II.

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 La voiture continue de rouler pendant un certain temps. La captive a complètement perdu la notion des secondes, des minutes, des heures, attachée et trimballée de la sorte.

« Vous avez dit que vous ne me vouliez aucun mal… Alors déliez-moi les mains, s’il vous plaît, essaye-t-elle de négocier d’une voix doucereuse. »

 Un ange passe.

« Les ordres sont les ordres. »

 Sophia comprend alors qu’elle n’obtiendra rien d’eux. Ils sont juste des gentils toutous à leur mémère. Il faut qu’elle essaye de se débrouiller par elle-même. Elle reproduit les gestes qu’elle a pu voir dans les films d’action, que son père adore regarder, afin de se défaire de ses liens. Sans grand succès.

« Mais arrête de gesticuler, bon sang ! rit Shrek.

- Tu sais qu’on ne s’est même pas présenté… intervient un peu gauchement son acolyte. »

 Le conducteur marque une pause avant de répondre.

« Moi c’est Nico et lui c’est Ludo. Présentations faites maintenant tu la boucles jusqu’à ce qu’on arrive.

- Mais arrête de faire ton gros méchant là ! On n’est pas dans un film ! T’en fais trop ! rétorque le dénommé Ludo.

- Et toi pas assez ! Si le plan rate, je te dégomme ! »

 Plus ses agresseurs se disputent, plus Sophia est convaincue de connaître leurs voix. Mais elle a peur que son imagination lui joue des tours. Elle préfère ne rien dire. Et puis s’ils lui ont bandé les yeux, c’est parce qu’ils veulent préserver leurs identités. Ils ne vont sans doute pas la tuer.

 Nico allume l’autoradio afin de faire taire ce silence si pesant. Au bout de quelques minutes, Ludo se met à chantonner « Perfect » d’Ed Sheeran passant sur les ondes à ce moment-là.

« Non mais sérieux ? Tu connais ça toi ? Mais c’est une chanson de gonzesse ! s’écrie le conducteur. Change- moi ça ou mets-moi du Damso.

-Ta gueule, répond calmement son interlocuteur. »

 Et un débat éclate aussitôt pour savoir quelle musique mettrait tout le monde d’accord. La dispute permet à Sophia de se détendre un peu.

« Une idée, Sophia ? demande Ludo.

-« Hooked on a feeling » des Blue Swede, coopère-t-elle immédiatement. »

 Aucun des deux acolytes ne connait la chanson. Les premières notes de la musique retentissent. Les criminels semblent être curieux de découvrir de nouveaux morceaux musicaux, ce qui arrache un léger sourire à la jeune femme. Ils ont l’air d’apprécier.

 Puis elle pense à ses parents, à son petit frère et à son fiancé. Ils seront tous morts d’inquiétude lorsqu’ils découvriront qu’elle a disparu. Ce n’est pas vraiment son genre de s’envoler dans la nature sans prévenir. Ils sauront très vite que quelque chose ne va pas. Ils lanceront les forces de police à sa recherche et ils la retrouveront. C’est sûr.

Malgré sa tentative pour se rassurer, elle s’en veut de ne pas leur avoir assez dit à quel point elle les aime. Et peut-être que l’occasion ne se représentera jamais plus. Une larme roule sur sa joue à cette idée.

« Tu pleures ? demande alors Ludo.

- Non, répond-elle par fierté.

- Tu vois ! Qu’est-ce que je disais… fait le copilote à son ami.

- De toute façon, on est bientôt arrivé, répond Nico d’une voix légèrement peinée. »

 En effet, quelques secondes plus tard, Sophia sent que le véhicule quitte la route pour un chemin sans bitume. Ils continuent de rouler pendant à peu près cinq minutes. Ils ne croisent aucune autre voiture. La larme de la jeune femme a séché. Maintenant elle est aux aguets.

 Le véhicule finit par s’arrêter. Nico descend de l’automobile en premier, suivi par Ludo. Ils l’aident à sortir doucement.

« On va t’enlever le bandeau et les liens, explique calmement le jeune homme blond.»

 Pendant quelques secondes, Sophia est éblouie et peine à ouvrir les yeux. Nico détache les mains de la captive et se place face à elle.

« Mais je vous connais ! s’écrie la jeune femme. Je vous connais ! »

 Elle tente tant bien que mal de rassembler ses souvenirs. Mais rien n’y fait. Elle sait qu’elle les a déjà vus. Sans doute lors d’une soirée chez des amis en commun mais impossible de se rappeler plus précisément.

« Je t’avais bien dit qu’il fallait enlever le bandeau au dernier moment, rouspète le jeune homme brun. Allez rentre là-dedans. »

 Cette dernière phrase est adressée à leur prisonnière. Elle n’a même pas pris le temps d’observer autour d’elle. Elle fait face à un immense chalet en bois perdu dans la campagne. Un rocking-chair repose sur la terrasse surélevée de quelques marches. Dans d’autres circonstances, elle aurait adoré cette habitation. Elle rêve de partir vivre au Canada dans un superbe chalet, au bord d’un lac. Mais aujourd’hui, elle a peur malgré les sourires que lui adressent ses ravisseurs. Elle réfléchit à courir mais elle est pieds nus. Et avant d’établir un plan digne de ce nom, Nico la soulève et la porte jusqu’au seuil de la maison de bois. Il la pousse lentement à l’intérieur.

 Il fait très sombre. Elle se dit alors que sa dernière heure est sans doute arrivée lorsque soudain de la lumière jaillit et l’aveugle pendant quelques fractions de seconde.

« SURPRISE !!!! s’écrie une horde de jeunes femmes en surgissant de l’obscurité. »

 C’est à ce moment-là que Sophia reconnait les visages de ses amies les plus proches. Anaïs, la meilleure d’entre toutes aux yeux de la jeune femme, se rue sur elle et la prend dans ses bras, lui laissant à peine le temps de lire l’énorme banderole accrochée au mur.

« Joyeux enterrement de vie de jeune fille !!»

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