11h50 et 3 ans

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11 h 10, je sors de chez moi. Je suis en retard pour le boulot. Mon bus est déjà passé, je n'ai plus qu'à prendre le second. Je dois appeler mon travail pour les prévenir de mon retard, sauf que je me rends compte que j'ai oublié mon téléphone. Je n'ai plus le temps de revenir en arrière.

11 h 15, j'arrive juste à temps pour grimper dans le bus. Je m'assieds sur une des banquettes au centre de l'habitacle. L'autocar est plein. C'est étrange pour un jeudi. D'habitude, tout le monde est au boulot à cette heure-là. Cette situation, ce monde m'intrigue mais je reprends vite mes bonnes vieilles habitudes. Je sors mais écouteurs et les enfonce dans mes oreilles.

11 h 20, la musique que j'écoute rythme mon trajet. J'observe les interactions des passagers en silence. Les plus petits se disputent tandis que les plus grands discutent, chacun se dirigeant vers sa routine quotidienne. J'examine ensuite les paysages qui défilent. Les rues s'enchaînent toutes semblables les unes aux autres.

11 h 25, le nombre de passagers diminuent petit à petit. Je me dirige vers le dernier arrêt, celui dont personne ou presque ne veut s'approcher. La nouvelle centrale nucléaire, celle sur laquelle je travaille, celle qui remplace la dernière. Les gens en ont peur depuis le dernier accident.

11 h 30, je me replonge dans la contemplation du paysage. Nous nous éloignions de la ville. Les champs et les arbres bordent la route. La centrale est hors de la ville, loin des gens qui fourmillent. Pourtant, si un nouvel accident se produit cela ne changera rien à la situation précédente.

11 h 35, plus on se rapproche de ce lieu, plus je repense à elle. Cette femme aux yeux bleus, elle a su me guider et me ramener à mon temps. Cependant, elle, je ne l'ai jamais revu. Je ne sais ni son nom, ni si elle existe dans le monde réel. Ne serait-elle pas le simple fruit de mon imagination ?

11 h 40, trop de questions hantent mes pensées. Le bus est bientôt arrivé à sa destination finale. J'ai cette impression que le temps ralenti, alors que comme chaque fois ce n'est que moi. J'appréhende ce dernier tronçon de route car nous entrons dans la ville fantôme. Nous devons la traverser pour trouver la porte de cette nouvelle centrale. Nous devons parcourir les mêmes rues, celles qui menaient à l'ancienne.

11 h 45, ces avenues sont sinistres aujourd'hui. Le calme ambiant me rappelle celui présent dans l'arrêt du temps. Dans un signe de respect pour ses personnes, ses âmes disparues, je retire mes écouteurs, éteint la musique. J'examine avec tristesse cette ville qui autrefois était pleine de vie. J'observe ma montre, les minutes s'écoulent, l'heure que je redoute approche.

11 h 50, 1 095 jours. Trois ans. J'ai fermé les yeux deux minutes, je suis ramenée à la réalité par une voix, sa voix.

— Bonjour, petit Pantin.

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