On The Road

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Maxime émergea lentement du brouillard qui lui embrumait le cerveau. Il leva péniblement les bras et frotta ses yeux du bout des phalanges, comme si ce geste anodin pouvait dissiper la lassitude qui l’accablait. Une modulation stridente lui vrillait les tympans, accompagnée d’un battement rythmique plus ou moins régulier. Il frissonna et parvint enfin à s’extraire de l’inconfort que procurent les lendemains de soirée trop arrosée. Sa tête brimbala quelques secondes avant qu’il ne retrouve une partie de ses facultés et ouvre les yeux. Merde, je suis où là ?

Derrière une vitre sale, de longs faisceaux de lumière semblaient dessiner, au fur et à mesure de leur avancée, une route tortueuse qui ne menait nulle part. De temps à autre, apparaissaient brutalement dans les pinceaux lumineux, des gens qui avaient l’air d’attendre que l’on vienne les chercher.

L’horrible grincement s’était soudain métamorphosé en un joyeux sifflement qui tentait vainement de ressembler à une mélodie. Maxime reconnu pourtant le refrain de YMCA. Il se tourna vers la source sonore et découvrit aux commandes de la voiture un être enveloppé dans une grande cape dont la capuche couvrait presque entièrement le visage. Les doigts qui tapotaient le volant n’avaient pas de chair et quand l’individu tourna la tête et l’interpela, Maxime ne vit qu’un crane aux orbites vides.

— Alors ça y est ? Réveillé ?

Étrangement, la première chose qui vint à l’esprit de Maxime en entendant cette remarque, fut : Comment un squelette peut-il émettre des sons alors qu’il ne possède plus ce qu’il faut pour ça ?

Bien que cette question trouvera rapidement sa réponse, l’évidence le rattrapa rudement.

— Ho putain j’suis mort !

— Tout ce qu’il y a de plus mort mon gars !

— Et où on va comme ça ?

— Au centre de réinsertion.

— Je ne voyais pas ça comme ça, je n’ai pas la moindre idée de ce que peut être ce centre, et on y va en voiture.

— Oui avant j’avais une barque, mais c’était chiant, fallait ramer tout le temps et ça prenait trop de temps. C’est une Styx 9000, t’en penses quoi ?

— C’est silencieux.

— Normal, y a pas de moteur.

— Et la cape, la faux sur la banquette arrière ?

— C’est l’uniforme officiel de la région, en réalité rien de tout ça n’existe. Ce n’est qu’une illusion créée afin de ne pas trop perturber les nouveaux arrivants. Ici tout n’est qu’énergie. Voilà l’apparence que j’avais avant.

Floushhh ! Il y avait maintenant assis sur le fauteuil du conducteur un vieux bonhomme tout rabougri dont le regard pétillait de malice.

— Ou bien ça, si tu préfères !

Refloushhh ! L’ex de Maxime trônait maintenant à sa gauche.

— Non, change, l’emballage est superbe, mais c’est une emmerdeuse.

Floussh, le vieux réapparu.

— Tu n’as jamais envisagé de faire autre chose ? reprit Max.

— Non le centre de réinsertion, c’est pas pour moi ! Ça fait des millénaires que je bosse au service de récupération, j’aime ce boulot, parler avec les gens, tout ça…

— C’est quoi au juste ce centre ?

Le vieil homme expliqua alors que l’on renvoyait les énergies d’un être dans un nouveau corps. Sur Terre ou ailleurs dans l’Univers. Un très ancien concept qui avait fini par transcender la perte de mémoire qu’impliquer le processus de réinsertion puisqu’on le retrouvait dans beaucoup de croyances.

Ils croisèrent beaucoup d’autres âmes errantes attendant d’être pris en charge par le service de récupération. Ce qui intrigua Maxime.

— Pourquoi, vous ne prenez pas un bus ou un train pour ramasser plus de monde ?

— Pas possible, il faut un service personnalisé, certains ont des réactions extrêmes.

— Vous n’êtes pas assez nombreux dans le service ?

— Si mais c’est plutôt l’organisation qui pèche, le chef fait ça à l’ancienne avec des plannings à fiches cartonnées, du coup ça met des plombes pour faire le job. Avec l’augmentation de morts parce que vous ne chômez pas sur Terre, ça devient critique.

— Je t’ai dit que je développais des applications pour smartphones ? De nos jours tout le monde en a un. J’ai une idée.

Quelques semaines plus tard, UberDeath était né, chacun pouvait ainsi choisir quelle tête de mort vous accompagnerait vers une nouvelle vie.

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