Elle est l'illimité

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Elle est l’Illimité en sa plus belle énigme. Elle est l’Inattendu qui emplit mes yeux des mirages qui m’habitent et n’éclosent qu’à la mesure de ce qui ouvre et resplendit dans l’aura de mon corps transfiguré. Oui, car alors je deviens transparent à moi-même et je lis en moi comme dans un livre ouvert qui me livrerait quelque secret antique et me déposerait dans la Cité Olympienne, bien plus haut que les soucis des Hommes. Le soleil est à mi-distance du zénith et du nadir, il glisse doucement afin de rejoindre l’Hespérie qui l’accueillera avant que l’encre nocturne n’assombrisse le ciel, ne le conduise à son repos.

Je suis tout au bord de la clairière, dans cette zone intermédiaire du mélange des eaux claires et sombres du jour. Je ne bouge guère de peur que ma présence ne soit dévoilée à Chaperon. Elle, Chaperon vient de se relever. Sa robe ensemence de pourpre les tiges d’herbe, les troncs des arbres et, sans doute, mon visage dont je ne peux saisir l’épiphanie puisque jamais quiconque n’a pu voir sa physionomie dans sa réalité, seulement un rapide halo dans le tain du miroir. Chaperon avance dans le cercle magique avec une telle légèreté, à peine une onction posée sur la nervure d’une feuille. Fasciné, aimanté par ce prodigieux spectacle, je n’ai même pas songé à me déplacer pour laisser le passage qui conduit au convoi. Chaperon est si proche, maintenant, je pourrais effleurer son visage. Etrange visage qui paraît s’effacer à même sa profération. Je n’en pourrais décrire le pouvoir, n’en pourrais préciser la forme. Beauté de la beauté simplement et nul autre prédicat qui fixerait à jamais l’ineffable faveur d’une vision. Je suis logé en moi, au centre invisible de mon corps. Chaperon progresse à pas lents, comme pour un ultime cérémonial. Chaperon traverse ma propre présence. Elle est au bord de qui je suis, puis elle est en moi, totalement immergée, puis elle est hors de moi et je sens la brise de son être qui se dissipe au moment où elle monte dans la voiture verte.

J’ai encore, en mon intime, un peu d’elle, nullement une touche matérielle, bien plutôt le souffle d’un esprit et mon âme s’emplit de ce vide, de ce creux qu’elle a dessiné en moi. Je sens, au-dessus de la doline de ma fontanelle, les pulsations d’une absence, le rythme assourdi d’une mélancolie en train d’éclore, de fleurir, qui n’aura nulle fin. Jamais l’on ne revient du phénomène invisible de la présence. Toujours, en soi, une vacuité qui appelle et demande la survenue du poème, sa parole originelle, le déploiement de son quatrain dans la simplicité la plus éloquente qui soit. Cela plane tout là-haut dans les rémiges de l’imaginaire, cela fait son bruit de cerf-volant de papier qu’anime la belle clarté de la conscience, cela se pose parfois sur la pulpe des doigts. On croit à un fourmillement, ce sont en réalité les mots qui viennent à soi et délivrent un peu de leur richesse, un peu de leur nécessité.

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