis bien le seul à qui on ne pourra jamais reprocher de ne pas savoir ce qu'il fait. Et c'est d'ailleurs pour ça que je me retrouve à une heure si tardive dans cette rue mal éclairée.

Je continue de marcher, serein. Mes pas résonnent dans cet étroit couloir, chassant le silence. Je tends l'oreille et souris. Pile à l'heure, comme prévu.

Soudain, je m'arrête quelques secondes et reprends ma marche. Derrière la poubelle. Je réitère mon geste. Dans l'ombre, à gauche. Je m'amuse une dernière fois à le faire quelques mètres plus loin. Beaucoup plus près. À cinq pas, sur ma gauche toujours. Dans une pointe d'orgueil et de colère, je décide de ne pas lui faciliter les choses. Je me retourne et fais face à la noirceur de la nuit.

— Bonsoir.

Pas de réponse. Évidemment. Je souffle, un tantinet impatient.

— Je sais que tu es là. Derrière la barricade. Et je sais également pourquoi tu es là, Tony.

Le chien de tout à l'heure use de sa voix comme seule réponse à la mienne.

— Je sais comment ça va se passer. Et je t'assure que tu n'as rien à craindre (je ris légèrement), tout se déroulera selon ton plan.

J'ajoute plus bas, pour moi :

— Ce n'est pas comme si je pouvais y échapper, de toute façon.

Il sort enfin de sa cachette, presque timidement. Je lui souris pour le rassurer. Il fait quelques pas, avant de s'arrêter à une distance raisonnable, mais bien plus que suffisante.

— Je suis désolé, Léo.

— Je sais, soufflé-je une énième fois, las. Et je ne t'en veux pas. Tu n'as pas le choix, toi non plus. Je te demanderais juste une chose : fais-le vite et bien.

Une larme roule sur sa joue. Comme au ralenti, il lève le pistolet et le pointe sur moi. Je vois ma mort deux secondes avant qu'il ne presse la détente. Deux secondes avant de la subir.

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