Chapitre 40 : A deux doigts

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Alors que j’essaie de garder mon calme, le chien aboie à la mort et tente de défaire la muselière qui tient sa gueule enfermée. Ses pattes aux griffes acérées se posent violemment sur mes jambes et me font chanceler. Alors que son maître le tire vers lui pour qu’il me laisse tranquille, une brûlure intense se fait sentir lorsqu’il se dégage. Je n’ose même pas poser mes yeux sur mes cuisses pour voir s’il m’a griffée, car l’homme s’approche de moi dangereusement. L’odeur du vin emplit mes narines tandis que sa main droite se pose sur ma joue.

— T’as froid ! Tu veux peut-être que je te réchauffe ? me lance le poivrot en souriant de toutes ses dents bonnes à faire arracher. On peut monter chez moi, il y fait chaud et j’ai à boire, termine-t-il en se touchant la queue comme si j’étais sur le point de succomber à son charme dégueulasse.

Sa proximité me donne envie de vomir et me paralyse par la même occasion. Et mon foutu corps qui refuse de bouger ! J’aurai dû prendre des cours de Krav Maga, je m’en doutais !

Voyant que je ne pipe mot, l’homme torché prend mon silence pour une autorisation et se permet d faire glisser sa main sur mon corps. Un frisson de honte me parcourt instantanément lorsque sa peau touche celle de mon cou avant de descendre sur ma poitrine. Je me sens défaillir. Mes yeux se ferment, ma mâchoire se contracte et tout mon être se crispe à cet assaut détestable. J’ai la tête qui tourne et je vois des étoiles alors qu’il déplace ses doigts sur mon ventre, puis à la limite de ma jupe sur mes cuisses. Mes poings se serrent, je suis dans un état second.

Tout à coup, sa main se retire de ma peau au même instant ou un boum retentit contre la porte vitrée de l’immeuble. Le chien se met à hurler de plus belle et mon corps réagit enfin. J’ouvre les yeux sur Daegan qui se tient le poing droit, les pupilles en feu, brûlantes de colère non ménagée. Instinctivement, je regarde à mes pieds et découvre l’alcoolique KO sur le sol de son bâtiment, tenant toujours son Pitbull en laisse.

— Merci, est là seule chose que je réussis à dire avant de fondre en larme pour de bon.

Les sanglots s’emparent de moi et je peine à respirer. Toute la peur que je gardais enfouie se déverse dans mes pleurs que je ne peux plus contrôler. Daegan se saisit du mastiff en le tenant éloigné de nous et l’attache à la poignée de la porte du bâtiment avant de se tourner vers moi.

Ses mains chaudes se posent de part et d’autre de mon visage et il m’attire tendrement contre son torse. Les larmes coulent de plus belle tandis que Daegan me serre contre lui, m’apportant le réconfort que je désirais.

— Tu m’as fait très peur, Alicia. Viens, tu es gelée…

Mon sauveur me tire par la main et m’ouvre la portière du côté passager. Aussitôt assise, le chauffage qui fonctionne à plein régime m’entoure d’un baume de chaleur apprécié. Daegan contourne la voiture et prend place au volant avant de me questionner :

— Tu veux que je te ramène chez toi où bien on retourne à mon appart ? C’est comme tu veux. Tout ce que je demande, c’est que tu sois en sécurité…

Ses billes ardentes me scrutent avec bienveillance et j’en viens à me demander si je n’ai pas été trop loin dans mes spéculations ce soir. Il semble réellement se préoccuper de moi à cet instant.

— Allons chez toi si tu veux bien…

Il acquiesce et boucle sa ceinture avant d’enclencher la première vitesse. Alors que le véhicule s’élance, je jette un dernier coup d’oeil à l’homme ivre, par terre sur le parvis de son habitation. Son chien s’est calmé. Il attend sagement, assis près de son maître.

— Ne lui donne pas d’importance. Laisse-le moisir dans le froid.

La main de Daegan se saisit de la mienne et ma caresse tendrement. Mes larmes se sont enfin taries, mais ma respiration est encore saccadée. Alors que le bien-être s’empare de moi, je me rends compte qu’une fois de plus dans ma vie, je me suis enfuie pour des banalités. Jamais je ne me séparerais de ce comportement puéril ! Cette enveloppe me colle à la peau comme un vêtement humide.

— Excuse-moi d’être partie… dis-je sincèrement.

Daegan souffle par le nez, puis se passe la main dans ses cheveux bruns décoiffés. Il semble nerveux, incapable de me livrer le fond de ses pensées. D’ailleurs, il me confirme la chose lorsqu’il m’annonce :

— Je t’avoue ne pas avoir tout compris de cette soirée… Tout se passait très bien avant que tu ailles te rafraîchir. J’ai inévitablement besoin de réponse, Alicia et là, tu m’as fait très peur. Mais, on en discutera lorsqu’on sera bien installés, d’accord ?

Je hoche la tête pour toute réponse.

Environ deux minutes plus tard, nous arrivons à destination. Comme plus tôt dans la soirée, nous montons les marches en silence, puis Daegan déverrouille la porte de son appartement et me fait entrer la première. Une fois le seuil franchi, je retire mes chaussures que je laisse dans l’entrée et avance vers le salon où rien n’a bougé. La tarte trône encore sur la table basse, de même que nos parts à peine mangées dans les petites assiettes à dessert. En réalité, il n’est pas remonté chez lui et est tout de suite parti à ma recherche !

— Je vais te ramener quelques affaires pour la nuit. Si tu veux prendre une douche ou quelque chose, tu sais où ça se trouve…

J’acquiesce de la tête, mais ne bouge pas d’ici. Daegan disparaît dans le couloir tandis que je m’assieds sur le canapé. Ma part de tarte me donne affreusement envie tandis que mon ventre se tord et crie famine. Alors, sans scrupule, je me saisis de l’assiette et commence à manger.

— Sers-toi si tu as encore faim, me dit-il en revenant les bras chargés.

Daegan me tend un t-shirt bleu, une veste polaire de la même teinte ainsi qu’un pantalon de survêtement en coton. Je me saisis de toutes les affaires et me lève pour aller me changer lorsqu’il m’interpelle :

— Putain ! Le salopard il ne t’a pas loupé ! s’énerve-t-il en se mettant à genoux devant moi.

Il me pousse doucement pour que je me rassoie et explore mes cuisses griffées. Avec toute cette peur, cette adrénaline, j’avais complètement oublié que le chien m’avait sans doute blessée !

— Tu as mal ? Je vais devoir désinfecter tout ça, fait-il en se redressant. Je te préviens de suite, ça risque de piquer…

Alors que Daegan est parti à la salle de bain pour chercher de quoi nettoyer les plaies, je retire ma chemise ainsi que mon débardeur pour enfiler le t-shirt qu’il m’a si gentiment prêté. Je retire ma jupe par la même occasion et vérifie que mon haut couvre bien mes fesses lorsque mon portable sonne à l’intérieur de mon sac.

Alizée ! Comment ai-je pu l’oublier !

Je me précipite dans le hall d’entrée et récupère mon téléphone en quatrième vitesse. En entendant le remue ménage que je suis en train de faire, Daegan passe la tête par la porte de la salle d’eau, je lui fais signe de me rejoindre en lui expliquant en vaguement que ma sœur est à ma recherche, car je l’avais appelée pour qu’elle vienne me rechercher.

Il acquiesce, puis propose :

— Donne-lui mon adresse, on avisera ensuite…

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