Exil

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Je cherchais un endroit pour me reposer, il faut dire que l’année écoulée n’avait pas été de tout repos, entre l’écriture de mon dernier roman, la promo, les séances de dédicaces et les nombreux voyages dus à celui-ci, je n’avais eu que très peu de temps pour moi. Mon salut arriva début mai, avec l’aide de mon éditeur, il se trouve que l’un de ses amis d’enfance, possédait une ancienne cabane de résiniers au cœur de l’immense forêt des landes, l’endroit idéal selon lui pour se ressourcer et me proposait gracieusement d’aller m’y reposer aussi longtemps qu’il le faudrait, il va de soi que je sautai sur l’occasion, promettant à mon bienfaiteur un exemplaire dédicacé pour son épouse, lectrice assidue d’après lui de mes écrits. Après un dernier échange téléphonique le samedi matin avec mon éditeur je rassemblai quelques affaires, laissai quelques instructions à l’employé de ménage, et m’apprêtai a quitté l’appartement. Fuir Bordeaux, était devenu ma priorité, non pas que l’ancienne capitale de la Gaule antique m’écrasait, mais il avait trop longtemps que je ne m’étais pas retrouver en pleine nature, loin de la ville et de son agitation. Comme à mon habitude après chaque roman, j’envisageais une pose de trois ou quatre semaines, j’hésité donc au moment de quitter l’appartement rue des Argentiers à prendre mon ordinateur, a raison d’un livre par an , il me restait encore plus de 9 mois après la sortie de mon dernier roman pour remettre à mon éditeur mon prochain manuscrit , finalement je décidai d’emmener celui-ci, n’étant pas encombré par de lourd et volumineux bagages, il ne prendrai que peu de place, et qui sais, si cette retraite de quelques semaines ne serait pas propice à une inspiration exploitable.

Vers 11 heures, je prenais l’autoroute A63 en direction des Landes, laissant derrière moi la métropole girondine. Selon le GPS, j'estimais arriver aux alentours de 13h30. N'étant pas vraiment pressé par le temps, je roulais en dessous de la vitesse autorisée, profitant des premiers rayons de soleil du mois de mai. Après quelques kilomètres, j'ouvrais ma vitre et coupais la radio, où deux intervenants se disputaient depuis mon départ sur le mouvement Woke. La tranquillité du moment et la douce lumière de cette fin de matinée étant bien plus agréables que les joutes verbales résonnant dans l'habitacle.

Aux environs de midi, je quittais l'autoroute et empruntais la D834 en direction de Sabres. Tout en contemplant le paysage défilant au rythme reposant de ma conduite, je remarquais quelque chose d'étonnant : le stress post-publication dont j'étais victime après chaque parution semblait se dissiper à mesure que j'approchais de ma destination. Dans l'euphorie du moment, l'envie de fumer m'envahit. Après la sortie de mon dernier roman, j’avais mis un sérieux coup de frein sur ma consommation de tabac quotidienne, pas un arrêt total j’en convient, mais j’étais descendu à une dizaine de cigarette par jours au lieu de trente, voir quarante en période d’écriture. Ne consommant pas une goutte d’alcool, j’avais classé la clope dans le tiroir de mes rares péchés , tiroir qui je dois l’avouer, se remplissait ou se vidé au gré de mes envies du moment.

En gardant un œil sur la route, je me penchais vers la boîte à gants, refuge habituel d'un paquet de cigarettes en cas d'urgence. C'est à ce moment précis qu'un chevreuil décida de s'inviter dans le tableau, surgissant à ma gauche, traversant en une succession de bonds la bande de bitume qui séparait la forêt. Je ne sais par quel miracle, je réussis à l'éviter, balançant le volant de droite à gauche, tout en enfonçant la pédale de frein. La voiture se retrouva ballotée dans une série de soubresauts, accompagnée de bruits des plus inquiétants, avant de s'immobiliser en bordure de route. Mes imprécations résonnaient dans l'habitacle, mes mains frappant le volant de la paume des mains à m’en faire mal à hauteur de ma bêtise.

Après quelques minutes d'une méditation silencieuse, je décidais de quitter le cocon de tôle pour évaluer les dégâts. Étrangement, aucune égratignure à signaler, si ce n'est une touffe d'herbes prise au piège, là où le bas de caisse avant droit avait rencontré la nature, du moins, c'est ce que je croyais. La voiture refusait obstinément de reprendre vie. Plus un seul voyant au tableau de bord, pas le moindre clic clic clic en provenance du démarreur.

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