15. Sans Avenir

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Armand erra toute la journée sans but dans les ruelles de la cité. C’était comme s’il se refusait à quitter les lieux où plus rien ne le retenait. La réalité était aussi douloureuse que brutale : il ne serait jamais un chasseur. Tous ses efforts et ses sacrifices avaient été balayés en une fraction de seconde. Sa colère aveugle avait fait basculer sa vie. Au bout de quelques heures, il trouva refuge dans une taverne dans laquelle il dépensa le peu d’argent qui lui restait afin de s’enivrer. Boire pour oublier, c’était la seule chose à faire. La tenancière ne fut pas insensible à sa détresse et lui offrit par moment une consommation gratuite. À mesure que l’alcool faisait son chemin dans son esprit, les émotions d’Armand se trouvèrent libérées. Il n’eut aucune honte à pleurer en public sur son sort. L’aubergiste alla même jusqu’à le serrer dans ses bras pour le réconforter. Une fois sa peine assouvie, il resta apathique, ingurgitant verre après verre en attendant de s’écrouler d’un sommeil profond. Sa tête tournait à présent et son estomac menaçait de déverser tout son contenu à chaque gorgée, mais toujours aucune trace de repos. Armand continuait à s’aviner lorsqu’une nausée le saisit brutalement. Il se leva en titubant et se précipita vers les latrines. Juste à l’entrée, il télescope un homme tout en lui tachant les chaussures de quelques éclaboussures de vomi puis rendit tout ce qu’il avait avalé dans l’orifice sale et puant prévu à cet effet. Il entendit dans son dos l’inconnu maugréer, mais s’en moquait bien. Cependant, une fois remis, il constata que celui qu’il avait bousculé était toujours présent et pire que ça : c’était un chasseur ; celui qui était en charge de surveiller les Havres Gris : Klaus. Son ivresse disparut brutalement lorsqu’il prit conscience de son erreur. Il baissa la tête pathétiquement et s’excusa. Il s’attendait à ce que l’officier le vilipende, mais son attitude fut tout autre :

  • Ça n’a pas l’air d’aller fort, mon garçon.

Klaus le raccompagna à sa table et à mesure que l’albinos lui contait son histoire, il l’écoutait religieusement, n’interrompant le récit du jeune homme que pour commander un nouveau pichet de vin.

***

Armand s’éveilla en sursaut lorsqu’on vint frapper brutalement à la porte de sa chambre.

  • J’espère que tu es réveillé, gamin. Je t’attends en bas dans dix minutes.

Un pas pesant s’éloigna et l’albinos détailla les lieux. Où était-il ? Qui avait parlé ? Wilhem ? Sa tête était lourde et sa bouche horriblement pâteuse. Il avait la nausée. Il fit le point sur la veille, mais à part l’avinage à la taverne, aucun autre souvenir ne lui venait à l’esprit. Rien, le néant total. Il faut dire qu’il avait bien bu hier, il ne s’étonna pas d’en subir aujourd’hui les conséquences. Il s’habilla en hâte et rejoignit celui qui l’avait réveillé. Klaus l’accueillit avec un grand sourire :

  • Alors, bien dormi ? demanda-t-il. Prêt à discuter ?

Armand avait beau fouiller sa mémoire, il ne parvenait pas à se remémorer la fin de la soirée. L’officier s’en amusa avant de lui expliquer :

  • Je t’ai dit que je te ferai une proposition demain matin lorsque nous serons tous les deux frais et dispos.

L’albinos acquiesça silencieusement tout en prenant place à la table de l’homme.

  • Est-ce que tu veux m’aider à surveiller les Havres Gris ? Il y a de plus en plus d’habitants dans ce quartier et un coup de main ne serait pas de refus.

Armand fut abasourdi par cette demande et ne trouva rien à répondre. Cette offre était inespérée. Il resta coi une longue minute puis bredouilla :

  • Pourquoi ?

Le visage de Klaus s’assombrit brusquement. Son sourire jovial disparut au profit d’un air triste.

  • Parce qu’on est pareil tous les deux. Moi non plus, je n’ai pas fini mes classes.

Son regard se perdit dans le vague lorsqu’il se remémora :

  • J’étais jeune et insouciant à l’époque. Certain de tout savoir et d’être infaillible. Mon intrépidité et ma bêtise ont couté la vie de mon mentor. Il s’est sacrifié pour me sauver.

Il essuya subrepticement une larme qui était apparue au coin de son œil et retrouva immédiatement son air avenant :

  • Alors ? Qu’en dis-tu ?

***

Les mois qui suivirent furent bénis. Armand s’investit corps et âme dans son nouveau travail faisant la fierté de Klaus. Il assimila tous les rouages et toutes les règles même les plus étranges. Il n’était pas rare qu’un chasseur graisse la patte des sentinelles afin qu’elles patrouillent dans un autre coin des Havres durant quelques heures. Ce qui se passait là-bas restait là-bas. Rien n’était réellement interdit à celui qui avait de l’argent. Il n’avait pas encore cédé à ce caprice, mais l’idée d’assouvir ses désirs inavoués lui trottait de plus en plus dans la tête. Certes la paie que lui offrait Klaus était minime, mais il arrondissait ses fins de mois en proposant ses talents de bretteurs aux novices qui souhaitaient s’entrainer. Quelques professeurs eurent vent de ses services et furent également intéressés. Les entrainements avec un duelliste accompli étaient bien plus brutaux, mais en plus de payer le double, elles permettaient à l’albinos d’apprendre de nouvelles techniques et de parfaire ses connaissances. Les demandes s’enchaînèrent et l’argent ne vint pas à manquer. Il est vrai que durant ses périodes moroses, Armand se demandait quelle aurait été sa vie s’il n’avait pas été renié par l’Ordre, cependant, cet avenir lui plaisait.

***

Par un beau matin de printemps, une rumeur se propagea dans la cité, Helset était revenu en ville. Le chasseur était assez connu pour susciter un tel engouement, mais dans l’esprit de l’albinos une seule chose comptait : il allait revoir Frantz. Il se précipita donc vers la Tour de l’Ordre, espérant pouvoir entrapercevoir son ami et attirer son attention. Il y avait un monde fou aux abords du quartier général et Armand dût jouer des coudes pour se frayer un chemin parmi la foule. Lorsqu’il arriva à hauteur du mentor, sa joie s’évanouit brusquement. Helset tentait de se tenir dignement droit, mais semblait lourdement blessé, mais une autre information avait brisé l’allégresse de l’albinos : il était seul.

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