Dans l'Orient-Express - 3

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  • Qu’est-ce que tu fais ?

Un filet de voix enfantine tinta comme une clochette dans le compartiment… L’attention de Moshe fut attirée par l'apparition d’une ravissante fillette, dans les cinq ans,. Elle s’était glissée sans bruit par la porte coulissante.

  • Hein, qu’est-ce que tu fais ? répéta la petite inconnue.

Elle était toute en blondeur, les joues rondes, les yeux pétillants de curiosité. De longues mèches de cheveux ondulés depuis la mi-longueur éclaboussaient ses épaules, d’autres étaient ramenées en arrière, retenues par une jolie barrette de nœud papillon bleu. Le vieil homme pensa qu’il avait déjà vu cette petite fille… « Oh oui ! se dit-il. Au wagon-restaurant, accompagnée de celle qui était sans doute sa mère… » Elle posa une main sur son genou.

  • J’écris dit Moshe.
  • Tu écris quoi ?

Il referma son calepin de moleskine.

  • Un livre !
  • Pour quoi faire ?
  • Ah ça, c’est une bonne question ! dit-il en riant.
  • Je veux monter sur tes genoux !
  • Oui ? Ben viens, monte !

Ravie, la petite inconnue se tortilla pour grimper. Il la souleva par la taille avec douceur et la posa sur ses cuisses. Ses cheveux exhalaient un léger parfum de fleur d’oranger. Elle apprivoisa dans ses petites mains ses grosses pattes velues aux ongles soignées, ponctuées de taches brunes qu’elle inspecta en les palpant.

  • Comment tu t’appelles ? » lui demanda-t-elle.
  • Milaïa ! (Chérie !) Tanychka, mon cœur, voyons ! Tu déranges le monsieur !

Il leva les yeux. Une jeune femme, la trentaine, assez grande, d’allure altière, se tenait dans l’embrasure de la porte du compartiment, tout sourire. Elle portait une élégante robe brodée à manches bouffantes, beige et noire, qui arborait des motifs floraux d’inspiration slave. Une cascade de colliers de nacre et de perles fines égayait sa poitrine parmi lesquels pendait à un sautoir d’argent une petite croix orthodoxe à deux branches en métal. Ses cheveux blonds ramassés sous un chignon de mèches tressées, ornées de quelques fils gris, étaient rehaussés d’un foulard de soie noué qui lui donnait un air champêtre. « Je t’ai cherchée partout ! » dit-elle. Le voyageur perçut dans l’intonation un lointain accent russe.

  • Comtesse Katerina Rudovsky. Je suis désolée !
  • Elle ne me dérange pas du tout ! répondit Moshe en la dévisageant.
  • C’est ma maman ! » dit Tanychka en pointant sa mère de son doigt.
  • Je suis vraiment confuse, elle est très spontanée…
  • Ce n’est pas un défaut ! Votre fille est tout à fait charmante.

Une fragrance orientale de notes chaudes et voluptueuses embauma l’espace. La fillette se retourna vers Moshe, tendit une main pour caresser sa joue et lui offrit un rapide baiser.

  • Vous l’avez conquise ! C’est très rare ! D’habitude elle est plutôt, comment dire, réservée avec les inconnus, c’est comme ça qu’on dit en français ?
  • Moi aussi, je suis conquis ! rétorqua-t-il.
  • Mais puisque ma fille a élu pour nouvel ami un voyageur que je ne connais pas, puis-je lui demander son nom ?

Moshe se présenta. « Je suis explorateur. Je reviens d’Istanbul où j’ai visité les ruines de Troie.

  • Oh, la belle Yéléna ! Celle pour l’amour de qui Troie fut détruite si l’on en croit la mythologie ? Une histoire bien romanesque, n’était-elle pas la femme la plus belle de la Méditerranée ?
  • C’est ce que disent les poètes.
  • Mais la ville a-t-elle vraiment existé ? Vous l’avez vraiment vue ?
  • Mais oui, Troie existe bien, j’en ai foulé le sol. Et c’est à partir des mythes comme Troie que des chercheurs comme moi parcourent le monde en quête de vérité.
  • Vous avez écrit des livres sur vos recherches ?
  • Ça m’est arrivé…
  • Ils doivent être passionnants. Voyez-vous, je suis d’origine russe et nous avons beaucoup de légendes nous aussi.
  • J’en connais quelques-unes. »

La fillette restait assise, manipulant le calepin de Moshe avec fascination.

  • Nous venons d’Istanbul nous aussi ajouta la jeune femme. Elle regarda sa montre. Mais je vois qu’il est bientôt 13 heures. Chérie, tu n’as pas faim ? Voulez-vous déjeuner avec nous, monsieur Kirsch ? Ça nous ferait plaisir, n’est-ce pas Chérie ? Vous nous tiendrez compagnie. »

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