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Gabriel dormi comme un loir, loin d'avoir été impressionné par la tirade de son maître. Il fut réveillé un peu trop tôt à son goût. Nihyr commençait fort.

— Presse-toi ! Dans cinq minutes je te veux en bas, habillé et prêt à partir.

— Et mon p'tit déj ? demanda Gabriel, encore à moitié endormi.

— Cinq minutes !

Il se leva d'un bond, enfila son uniforme et englouti son petit déjeuner dans le temps imparti. Nihyr l’emmena alors au dehors. Ils traversèrent les rues encore endormies, prenant la direction du palais. Ils traversèrent le quartier de la deuxième Garnison, déjà éveillé. Ils arrivèrent ensuite dans le quartier résidentiel numéro deux. Plus vaste et plus cossu que celui où vivaient les parents d'Ellohira. Nihyr suivit une large avenue pendant de longues minutes de marche, puis en emprunta une autre, sur la droite, encore plus large. Les bâtiments sur les côtés comptaient tous au moins trente étages, reliés parfois les uns aux autres par des passerelles translucides. L'immensité de la muraille d'acier bloquait tout le reste du champ de vision. Une porte identique, en hauteur et en largeur, à la monumentale porte d'entrée de la ville se dressait en travers du chemin. Nihyr et Gabriel se trouvaient à présent au pied de la muraille.

— Que fait-on maintenant ? demanda Gabriel.

— Nous attendons. Ça ne devrait pas être long.

Une ou deux personnes attendaient déjà. Quelques autres suivirent. Le premier rayon de soleil vint alors frapper le sommet de la muraille. Le formidable son de cloche ne se fit pas attendre et résonna dans toute la cité. La porte coulissa, révélant une douzaine de gardes lourdement armés. Ils formèrent une ligne infranchissable en travers de l'ouverture.

— Formez une file d'attente et veuillez patienter.

Ordre inutile, sans doute répété chaque matin comme une sorte de rituel. Dès que le son de cloche s'était fait entendre, tout ceux qui attendaient s'étaient sagement rangés en une file bien ordonnée. Tous sauf Nihyr et Gabriel. Un des gardes les remarqua et leur fit signe d'approcher.

— Monseigneur, dit-il, veuillez attendre une minute, que le secrétaire arrive pour enregistrer votre entrée, je vous prie. Ce ne sera pas long.

Un homme de petite taille, assez enveloppé, portant une moustache touffue et des cheveux frisés, arriva peu après. Il s'installa devant un grand bureau installé derrière la porte. Les gardes changèrent alors de position, formant un cordon de sécurité menant à la cabine. Nihyr fit signe au gros moustachu qui l'invita immédiatement à entrer d'un geste respectueux. Il griffonna quelque chose sur son registre.

— Excusez-moi ! s'exclama-t-il presque aussitôt.

— Oui ?

— Je ne me rappelle pas avoir déjà vu ce visage. C'est une nouvelle recrue de l'Ordre ?

— Absolument. Veuillez m'excuser, j'avais autre chose en tête. Gabriel, va lui donner ton nom. Il s'en contentera.

Gabriel marcha vers la cabine, déclina son identité et fut autorisé à entrer. Il s'étonna de la simplicité de la chose.

— Dans mon monde, la moindre formalité prend bien plus de temps.

— Ton monde doit être usant.

— Tu n'as pas idée, soupira le jeune homme.

Ils traversèrent le tunnel. Gabriel découvrit alors le palais et en eut le souffle coupé. Il fut incapable d'émettre le moindre son, de faire le moindre mouvement, pendant une minute entière. Dès que le choc fut passé, il rattrapa Nihyr sur la large route pavée. Ils pénétrèrent dans un hall gigantesque. Des colonnes, simples mais d'une hauteur ahurissante, soutenaient une voûte qui culminait à une centaine de mètres. À droite comme à gauche, de nombreuses portes surmontées d'écriteaux s'ouvraient sur de vastes bureaux dans lesquels s'affairaient déjà des fonctionnaires. Tout au fond du hall, de nombreux tubes transparents s'élevaient contre le mur et disparaissaient au travers du plafond. Nihyr se dirigea vers l'un de ces tubes et y entra. Gabriel se glissa à ses côtés. Ils se trouvaient sur une plate-forme circulaire d'un noir mat, large de deux mètres et demi.

— Si jamais tu as à utiliser ça tout seul, dit Nihyr, il te suffit de penser très fort « monte » pour le mettre en marche. Une fois arrivé à l'étage souhaité, pense « merci » et il s’arrêtera. Tu peux aussi lui demander directement l'étage que tu souhaite.

Sur ce, Nihyr ordonna en pensée à l'ascenseur de s'élever et fut immédiatement écouté. Arrivé vingt étages plus haut, l'ascenseur s'arrêta. Nihyr sorti, Gabriel sur les talons. La plate-forme disparu aussitôt après, l'ouverture du tube disparut.

— Suis-moi. Nous nous rendons dans nos appartements.

— Nos appartements ? s'étonna Gabriel, l'air ahuri.

— Je ne voulais pas abuser plus longtemps de l'hospitalité des Nahir. Virestë se serait fait une joie de nous accueillir plus longtemps, bien sûr. Mais ils ont le droit de rester un peu seuls avec leur fille.

— Je n'ai pas pris mes affaires, signala Gabriel.

— Moi non plus, figure-toi. J'irai les chercher plus tard. Je ne voulais pas perdre de temps sur la séance de ce matin et te secouer un peu.

Nihyr poussa une porte à deux battants, révélant une pièce presque circulaire, assez vaste.

— Ici, c'est le salon. Les portes à droite, ce sont les chambres. À gauche il y a la cuisine, ici le coin repas, et là-bas, la salle d'eau. Et plus important : la salle d'entraînement.

Nihyr permit à Gabriel de jeter un rapide coup d'œil. Les chambres, vastes, bien aménagées, étaient au nombre de quatre et pouvaient accueillir un couple chacune. Les cuisines étaient dignes d'un grand restaurant, le « coin repas » relevait plus d'une salle de gala. La salle de bain paraissait anormalement petite, munie tout de même d'une grande baignoire circulaire. Signalant cette étrangeté, Gabriel s'entendit répondre que chaque chambre disposait d'une salle d'eau à elle. Il ouvrit les épais rideaux qui masquaient une magnifique baie vitrée incurvée. Puis ils se rendirent dans la salle d'entraînement, une grande salle sans aucun meuble. Là aussi, une baie vitrée permettait de voir à l'extérieur. Commença alors l'entraînement. Gabriel fut surpris par la difficulté des exercices que lui imposa son maître. Avant la fin de la première heure, il se sentait déjà fatigué. À la fin de la seconde, il était épuisé. S'ensuivirent méditation, entraînement au combat, nouveaux exercices de concentration et de démonstration de force. Jamais Nihyr ne s'était montré aussi dur ni aussi inflexible. Aucune pause ne fut accordée avant le déjeuner. Gabriel s'écroula alors sur une chaise, dans l'espoir de se faire servir.

— Je vais chercher nos affaires. J'en ai pour un moment. Bois beaucoup et fais-toi à manger. Nous reprendrons dès mon retour.

Gabriel fit une grimace, se leva difficilement et se rendit dans la cuisine. Il engloutit un litre d'eau en quelques secondes avant de se préparer un repas de roi.

Après le retour de Nihyr, l'entraînement repris, toujours aussi intense. Lorsque la soirée fut enfin là, celui-ci reçut la visite d'un officier qui le convia à se rendre à une réunion importante avec le régent. Gabriel en profita pour se reposer, tandis que son maître remplissait ses obligations.

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