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Depuis près de trois heures maintenant, mon frère et moi remontons un chemin de crête qui offre une vue plongeante sur la vallée de Chamonix. Une petite brise rend le soleil tout à fait supportable. 

Lorsque la largeur du chemin le permet, nous marchons côte à côte. On parle de la monitrice de snowboard mignonne qu’on espère revoir l’hiver prochain. Ce sujet là revient souvent. Sans même vraiment le vouloir, il revient.

Le reste du temps, nous marchons l’un derrière l’autre et de longs moments s’écoulent sans qu’un mot ne soit prononcé. La nature parle pour nous. 

Lorsque le chemin devient plus raide, ma conscience se rassemble sur mon seul effort. Ma respiration prend toute la place et je ne vois plus que mes chaussures passer l’une devant l’autre.

Une fois parvenu au point culminant du chemin de randonnée, vient le moment tant attendu. Comme prévu, la déflagration se produit à une dizaine de mètres du taureau et des éclaboussures de bouse fraîche jaillissent en toute direction. Nous sommes pris d’un fou rire tandis que l’animal, lui, panique. Nous repérant au milieu du champ, il gratte le sol de son sabot puis, tête baissée, soudain nous charge. Dans un suprenant mélange d’excitation et de peur nous courons jusqu’à la clôture et sautons hors du champ. Le Taureau stoppe net à un mètre de nous. Frustré, fumant de colère, il plonge ses gros yeux noirs dans les nôtres pendant une durée qui me semble interminable. Nous faisons un pas en arrière. Sa dignité retrouvée, il s’en retourne vers l’étable. Quelques vaches qui s’abreuvent là tournent la tête à son arrivée.

Pour se remettre de nos émotions, un break s'impose. Nous pic-niquons face aux montagnes. Droit devant nous s’élève le Mont Egberg. Son sommet est saupoudré de neige éternelle. 

Ce matin avant de partir, j’ai préparé 4 sandwichs jambon - fromage râpé. C’est un peu sec mais ça fait l’affaire.

  • Cette année, il faut qu’on se fasse le Egberg tu sais, dit Jean, la bouche pleine. J’en ai parlé à Marc le loueur de crampons. Il m’a dit qu ‘il n'y aura pas de problèmes pour l’oxygène, même pour toi. 

Il avale enfin sa bouchée et retrouve une voix claire et distincte:

- Une fois qu’on aura atteint les 4000 mètres il faudra juste qu’on prenne un peu plus de temps pour que tu t’habitues. On pourra rester au Refuge de Grande Dame quelques heures si tu veux.

Je me montre sceptique : 

  • Tu te rappelles de mon malaise au restaurant du Grand Mastif. A 3200 mètres seulement. J’ai pas arrêté de vomir. Non, franchement je crois pas que ce soit une bonne idée.
  • Mais arrête. Objectif Mont Blanc pour nos 16 ans tu te rappelles ! Alors il faut s’entraîner.
  • Franchement, j’y crois pas trop.
  • Mais il faut juste que tu t’entraînes un peu. Rappelle-toi le col du Mouton en Suisse il y a 5 ans. Tu gambadais comme un cabri et on était déjà à 3600 mètres !

Jean est un fanatique.

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