Chapitre 1 : une mission presque banale

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De nombreux instants strictement similaires se déroulaient dans une vie. Alors que Malken observait la tablette contenant toutes les informations sur la région, il vivait l’un de ceux-là. Un moment de pure banalité. On ne l’avait pas fait venir pour rien, ça, c’était sûr, mais il était loin d’être certain d’être la bonne personne pour autant. Près de lui, la correspondante Olinia avait l’air sûre d’elle. Néanmoins, les Startians étaient une espèce qui avait toujours ce petit air suffisant, alors il ne pouvait pas s’y fier.

- Faire une exfiltration ne serait pas suffisant ? demanda-t-il.

Très clairement, récupérer un être vivant de cette planète ne lui prendrait pas plus de cinq minutes et ceux, sans risque ou violence. C’était d’ailleurs comme ça qu’il avait agi lors de sa mission précédente sur Opalia 2.59. Il s’était fait prédateur, il avait chassé un autochtone. Il s’était abattu sur lui du haut de sa grande stature et l’avait épinglé au sol sans le blesser pour autant. Ses poings ne s’étaient jamais fermés pour le cogner. A la place, il s’était penché et avait posé ses dents affutées sur sa gorge dans une prise mortelle. Le plus petit avait cessé de bouger et s’était offert en pâture dans un geste de pure soumission, classique chez son espèce. Le ramener n’avait été qu’une formalité à partir de là. Ici, ce serait encore plus simple, il suffirait d’exiger. Il n’avait qu’à sortir et dire « suis-moi » avec assez de conviction et ce serait gagné. Seulement Olinia balaya l’idée d’un revers de main.

- On ne veut pas une personne. On a besoin des données qui se trouvent dans ce bâtiment.

Elle lui tendit un plan. Il l’observa. C’était un prospectus. Sur la première page se dressait un dessin d’un bâtiment important avec de hautes colonnes finement sculptées et surmontait de plusieurs statues. Cela ressemblait à un temple ou peut-être un grand bâtiment officiel. Le plan qu’elle lui avait fourni en parlait vaguement.

- Tu ne peux pas les pirater ? demanda-t-il.
- Crois-le ou non, mais j’aurais du mal à pirater du papier.
- Ah… Ils en sont encore là…

Malken soupira. Ce n’était pas que la mission n’allait pas être distrayante, au contraire même, mais il était loin d’être pleinement à l’aise. Il savait bien qu’il fallait accepter les cultures pour ce qu’elles étaient et qu’y appliquer les règles de vies de sa propre espèce était une erreur de débutant. Malgré tout… il ne put s’empêcher de marmonner :

- En termes de consentement…
- Ils choisissent et peuvent se rétracter pour changer de statut.
- Mais ils ont pas de codes de sécurité, n’est-ce pas ?
- Non. Ce n’est pas dans leur culture. Ils estiment que… le partenaire est là pour les élever au-delà de leurs limites personnelles. Tu ne peux pas leur demander de gérer.

Olinia sembla légèrement moins certaine, mais ce fut fugace sur son visage de glace. Elle cligna très lentement des yeux, refermant ses paupières épaisses sur ses globes bleu clair entièrement unis. Malken avait l’habitude mais cette espèce était assez éloignée de la lignée principale d’où découlait la majorité des humanoïdes pour être considérée comme étrange. Olinia ajouta :

- Physiquement, ils sont particulièrement résistants. Ils peuvent se soigner de pratiquement tout…
- Et en termes de résistance à la douleur ?
- Leur peuple compte neuf catégories dédiées entièrement à les différencier sur ce point précis, mais honnêtement, je n’en sais pas plus.

Voyant qu’il hésitait, elle ajouta :

- Accéder à ce bâtiment, c’est accéder à l’ensemble de leur médecine… et tu connais les prouesses qu’ils sont capables de faire. C’est important. Ça en vaut le coup.
- Ouais, ouais… Que je risque de massacrer un innocent n’est qu’un menu détail hein ?
- A vrai dire…
- Oui, j’ai vu, la coupa-t-il sèchement.

La tablette n’était pas qu’un ensemble de généralité. Elle avait monté tout un plan. Un plan triste. C’était pourtant assez simple, il allait s’infiltrer et rentrer dans le moule. C’était un peuple accueillant en soi. Il n’aurait pas de difficulté. C’était obtenir leur secret qui était difficile, mais ce n’était pas uniquement difficile pour eux, les étrangers, c’était difficile pour tous.

- Donc au lieu de rentrer par la zone A.40, tu penses qu’il vaudra mieux aller en K.12 ?
- Ou K.14… Cela correspondrait à tes goûts, non ?
- Ouais… Ouais. Ok. Essayons.

Malken soupira et partit sans un mot de plus à l’arrière du vaisseau. Il prépara ses affaires puis prit une longue douche chaude. Il massa ses muscles tendus et essaya de se vider la tête. Il aimait l’odeur de terre de son savon qui lui faisait penser à sa planète d’origine. Elle était bien loin de là. Piskyn. Les yeux clos, il pouvait presque voir ses hautes montagnes recouvertes d’une végétation épaisse. Il n’y était pas retourné depuis des années. Elle lui manquait toujours autant. Ce n’était que quelques instants, mais il les prit pour se ressourcer et recentrer sur lui-même.

La zone K était une zone de rebus, seul les moins fonctionnels ou les plus cassés y allaient. La 12 et la 14 contiendraient des partenaires qui pourraient lui convenir comme le pensait Olinia. Elle le connaissait bien après tout. Autrement dit ce serait de jeunes mâles. Ce qu’il verrait là-bas risquait de le rendre particulièrement triste dans le meilleur des cas et dans le pire, et bien, il aurait l’occasion de rouler des muscles.

Et effectivement, dès qu’il sortit et qu’il s’éloigna des beaux quartiers de la zone d’accueil, la misère se mit à suinter de partout. Près du vaisseau, de jolies personnes paradaient, cherchant à l’attirer. Sur cette planète, on pratiquait une organisation assez sauvage. La société se découpait en plusieurs rôles phares avec notamment des Dominants et des Soumis qui aimaient se tortiller sous une fessée lourde, mais également un grand nombre de formes Flexibles changeant de rôle au grès de leurs envies. Le racolage poli fit lentement place à une forme de mendicité sexuelle que Malken n’avait jamais eu l’occasion de voir nulle part avant. Ici, on mendiait pour quelques gifles, pour être insulté ou même pénétré. Sur l’un des grands murs où les corps s’agglutinaient à la recherche d’une chaleur impossible à trouver, un grand D avait été peint. Il était encore assez loin de sa destination.

Bien-sûr, en tant qu’agent, il aurait pu utiliser un système de téléporteur à courte portée, mais il avait envie de cette marche en direction de l’enfer. Il voulait voir et comprendre intuitivement ce qu’il avait pu lire dans les rapports. Les jolis quartiers disparurent et bientôt il n’y eut plus que la pauvreté à laquelle il s’attendait pour une grande ville de cette importance. C’était ici que tous les vaisseaux se posaient et ici que tout le monde espérait refaire sa vie. C’était normal d’attirer les nécessiteux.

Petit à petit, il remarqua les coups d’œil nerveux à son poignet où se trouver un double bracelet qu’il avait obtenu dès qu’il s’était posé ici. Le premier bandeau, gris clair, indiquait qu’il était un étranger. Il n’y avait pas besoin de ça pour le savoir. Malken faisait une bonne tête de plus que la majorité des plus grandes personnes qu’il avait croisé et il était également beaucoup plus large d’épaules. Un véritable colosse. A côté de lui, tous avaient l’air de brindilles prêtent à se briser. Olinia l’avait bien soulevé : ce n’était pas le cas. Leur espèce avait une forme d’endurance qu’aucun des siens n’aurait pu égaler.

Le second bandeau était déclaratif. Chez certain, il était une immense myriade de couleur. Le sien n’avait qu’une nuance d’un bleu profond qui en disait long sur ses goûts : il aimait commander. Il n’y avait rien de plus car il n’avait pas estimé qu’il était nécessaire d’en dire davantage. S’il était allé dans les bordels les plus célèbres de la capitale, ça aurait une bonne chose pour guider efficacement les petits soumis qui seraient venus le combler, mais pour sa mission, tout ce que les autres auraient besoin de savoir se trouver là. Cette couleur suffisait largement.

Alors qu’il s’enfonçait lentement dans les pires endroits, il vit enfin ce qui attirait autant de personnes ici en faisant de cet endroit l’un des plus grands ports spatiaux des environs. Il s’arrêta pour observer ce qui n’était rien de plus qu’un spectacle. Un orateur faisait la morale aux passants, rappelant aux soumis qu’il était important qu’ils essaient davantage et conseillant aux Dominants de se laisser aller à la violence. Malken frémit et fit de son mieux pour retenir une grimace. Il détestait ce discours qui était un non-sens à ses oreilles. L’orateur poursuivit et promit une démonstration alors Malken prit sur lui et patienta. Accepter la culture, observer les us et coutumes et puis, autant que possible, essayer de comprendre…

Pour son espèce, l’orateur était un mâle fort aux muscles dessinés qui pouvaient se voir sous ses vêtements. A ses pieds, il y avait son soumis attitré, enchaîné. Un lourd collier pesait sur sa nuque mais ce poids n’avait l’air de lui apporter qu’un peu plus d’harassement. Pour ce que Malken pouvait en juger, le couple était déjà d’un certain âge, mais à force de faire des voyages, il avait compris que la vieillesse était une chose relative. C’était d’autant plus vrai sur cette planète.

- Et maintenant ! Place à la pratique ! cria le Dominant.

Il saisit le collier épais d’une main et tira son soumis jusqu’à le lever entièrement et même le soulever légèrement. Visiblement habitué, le plus petit s’était immédiatement hissé sur la pointe de ses pieds. Il tremblait ostensiblement et maintenant qu’il était debout, le visage découvert, Malken put voir distinctement un ensemble d’hématome qui couvrait tout un côté de son visage.

On ne lui avait jamais imposé une règle de non-intervention. Ça aurait bien était impossible car la couleur de son bracelet ne mentait pas, Malken aimait décider. Mais sur cette planète, les choses étaient toujours un peu plus compliquées qu’ailleurs. Alors quand le soumis se mit à supplier, il se retient de l’arracher à la poigne de son partenaire.

L’orateur leva la main et l’abattit de toute ses forces sur son compagnon. La claque fit un bruit énorme et faucha le plus petit qui tomba au sol de tout son long. Un sanglot lui échappa alors qu’il était rattrapé par les cheveux et à nouveau soulevé. Cette fois-ci, c’était pour le montrer aux spectateurs. Son haut fut à moitié arraché et là, au centre de son ventre creux, une lueur apparut. Malken grogna et soupira. Il détestait ce type de violence et prendre une soumission de cette manière le répugnait. Seulement, la lueur ne mentait pas. C’était exactement ce que ce mâle désirait. Foutu masochiste ! pensa Malken tristement.

Leur espèce était capable de métaboliser une substance lumineuse particulièrement rare et intéressante d’un point de vue pharmaceutique. Autrement dit, c’était une véritable petite fortune que ce soumis avait maintenant dans le ventre. Et pour son propre équilibre, il avait besoin d’en produire régulièrement… C’était bien là tout leur malheur.

Il fallut deux coups de plus pour que la lumière soit plus franche et que sur le ventre du Dominant, on puisse voir apparaître quelque chose de similaire. La beauté du moment lui échappa, brisée par la violence et Malken se détourna. Pour obtenir l’accès au bâtiment qu’il voulait, il faudrait plus qu’une lueur. Il allait falloir qu’il illumine un soumis tout entier et pour réussir, la première étape serait encore de trouver le bon partenaire. Pour ça, il n’y avait pas de raccourci. Il allait devoir tester, trouver une personne compatible à ses goûts -ce qui n’incluait pas la violence crasse !- puis s’entraîner.

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