Neige vermeille

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La neige se soulevait au rythme de ses pas précipités, laissant des traces nettes dans le blanc immaculé du paysage. Les branches des arbres alourdies par les nombreux flocons penchaient vers le sol au risque de se briser, transformant les alentours en un ensemble de trous et de bosses informes.

Le redoutable vent glacé sifflait rageusement, s'infiltrant dans les moindres interstices et gelant son pelage trempé.

Zigzaguant entre les innombrables obstacles, il courait à en perdre haleine. Les hommes étaient sur ses traces.

Il devait fuir.

Prudemment, il ralentit légèrement l'allure et risqua un regard en arrière. Ses oreilles, telles des paraboles, captèrent quelques cris dans le lointain. S'ébrouant pour se débarrasser des cristaux qui alourdissaient sa fourrure, il reprit sa route sans même reprendre son souffle. Les hommes le pistaient déjà depuis l'aube, ils n'abandonneraient pas si facilement. Il devait mettre le plus de distance entre eux et lui, et vite.

Ignorant le froid qui le glaçait jusqu'aux os, l'animal s'élança vers les bois. Il devait les semer avant d'être complètement épuisé, déjà ses muscles le faisaient souffrir. Il le fallait, sa vie était en jeu. Si les chasseurs le trouvaient, c'en était fini de lui.

Seul, en quête d'un territoire et poussé par la faim, il avait quitté sa forêt natale pour s'aventurer dans les campagnes. Mais dans ce monde qu'il ne connaissait pas, il n'y avait pas de place pour les loups. Immédiatement traqué par des chasseurs, il avait jusque là péniblement réussi à leur échapper, mais les hommes le poursuivaient, sans relâche.

Et il fuiait. Toujours.

Après une course effrénée, la forêt se profilait enfin. Le pelage trempé, haletant, il s'élança sans hésiter entre les premiers arbres. Soudain, une odeur le stoppa net. Alerté, le loup leva le museau et huma l'air, les membres tendus, prêt à réagir.

C'était celle de sa meute.

Sa meute qui l'avait vu naître, mais sa meute qui l'avait chassé.

Celle qui l'avait protégé mais celle qui l'avait précipité dans la solitude et le danger.

S'il s'avançait plus avant sur le territoire des autres loups, la mort l'attendait. Il ne faisait plus partie de la famille. Il n'était désormais plus qu'un étranger, qu'on réduirait en pièces comme tel.

La forêt ou les chasseurs ? La mort, ou la mort ?

Tout à coup, un coup de feu résonna. Il tréssaillit et bondit. Il n'avait plus le choix.

L'animal poussa un couinement inquiet et prit la fuite, s'enfonçant dans la forêt malgré l'odeur toujours plus forte des autres loups. Un hurlement furieux résonna. On l'avait repéré, ce n'était plus qu'une question de temps avant qu'un combat ne s'engage. Ignorant ce cri d'avertissement malgré la peur qu'il ressentait, le loup continua sa route.

Il n'était plus qu'une ombre brune qui filait dans le crépuscule. Ses sens étaient exacerbés : il sentait l'odeur des loups, entendait les cris des chasseurs, voyait les arbres défiler à toute allure et endurait le froid. Il devait fuir. Encore.

Soudain, une détonation éclata. Une vive douleur s'insinua dans tout son corps. Ses pattes s'emballèrent, son souffle fut coupé. Des clameurs, un peu plus loin. De souffrance et de rage, il lâcha un ultime grognement avant de s'écrouler, et de sentir ses forces l'abandonner.

La neige se tinta de rouge.

Il cessa de respirer.

Le vent mugit, comme pour saluer ce dernier souffle, avant de soulever les flocons légers du crépuscule.

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