Chapitre 13 (1/2) : Sur les routes du passé

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La sonnerie de mon téléphone me réveilla. Il me fallut quelques secondes pour ouvrir les yeux et fouiller le fond de ma poche.

- Allo ? chuchotai-je, la voix roque

- Tu vas bien ? Mais où est-ce que tu étais passée bon dieu ? Je me suis fait un sang d’encre ! Ta voiture est encore là !

- Bonjour à toi aussi, Ellie.

Sous le poids de son silence, et après avoir sondé la pièce afin de me remémorer la nuit passée, je repris :

- Ne t’inquiètes pas, je suis en sécurité. Je suis chez…Joseph.

- Oh vraiment ? Je croyais pourtant qu’il ne t’intéressait pas.

Le ton de sa voix était agressif.

- Ce n’est pas ce que tu crois.

- Explique-moi donc ! Je suis sûre que je vais adorer !

J’hésitais un moment. Je devais lui dire, j’étais incapable de garder cela pour moi plus longtemps. Mais comment lui faire comprendre ? Comment lui expliquer ce que même moi je n’étais pas certaine de saisir ?

- C’est mon frère, Ellie.

Finalement les mots étaient sortis seuls. Quatre mots. Une vérité qui expliquait tout. Une évidence.

- Quoi ? Quoi ? Quoi ? répéta-t-elle sans me laisser le temps de répondre. Mais qu’est-ce que tu racontes encore ? C’est quoi cette histoire ?

- Joseph est mon demi-frère du côté de ma mère, expliquais-je. Et je compte bien en apprendre davantage.

- Comment le sais-tu ?

Je réfléchissais un instant à la réponse. Je ne pouvais pas lui dire que j’avais partagé son souvenir. Ellie était de ces gens cartésiens.

- C’est une longue histoire…

Elle resta silencieuse un moment, avant de reprendre, calmée :

- Je vois... ça finira mal, tu le sais ?

Un frisson me parcourut toute entière. Je n’en revenais pas qu’elle accepte la réalité si facilement. Mais Ellie avait raison, ce n’était pas une bonne idée de courir après mon passé. Ça ne l’était jamais ce genre de choses. Qui sait ce que je m’apprêtais à découvrir ?

- Je prends le risque, je dois savoir d’où je viens, c’est plus fort que moi…Et c’est mieux si Cathy l’ignore.

J’avais prononcé les derniers mots comme si je confessais un crime. Et le silence s’installa. Un silence interminable et lourd de sens.

- Bon d’accord, dit-elle après quelques secondes. Je vais te couvrir. De toute façon, elle part bientôt voir sa famille, non ?

- Oui, dans quelques jours.

- Ok. Mais fais attention à toi ! Et tu m’appelles au moindre petit problème, ok ?

- C’est promis ! M’écriai-je, soulagée et euphorique.

- Bon je te laisse, mais sache que je n’aime pas ce plan, mais alors pas du tout.

- Ne t’en fais pas, tout ira bien. Merci Ellie !

- Ouais ouais…Salut.

Alors qu’elle raccrochait, je l’entendais grogner et cela m’extirpa un sourire. Même si je l’inquiétais souvent, jamais Ellie ne s’en plaignait. Je me demandais souvent si c’était bien normal comme réaction. Mais finalement, normal ou non ce n’était pas ça le plus important.

Chassant la mélancolie qui semblait vouloir m’envahir, je me levai d’un bon, fit le tour de la pièce et ouvris les volets. Le soleil tapait relativement fort à travers les carreaux pour une mi-décembre. Alors, à peine couverte, j’osais sortir sur le petit balcon. La vue en plein jour était magnifique. Le jardin, où poussaient des tas de fleurs de toutes les couleurs, me semblait sensiblement différent de la veille. L’effet de la lumière naturelle sans doute. Et au fond de ce jardin, comme sorties de nulle part, des tombes, toutes plus belles les unes que les autres. Ce mariage inattendu, entre la vie et la mort, était d’une infinie douceur et d’une grande beauté. Je serais restée là des heures à admirer ce paysage, semé au milieu de la forêt, mais un petit courant d’air glacé me rappela à la réalité.

Des bruits provenant du couloir attiraient mon attention. J’ouvris la porte dans un grincement aigu.

- Il y a quelqu’un ?

Seul le silence me répondit. Alors, bien que je ne fusse pas certaine d’avoir le droit de quitter la pièce, je m’engageai dans le couloir. Je descendis les deux étages et arrivai dans le hall. Bien que je n’aie encore croisé âme qui vive, le bruit attira mon attention vers une petite porte en bois, dissimulée sous les escaliers. Elle était si lourde qu’il me fallut m’y reprendre à deux fois pour pouvoir l’ouvrir. Des escaliers taillés à même la roche, semblaient mener directement aux entrailles de la Terre.

- Excusez-moi ?

Personne ne me répondit alors je m’élançais dans l’obscurité. Cependant les voix qui braillaient devenaient plus distinctes à mesure que je m’en approchais. Je reconnu immédiatement celle de Joseph.

J’avançais, dorénavant, à pas de souris dans un petit couloir sombre, qui ressemblait davantage à un tunnel qu’à un couloir. Il y avait des infiltrations d’eau. Des gouttes tombaient de ci de là, m’arrosant au passage. Et mes pas résonnaient.

Le couloir débouchait sur une sorte de grotte naturelle plongée dans la lumière. Au milieu d’une salle, se tenait une sorte de cube en verre. Et, à l’intérieur, Joseph et Louis, habillés de la même combinaison en cuir que Shin portait la veille, semblaient s’affronter dans un corps à corps. J’avais d’abord tressailli avant de comprendre, au bout d’une seconde, qu’ils ne se battaient pas vraiment.

Je m’assis le long de la paroi, tentant de ne pas les déranger, et je les regardais, plongés dans cette danse particulière. Ils se déplaçaient à une vitesse incroyable, si bien que j’avais parfois un peu de mal à les suivre. Leurs combinaisons moulaient leur corps, tant et bien, quelles laissaient apparaître leurs muscles saillants. Ils se contractaient et se détendaient au gré de leurs mouvements. Et leurs mouvements d’ailleurs, étaient précis, nets, parfaits. J’étais obnubilée par un tel spectacle. Je n’aurais jamais imaginé qu’ils savaient si bien se battre.

Bien que cela n’ait rien d’évident à première vue, il me sembla que Louis avait un léger avantage. Cette impression fut validée lorsqu’il lança sa jambe qui vint frapper l’autre garçon à la tête et le cloua au sol. Le premier tendit la main à son ami :

- Voilà ce qui arrive quand on a les idées ailleurs !

- Je suis désolé, rétorqua le blondinet dans un sourire. Je ne sais pas ce qui m’a pris.

- Cela me semble évident, pourtant, répondit l’autre en m’adressant un signe de main.

Un peu gênée qu’il ait remarqué ma présence, je lui renvoyai le geste, l’accompagnant d’un demi-sourire.

- N’importe quoi, siffla Joseph en secouant la tête. Bon on y retourne ? ajouta-t-il, sans même m’adresser un regard.

Il s’élança à l’assaut de son ami. La danse majestueuse reprit de plus belle, entrecoupée de leurs rires et de leur chamaillerie.

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