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Cette contemplation l’avait réconcilié avec ce lieu et c’est le cœur plein d’une chaleur inconnue qu’il dina avec des inconnus qu’il trouva charmants. Ce n’est qu’en se déshabillant, qu’il se souvint du petit tacle sur son maillot. Quelle impudence ! Il aurait dû hurler au scandale, faire chasser ce serviteur. La gentillesse du geste, presque de complicité, ne l’avait pas heurté sur le moment. Pourtant, il avait effleuré son sexe ! Tout ce qui approchait cette zone et cette pratique était un tabou absolu, d’autant que sa vie sexuelle serpentait entre l’inexistence et le lamentable. Personne ne lui avait jamais parlé du mode d’emploi ou proposé un apprentissage. Il s’était résigné très tôt, éteignant cette fonction. Parfois, une envie insolite se réveillait, toujours sur un jeune, une admiration fugace. Cependant, la faiblesse de la pulsion la lui faisait confondre avec une simple admiration de la jeunesse.

Le petit mouvement avait bousculé toutes ses certitudes. Avoir été reconnu, par un Noir indéfini, comme sexuellement excité le plongea dans un trouble qui fragilisait son équilibre, jusque là inébranlable. Il s’endormit, l’esprit plein de possibles et de terreurs.

Le lendemain le retrouva en pleine forme et décidé à s’inscrire dès l’ouverture au cours de gymnastique : il voulait se présenter sous un jour plus agréable et, puisque c’était possible autant essayer ! Ces cours suivaient le petit déjeuner, et il put ensuite se diriger vers la piscine, le corps endolori par ces exercices stupides et ridicules, espérant revoir cette image qui avait peuplé ses rêves.

La gym ! Il avait horreur de ça. Ils étaient quatre à subir le martyre. Deux femmes, prises dans un collant si moulant qu’on voyait tout, la poitrine dans un soutien-gorge qui projetait leurs seins, paraissant fières de leur indécence. Le troisième était un trentenaire. Gilles se demanda ce qu’il faisait dans un cours de « gym douce », car il paraissait très sportif, si on en jugeait sa tenue : un large et long short et un maillot à bretelles. Sous un visage agréable, son corps, blanc et couvert de blondeur rousse, était musclé. Gilles l’observa par en dessous, se disant que, s’il avait eu un tel physique, peut-être aurait-il eu du succès. Sans doute un Belge, ou un Nordique.

À peine étendu sur son matelas, le jeune dieu était près de lui.

— Bonjour, Gilles.

Il fut attendri que l’autre se souvienne de son nom. De plus, personne ne l’appelait ainsi, car il exigeait l’emploi de son patronyme, précédé d’un « monsieur » pour les subalternes.

— Bonjour, Codou (il s’était répété plusieurs fois le nom, pour bien s’en souvenir, comme si c’était important).

— Aujourd’hui, c’est Codou ? C’est le prénom féminin ! J’aime bien. Tu peux aussi dire Macodou, au masculin. J’aime les deux !

Cette dualité du nom, qu’il ignorait, autant que du physique, était trop perturbante pour oser une question qui aurait pu blesser son interlocutrice ou interlocuteur. Il changea de sujet.

— Je viens de la gym. Je suis moulu !

— Va faire quelques brasses pour te détendre. Après, je t’enduirai de crème : pas question de rester sans protection, même à l’ombre !

Il n’aimait pas nager, il n’aimait pas se baigner, mais il obéit à son ange, allant jusqu’à faire un aller-retour avant de ressurgir pour cette récompense qu’il n’osait espérer. Macodou le sécha délicatement, puis l’enduisit de crème dans un doux massage de tout son corps.

— Je peux te poser une question ?

— Bien sûr !

— Tu prends soin de tous les clients comme ça ?

— Non, évidemment !

Son petit rire radieux…

— Seulement ceux qui en ont besoin. Et qui l’accepte !

— Mais c’est très intime comme service.

— Justement, tous ne l’acceptent pas ! Moi, j’aime prendre soin d’un corps, quel qu’il soit. Et complètement !

Qu’est-ce qu’il voulait dire ? Encore une fois, la question était impossible. Le tartinage était fini. Comme la veille, ces caresses avaient excité Gilles. Comme la veille, Macodou tapota du doigt cette bosse en riant, sans regarder Gilles qui se sentait complètement deviné. Ce dernier rougit, alors qu’un long glissement de doigt parcourait la protubérance, assorti d’un hochement de tête. Assommé, Gilles ne le vit même pas s’éloigner.

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