Bonus : Interea - Tom

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~Tom Ella~

Peut-être qu’il était grand temps pour lui de s’amuser pleinement, de profiter à fond. Il avait passé trop d’années à tenter de repousser le bonheur, et même l’amour. Oh, évidemment, il y avait goûté, à l’amour. Au bonheur aussi, d’ailleurs. Il avait vécu les meilleurs moments de sa vie en compagnie d’Alexis. C’était parti de rien pour former un tout. Un tout qui avait pris beaucoup de place dans sa vie, si bien que tout était redevenu rien lorsqu’il avait été contraint de partir. Devoir quitter Alexis avait été douloureux, mais pas autant que lorsqu’ils avaient officialisé leur rupture après plusieurs mois désastreux à tenter de sauver ce qui était voué à l’échec. Alexis avait eu raison, tout compte fait : deux p’tits cons d’adolescents ne pouvaient pas surmonter les obstacles que la distance avait dressé. Même en fournissant tous les efforts possibles, leur volonté de sauver leur couple n’avait pas été d’une grande utilité comme bouée de sauvetage perdue dans le vaste océan qui les séparait.

« On devrait rompre, tu crois pas ? À quoi bon se courir après si c’est pour jamais réussir à se rattraper. Ça nous ressemble pas tout ça, c’est pas nous. C’était tellement plus facile avant, quand t’étais là, avec moi… »

Ce message, reçu après des jours sans nouvelles de la part d’Alexis, lui avait fait l’effet d’un coup de poing dans le ventre. Tellement puissant que son souffle s’était coupé et ses larmes avaient pris l’initiative de couler abondamment le long de ses joues, alors que l’issue de cette histoire était déjà toute tracée. Bon, OK, il n’avait pas vraiment cherché à maintenir le contact lui non plus, trop occupé à… trop de choses dans sa nouvelle vie. Mais au fond, il avait espéré passer les deux prochaines années ainsi : avec quelques interactions par-ci, par-là, sans pour autant rompre. Et puis, non. Il ne méritait pas ça, et Alexis non plus. Vivre dans le flou, comme ça, était inconcevable. Ça engendrait trop de questions sans réponses. Beaucoup de doutes, aussi.

« Et si, à la place, je te promettais un nouveau départ à ton retour, ça te conviendrait ? »

Ça, c’était mieux. Un peu trop fou, vu leur jeune âge et leur mentalité, mais pas forcément impossible. OK, pourquoi pas ?

Il n’avait pas tout à fait répondu ça. D’abord, il s’était vraiment dit « OK, pourquoi pas ? », puis il s’était demandé à quoi pouvait bien ressembler la « nouvelle conquête » d’Alexis – évidemment, il devait bien y avoir quelqu’un derrière ce message caché, non ? Sa paranoïa en était intimement convaincue, elle – et enfin, après avoir tenté d’écrire plusieurs réponses très peu concluantes, il avait simplement verrouillé son téléphone, laissant le dernier message en « vu ».

Oui, il avait fait ça.

Pendant plusieurs jours, il n’avait plus osé retourner dans leur discussion. Il avait fui, en quelque sorte. Mais, merde, avec du recul, ce n’était pas une façon de terminer une relation ! C’était trop facile. C’était comme si Alexis lui avait tiré dessus, à bout portant, pour finalement accourir vers lui qui agonisait, pour lui poser un pansement sur sa plaie qui pissait le sang avec un « oh désolé, tu me pardonnes ? ». Non, il ne lui pardonnait pas ! C’était aller à l’encontre de leur promesse faite avant son départ, juste après leur folle déclaration l’un à l’autre. Comme si tout ça n’avait jamais compté pour lui ! Mais… il ne pouvait pas non plus lui en vouloir de faire ce qui était juste. Enfin, juste n’était peut-être pas le mot adéquat, mais Alexis avait au moins eu l’audace de briser le silence qui avait pris de plus en plus d’ampleur entre eux. Lui ne l’aurait jamais fait, il était bien trop lâche pour affronter la réalité en face.

Il avait alors dégainé son portable, ouvert la conversation tant redoutée, où le nom affiché en haut ne se résumait plus qu’à « Alexis » sans son éternel petit cœur noir à côté, puis avait tapé quelques mots. Seulement quelques mots, parce qu’il n’était pas capable de faire plus.

« Ouais, c’est ce qu’il y a de mieux à faire je crois. »

Sans plus. Lui aussi pouvait être un tireur d’élite, quand il le voulait. Mais le but n’était pas d’achever l’autre, juste de continuer sa vie… sans lui. Pour ça, il avait eu des périodes difficiles, compliquées. De celles qui l’avaient mis KO en moins de deux. Faire sortir un mec d’un mètre quatre-vingt-quelque-chose de son cœur n’avait pas été une mince affaire, car mine de rien, Alexis avait pris beaucoup de place, compte tenu de ses mensurations. Bref. Il lui avait fallu passer de longues et douloureuses étapes qui impliquaient de se poser beaucoup trop de questions, de laisser les larmes couler, la colère s’exprimer, le doute et les regrets s’installer et toutes ces autres choses à faire en cas de post-rupture. Bien sûr, entre chacune d’elles, il avait hésité à écrire à Alexis pour lui dire tellement de choses. Des choses qu’il aurait pu regretter, d’autres dont il aurait réellement aimé lui parler. Mais voilà, la communication ne passait plus, elle s’était définitivement brouillée…

Alors, peut-être qu’aujourd’hui, des mois après cette rupture de merde, il était grand temps pour lui de s’amuser pleinement. Il était hors de question qu’il passe encore sa vie à se morfondre dans son coin, à enfouir ses sentiments tout au fond de lui. Non, il avait perdu trop de temps pour ça. Aujourd’hui, il était jeune, fraîchement majeur, et avait la vie devant lui. Ça sonnait un peu comme « maintenant ou jamais ». Aujourd’hui, il allait mieux. Pas encore complétement rétabli de sa blessure par balle, mais tant pis, il avait appris à faire avec – de toute façon, que pouvait-il faire d’autre ? Parfois, elle lui faisait encore mal quand… eh bien, quand il repensait à tout. À Alexis. Mais aujourd’hui, il se sentait de passer le seuil de cette porte, l’esprit libre, le cœur moins lourd et la tête pleine de rêves.

Toutes les autres portes qu’il avait franchies par la suite, celles de boîtes de nuit, de bars ou même de petits cafés, avait été dans l’unique optique de retrouver toutes ces personnes qui avaient pris une petite place dans sa nouvelle vie. Rien de sérieux, juste du fun. Pas de sexe, ou alors très rarement. Parfois, des baisers qui ne voulaient rien dire de plus que « tu me plais bien ». Des filles, des garçons avec qui il avait accroché sans raison apparente. Des étrangers, comme lui, qui profitaient de ce que la ville avait à leur offrir, ou ceux qui vivaient ici, qui lui faisaient découvrir les endroits les plus beaux du pays. Des inconnus, des amis, des flirts. Sans attache, ni équivoque. Juste lui et l’instant présent.

Juste lui et Naomi, pour une danse qui avait duré toute la nuit.

Juste lui et April, pour un débat enflammé autour d’un chocolat chaud.

Juste lui et Owen, pour tester tous les cocktails que leur bar favori avait à leur proposer.

Juste lui et Chiara, pour un câlin, un baiser et plus si affinité.

Juste lui et Tom (bis), pour discuter de tout, et surtout de rien en attendant le premier train.

Juste lui et Léo, pour un jogging le long du bord de mer.

Juste lui et Alejandro, pour une cigarette, puis une deuxième et encore une troisième.

Le proverbe disait : « Un de perdu, dix de retrouvé. » C’était cruel, dégradant. Avec peut-être une minuscule part de vérité… À proprement parler, personne n’avait réellement remplacé Alexis – il était bien trop unique pour ça – mais chacun contribuait à lui apporter des moments de qualité qui lui faisait tout oublier, l’espace d’un instant. C’était comme s’ils avaient, tour à tour, recollé les derniers morceaux de son cœur brisé qu’il ne pensait jamais pouvoir réparer. C’était agréable de voir qu’il avait toujours droit au bonheur, même si ce n’était plus avec Alexis.

Son histoire d’amour était peut-être terminée, mais il la gardait toujours là, quelque part dans ses souvenirs, dans son cœur, en sécurité. Il n’osait l’avouer de vive-voix, mais Alexis était toujours là, à chacun de ses pas, il le suivait comme son ombre. Il ne ressentait plus aucune rancune envers lui – pour autant qu’il en avait vraiment ressenti – juste… un sentiment qui ne s’apparentait sans doute plus à de l’amour, ni même à de l’indifférence, loin de là, mais à une sorte… d’affection ? d’attache ? Il n’en savait trop rien.

Simplement que parfois, il lui manquait. Un peu ou beaucoup trop, selon ses états d’âmes. Alors parfois, il espérait que ce nouveau départ pour lui et Alexis se fasse réellement à son retour. Il y croyait dur comme fer, il s’y raccrochait fermement. Parce qu’il était encore jeune et naïf, parce que cette relation avait été sérieuse et importante pour lui, parce qu’Alexis n’était pas n’importe qui et qu’il ne le serait jamais.

Parce qu’il y avait toujours une lueur d’espoir, de seconde chance, qui planait entre eux.

Il en était convaincu.

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