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Ni Ellohira ni Gabriel ne parvinrent à trouver le sommeil cette nuit-là. Dès l'aube ils se retrouvèrent dans le salon où ils attendirent que le maître de maison se réveille. Ils avaient convenu avec lui qu'il les emmènerait à Azulimar à bord de son aéronef personnel. Il devait retourner au plus vite à bord du Nebu, toujours stationné dans la capitale d'Ernùn. Lorsqu'Elebrun trouva ses invités dans son salon, la mine inquiète, il devina sans effort qu'ils n'avaient pas passé une bonne nuit et qu'ils n'attendaient qu'une chose : rejoindre les leurs.

— Je fais immédiatement préparer mon vaisseau. Laissez-moi juste le temps d'avaler quelque chose et nous partons.

Quelques minutes après, le rénart et les deux sifis se retrouvèrent sur la pelouse du parc. Gabriel et Ellohira découvrirent la Flèche d'argent, l'aéronef d'Elebrun. Il était petit, mais magnifique, entièrement chromé, dépourvu du moindre ballon, élégant, élancé.

— Comment cet engin peut-il voler ? se demanda tout haut Gabriel.

L'engin semblait dépourvu de tout ce qui aurait pu le faire voler, ni aile, ni ballon, ni pale d'aucune sorte. Seulement des turbines, à en juger par le ronronnement. Il s'agissait là d'une fusée plus que d'un avion ou d'un ballon. Ils grimpèrent tous les trois à bord et, après avoir verrouillé la porte, Elebrun commença à pousser les turbines. L'engin se détacha doucement du sol, s'éleva dans les airs et commença son accélération. Gabriel fut soudain plaqué contre son siège. L'engin accélérait puissamment en vibrant légèrement.

— La vache ! s'exclama t-il, surpris.

— Il faudra que tu m'expliques certaines de tes expressions, lui dit Ellohira, interloquée.

Elebrun sourit.

— Surpris par la vélocité de mon petit bijou ? J'en suis très fier.

— Est-ce vous qui l'avez dessiné ? demanda Ellohira.

— Oui. J'en suis le concepteur. C'est pour cela que j'en suis si fier.

— Où s'arrêtent donc vos talents ? s'étonna Gabriel. Vous êtes pilote, officier et ingénieur.

Elebrun fit un geste désinvolte, mais la remarque lui fit plaisir, surtout venant d'un sifis.

— Seriez-vous aussi un bon pédagogue ?

— Pourquoi cela ?

— Je me demandais, si nous en avons un jour le loisir, si vous pourriez m'apprendre à piloter ?

— Gabriel ! Ce n'est pas le moment, je crois.

— Maître Nahir, votre élève me plaît ! Je serais ravi de t'apprendre à piloter, Gabriel. J'espère juste que nous vivrons tous assez longtemps pour voir le jour de ta première leçon.

La Flèche d'argent atteignit le mur en moins d'une heure. Le ciel semblait encore vibrer d'énergie, mais le soleil brillait et ils purent franchir la porte sans encombre. Un peu moins d'une heure plus tard, ils entraient dans le port aérien du palais d'Azulimar. Là, Elebrun parti de son côté, non sans avoir fait ses adieux aux deux jeunes sifis qui s'empressèrent d'entrer dans le palais afin de mettre la main sur un des membres de l'Ordre. Ils se rendirent directement dans les appartements habituellement réservés aux sifis. Ils croisèrent Marli et Eréline en chemin.

— Nous venons tout juste de rentrer, leur confia Eréline. On ne sait pas grand chose, mais vu l'agitation qui règne partout, Marli craint le pire.

— Tu n'as rien entendu de ton côté, Ello ? demanda Marli.

— Elebrun semblait en savoir plus. Une attaque du Clan, apparemment.

Marli jura en utilisant le langage de l'esprit. Eréline se boucha les oreilles et Gabriel eut la nausée. Le sens du mot lui avait échappé, traduisant sans doute les émotions de Marli un peu trop directement.

— On avait pas besoin de ça, pesta t-elle. Nous ne sommes pas prêts !

Elle poussa en même temps la porte des appartements leur étant réservés et resta figée en découvrant un visage inconnu.

— Thomas ! hurla Gabriel en se précipitant sur son frère.

Laissant les deux frangins savourer leurs retrouvailles, les autres tinrent conseil.

— Je suppose que toute cette agitation en ville n'est pas due à cette heureuse nouvelle, fit remarquer Marli.

— Le Clan va attaquer très bientôt. Une chance que nous ayons reporté notre voyage vers Nordhe, répondit Juena. Arpe lui tenait la main. C'était très inhabituel. Ils ne laissaient jamais rien voir de leur relation devant les autres. Ils firent signe à Eréline de les rejoindre. C'était un spectacle quelque peu effrayant, de voir des gens si puissant faire comme s'ils vivaient leurs derniers jours.

— Et pour lui ? demanda Nihyr.

— Je l'ai retrouvé à Rénartio, annonça Urfis avec un sourire en jetant un regard vers les deux frangins qui discutaient avec enthousiasme. Il a eu une arrivée encore plus difficile que son frère, mais il s'en est sorti. Les rénarts l'on retrouvé dans les décombres d'un convoi détruits par le Clan, il y a des semaines. Ils se sont occupés de lui.

— Pourquoi ne pas l'avoir signalé quand nous avons lancé un appel de recherche ?

— Les rénarts qui l'ont pris en charge vivaient à l'écart de la communauté. Ils n'en ont entendu parler que récemment. Ils ont prévenu aussitôt La Vigie, qui a prévenu Juena.

— C'est pour ça que nous avons reporté notre voyage, précisa Arpe. Entre-deux, Urfis nous à informé que sa mission n'avait plus lieu d'être. On soupçonne le troisième garçon d'avoir mis à mal la bande de salauds qu'on cherchait. Mais il reste introuvable. Autant ne pas leur en parler pour l'instant. Bref, du coup, ils sont revenus ici et moi j'ai été chercher le garçon.

— On sait quoi sur l'attaque ? demanda Nihyr, revenant à son inquiétude principale.

— Elle peut survenir ce soir, ou la semaine prochaine. C'est proche, mais savoir quand exactement...

Juena semblait abattue.

— Nous avons échoué, conclut-t-elle.

— Pas encore, sssurèrent Nihyr et Marli à l'unisson.

— Nous nous assurerons que leur défaite soit totale ou que leur victoire soit de courte durée ! assura Urfis.

Juena adressa un sourire à son vieil ami.

Ils n'avaient plus qu'à prendre patience et attendre.

Thomas fit le récit de ses aventures à son frère. Il avait repris connaissance après l'incident du hangar en plein milieu de nulle part. Un convoi minier l'avait récupéré dans une vaste plaine trois jours plus tard. Ce qu'ils se rappela ensuite fut assez flou. Il s'était assoupi dans un des véhicules, sorte de gros chariot tracté par une machine inconnue, lorsqu'un des membres du convoi, un grand type à la peau mate et aux yeux dorés, l'avait réveillé en lui interdisant de bouger d'un doigt. Il avait alors entendu un grand bruit, comme une explosion, suivit d'un rugissement surpuissant qui lui glaça le sang. Il entendit des cris juste avant d'être englouti dans les ténèbres. D'après ce qu'il avait compris en se réveillant, le chariot avait été renversé, écrasé, pulvérisé. Il devait sa survie à une incroyable chance et aux secours qui vinrent récupérer les deux seuls survivants. Lui-même et un rénart qui succomba quelques jours plus tard à ses blessures. Lui se remit étonnamment bien et commença à vivre avec un couple de rénarts. Mais sa convalescence avait tout de même pris des semaines.

— Je n'avais jamais vu une aussi belle femme ! commenta Thomas au passage. Par contre son mari... Mais il était très gentil. Il m'a appris plein de choses !

Il avait vécu là-bas tranquillement durant ces derniers mois. Puis un rénart du village vint leur dire que l'Ordre recherchait un jeune garçon, correspondant à sa description. L'homme fit donc envoyer un message à Azulimar et Urfis avait débarqué quelques jours plus tard, lui disant qu'il était temps de retrouver Gabriel.

— Alors je l'ai suivi, tu penses ! Et me voilà.

— T'as grandi, remarqua Gabriel.

En effet, Thomas avait grandi. Beaucoup grandit, même, et mesurait à présent dix bons centimètres de plus qu'avant. Il ne lui manquait plus grand chose pour rattraper son frère. Il avait aussi pris pas mal d'épaisseur. Le rénart l'avait fait travailler dur.

Juena les appela.

— Thomas, je suis désolée que vos retrouvailles se passent à un moment si dramatique. J'aurais préféré vous donner plus de temps, mais nous en manquons. Tu vas aller avec Urfis. Il va te tester pour voir si tu es un sifis, comme ton frère. Tu en a l'air, en tout cas.

— Il est hors de question qu'il se batte ! protesta Gabriel.

— Tu as raison, lui répondit Juena calmement. Toi non plus d'ailleurs.

— Quoi ?

— Tu n'as ni l'âge requis, ni les compétences. D'ailleurs, Nihyr et Ellohira vont s'occuper de toi durant quelques heures. Ils vont te corriger un peu.

— Bien, répondit Gabriel, conscient d'avoir ajouté inutilement un peu de pression sur les épaules de Juena. Excuse-moi.

— C'est déjà oublié, répondit Juena en souriant. Tu es un garçon bien, Gabriel. Et je sais que maintenant que tu as retrouvé ton frère, tout ce que tu veux c'est repartir chez toi. Mais mon principal souci pour le moment, c'est de vous garder en vie. Toi et ton frère, vous allez être évacués avec les civils dès ce soir. Eréline sera avec vous et Ellohira assurera votre sécurité.

Ellohira ouvrit la bouche pour protester, mais Juena la devança.

— Aucun d'eux n'est maître.

Gabriel compris. Son maître aussi sans doute. L'Ordre devait subsister à tout prix. Si aucun d'eux ne revenait, Ellohira deviendrait la dernière représentante des maîtres de l'Ordre sifis.

— Merci, murmura Ellohira, consciente de la marque de confiance que cela impliquait.

Ils se dispersèrent tous, chacun allant faire ce qu'on lui avait demandé. Gabriel fut soumis à une révision sévère des bases du combat. Thomas se montra presque aussi doué que son frère sous la houlette d'Urfis durant son initiation. Marli laissa Eréline avec ses parents et s'en alla en ville faire quelques préparatifs dont elle ne voulut rien dire à personne. Nihyr se chargeait de collecter toutes les informations possibles et prêtait assistance au régent et son conseil.

Très vite, il y eut une pluie de rapport venant de la Vigie signalant un grand nombre de dragons massés dans les collines, à quelques dizaines de kilomètres à l'ouest. À peine une heure avant la nuit, l'alerte résonna dans toute la ville. L'attaque arrivait, le soir même. L'évacuation fut anticipée de quelques heures. Ellohira se retrouva à veiller sur les élèves dans les halls gigantesques du palais, au milieu de milliers d'autres personnes. Les civils affluaient encore au palais tandis que l'armée se massait sur les remparts. Dans les tunnels sous la ville, des milliers de personnes se pressaient vers l'est et le salut : atteindre Torgar. Ellohira retrouva ses parents dans un des groupes de réfugiés et s'arrangea pour les faire partir immédiatement.

— Nous partirons avec le dernier groupe, annonça-t-elle à sa mère qui fondit en larmes.Ne t'inquiète pas, maman. Gabriel est avec moi. Ce gars pourrait venir à bout d'une armée entière de dragons. Va t'en maintenant.

Yhioan fut obligé d'arracher sa femme des bras de sa fille, la larme à l’œil. Lorsqu'Ellohira revint avec Eréline et les autres, elle faisait de son mieux pour ne pas pleurer elle aussi, comme tant d'autres. Mais elle était sifis, maître de l'Ordre. Elle n'avait pas le droit de craquer.

— Ça te ferait du bien de te lâcher un peu, lui souffla Gabriel en passant près d'elle. Je vais chercher à boire, ajouta t-il plus fort.

Tous ces gens présents dans les halls seraient-ils évacués à temps ? Ellohira fut obligé de s'interposer dans plusieurs disputes qui éclatèrent dans les groupes. La seule présence des sifis dans le dernier groupe suffisait à maintenir un certain calme. Qui donc pouvait vaincre les Chasseurs de dragons ?

Sur les remparts, les soldats, les magiciens, les lanceurs de feu, les Foudroyants, les sifis et tous les défenseurs de la cité attendaient le début de la bataille. Au loin, ils voyaient déjà les longs jets de flammes bleues que les dragons vomissaient dans le ciel d'un noir d'encre. Les rugissements formidables des créatures leur parvenaient, malgré la distance.

Tout commença soudainement. D'immenses silhouettes prirent leur envol au loin et fondirent sur la cité. D'abord dix, puis vingt, puis cent. Se furent plus de cent dragons qui vinrent pour la première vague.

Les murs d'Azulimar n'avaient cependant pas été faits si hauts pour rien, les dragons ne parvenaient que difficilement à se maintenir à une altitude si élevée. Ceux qui y parvenaient tombaient sous les coups des défenseurs de la cité, abrités derrière le Sceau qui crépitait furieusement. Lançant éclairs, flammes et air glacé, les combattants tentaient coûte que coûte de faire chuter les dragons en les privant de leurs ailes. Certaines des bêtes parvinrent à se hisser au-dessus de la cité, crachant leurs flammes glacées, griffant, frappant afin de briser le bouclier d'énergie. Le Sceau tint bon cependant, libérant parfois des éclairs sur ses assaillants. Un groupe de dragons particulièrement imposants parvint à se hisser au-dessus de la ville, prenant le relais de leurs congénères foudroyés. Le Sceau commença à faiblir.

Lorsqu'il se brisa dans un fracas assourdissant, plus de soixante dragons avaient été tués. Quelques autres, désormais incapables de voler, s'acharnaient sur les portes, des kilomètres plus bas.

Ce fut une déferlante de mort qui vint s’abattre sur les remparts. Les dragons s'accrochèrent aux rebords, prirent pied sur le chemin de ronde et balayèrent tout sur leur passage. Des dizaines de malheureux furent projetés dans les airs, promis à une mort certaine après de très longues secondes de chute. Tout cela sans parler des ravages que causa la dépressurisation due à la disparition du Grand Sceau.

Plusieurs dragons commencèrent à piquer vers la ville. Ils furent accueillis par une nouvelle vague de défenseurs prêts à en découdre.

Le premier cercle fut bientôt jonché de cadavres par centaines. Les sifis faisaient de leur mieux, encore sur les remparts, accompagnés de quelques mages et de la cohorte des lanceurs de feu, sous les ordres de Wort. Lorsque la situation sembla perdue à Juena, elle ordonna la retraite. Tous les survivants se jetèrent alors dans les issues qu'ils condamnèrent derrière eux, puis ils commencèrent à descendre pour regagner le sol.

Nihyr avait entendu le signal de retraite. Mais d'un coup d’œil, il vit qu'il s'était trop éloigné, il était seul et venait de mettre un terme à la vie d'un dragon dont le corps bascula dans le vide. Un autre, bien vivant, passa au-dessus des murailles. Après avoir fait signe à Juena de condamner l'issue, il sauta dans le vide à la suite du dragon. Il le rattrapa, décapita le cavalier har-lin sur son dos et enfonça son sabre à l'arrière du crâne de la bête qui commença alors à chuter de plus en plus vite, mort. Il fallut toutes ses ressources à Nihyr pour effectuer un bond qui l'amena sur le dos d'un autre dragon. Il lui fallait à présent en découdre avec le cavalier qui s'avéra coriace. Le dragon continuait de descendre, mais il se trouvait encore très haut lorsque Nihyr parvint à tuer son adversaire. Le dragon commença alors aussitôt à remonter. Le sifis se précipita vers la tête du monstre et lui sectionna la colonne vertébrale. La bête désormais paralysée commença à chuter. Nihyr fut éjecté du corps par un premier choc, lorsque le dragon s'écrasa violemment contre le rempart du second cercle. Il se trouvait alors encore à près d'un kilomètre du sol.

Nihyr rengaina, se concentra et fit circuler l'air autour de lui de plus en plus vite. Il parvint à ralentir légèrement sa chute et lorsqu'il parvint à hauteur des plus hauts bâtiments, il s'empressa d'orienter sa chute vers un mur. Il dégaina deux solides lames d'acier azuré qu'il planta dans un mur de pierre. Le choc lui arracha un cri de douleur, mais il tint bon. Toujours concentré, il parvint à ralentir encore un peu sa chute avant de regagner violemment le sol. Un craquement lui indiqua qu'il s'était brisé la jambe. Il avait sans doute les muscles des bras déchirés, les poignets brisés ainsi que six côtes cassées au moins. Il se glissa dans un renfoncement avec le peu de force qu'il lui restait et commença à guérir ses blessures.

Dans les halls du palais, il ne restait plus que trois groupes à partir. Le dernier, celui dans lequel se trouvaient les quatre sifis, se tenait prêt. Le départ était proche. Lorsqu'on leur fit enfin savoir qu'ils pouvaient s'engager dans le passage, tous poussèrent un soupir de soulagement. Juste avant qu'ils ne s'enfoncent dans les profondeurs du palais, un groupe de soldats blessés se joignit à eux.

— Quelles nouvelles de la bataille ? demanda Ellohira à l'un d'eux.

— Les dragons sont encore plus nombreux que prévu, maître. Le Sceau est tombé et le premier cercle est ravagé. Mais beaucoup de ces saloperies sont mortes.

Le soldat avait l'air de croire que la ville pourrait tenir. Cela eut un effet bénéfique sur le groupe qui s'engagea dans un large tunnel.

— Dépêchez-vous ! cria Ellohira. Nous avons plusieurs kilomètres à faire avant d'atteindre la forêt.

Le groupe accéléra le pas. Ellohira s'adressa tout bas au soldat.

— Merci.

Il afficha soudain une mine grave.

— C'est mon devoir de paraître optimiste devant les autres. Maître, j'espère juste que beaucoup des nôtres parviendront à s'échapper. Je sais déjà que tout est perdu.

À la surface, le combat faisait rage dans le premier et le second cercle ainsi qu'aux faîtes des murailles. Les portes de la ville cédèrent et la retraite vers le troisième cercle fut ordonnée. Une armée noire entra dans la ville, un immense dragon aux écailles noires à sa tête : Rakrargat, le seigneur dragon du Clan, le mâle le plus puissant. Sur son dos trônait le Seigneur du Clan, un har-lin plus grand que tous les autres, armé d'une épée de taille invraisemblable.

Cachée dans un immeuble proche, Marli l'observa faire son entrée. Il était si sûr de lui, cet immonde conquérant. Le dragon comme son cavalier, elle devait les tuer. Sur son passage, le dragon brisait les immeubles le long de l'avenue, trop étroite pour son corps massif. Lorsqu'il arriva à hauteur de celui où Marli se tenait dissimulée, il balança sa queue contre la base de l'édifice qui s'écroula. Il venait sans le savoir de déclencher un piège mortel. Parmi les décombres tomba Marli, sabre au clair, concentrée et déterminée. Elle atterrit sur le dos du dragon, souple comme un chat, fit tournoyer son sabre qui vint se heurter à la lame gigantesque du har-lin. Il avait réagi extrêmement vite. La créature eut un sourire cruel qui dévoila ses dents couleur d'acier.

— Tu as échoué, croassa-t-il d'une voix sourde, un horrible rictus accroché aux lèvres.

D'une secousse, Marli le fit reculer et lui assena un coup terrible, qu'il para mais qui le projeta à bas de sa monture. Rakrargat se redressa aussitôt sur ses pattes arrières en rugissant, faisant trembler toute la ville. Marli sauta. Elle allait atteindre en partie son but, tuer le dragon, lorsque son cavalier revint à la charge, l'expulsant violemment. Marli eut néanmoins le temps de porter un coup au dragon, juste à la base de l'aile. Rugissant de plus belle, le dragon se déchaîna contre les bâtiments entre lesquels la sifis s'était enfuie.

— Retrouvez-la et tuez-la ! ordonna le har-lin, furieux. Tuez tout ce qui respire encore dans cette cité !

Marli fut contrainte de jouer au chat et à la souris pendant quelques minutes interminables durant lesquelles elle échappa à la mort deux fois. Elle parvint cependant à regagner une issue qu'elle condamna derrière elle. Durant sa fuite, trois hommes-dragons avaient trouvé la mort. Elle s'en tirait avec une vilaine plaie à la tête et une non moins vilaine blessure dans le dos. Elle parcourut plusieurs centaines de mètres sous terre, puis arriva à une intersection où elle retrouva plusieurs survivants.

— Ne traînez pas. Ils ne sont pas loin et nous ne leur échapperons pas en nous enterrant. Ce sont des fouisseurs.

— Ce malheureux ne bougera pas tant que je ne l'aurais pas soigné ! protesta un médecin.

— C'est un peu moins de chance pour lui, ou plus aucune chance pour aucun d'entre vous. Faites ce que vous pouvez en route.

Plus loin, dans une salle un peu plus vaste où débouchaient de nombreux tunnels, Marli retrouva Juena, Urfis et Arpe.

— Où est Nihyr ? demanda-t-elle.

Juena secoua la tête tristement.

— Aucune nouvelle depuis le rempart. Il n'a pas pu regagner une issue et à préféré tenter un saut dans le vide.

Marli profita d'une courte pause pour refermer ses blessures. Arpe avait la jambe en sang et ne parvenait pas à refermer sa plaie, une entaille dans la cuisse droite d'une trentaine de centimètre de long. Il semblait souffrir le martyre.

— Qu'on t-ils encore inventé ? se morfondit Juena.

Le groupe, d'une centaine de personnes, continua son chemin vers le palais, faisant s'effondrer les tunnels derrière eux.

Ils parvinrent à une salle, située sous le palais. Ils furent contraints de remonter à la surface avant d'emprunter le passage vers la forêt. D'autres survivants les avaient précédés, d'autres les suivaient.

À l'extérieur, une seconde vague de dragons se rua sur la ville. Certains de ne plus rencontrer de résistance, ils ne prirent pas garde à l'ombre qui sortit d'un gros nuage au-dessus d'eux. Le Nebu, Elebrun aux commandes, accompagné de quatre autres aéronefs de classe supérieure, commença à les bombarder de sphères de métal en fusion. Des soixante-dix dragons de cette seconde vague, douze seulement parvinrent à entrer en ville. Les vaisseaux bombardèrent l'entrée jusqu'à ce qu'ils n'aient plus de munitions. Les portes se trouvaient maintenant encombrées d'une masse de métal incandescent qui bouchait presque entièrement le passage. Le Nebu et son escorte se dirigèrent alors vers Torgar, poursuivis par une vingtaine de dragons. Deux vaisseaux furent détruits, le Nebu fut endommagé, mais parvint à s'enfuir. Des poursuivants ailés, seuls deux furent abattus.

Malgré les lourdes pertes infligées au Clan, la défaite des hommes était indiscutable.

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