Jour 14 - Clock || Horloge

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— Bon, Gabriel, tu ne vas quand même pas nous faire le coup à chaque fois. Couche-toi ou bien suit, mais arrête de nous ralentir. C'est vraiment lourd à la fin. Grogna l'homme à sa droite.


Gabriel se laissa aller à soupirer devant la tablée. Il connait Henri depuis quelques années maintenant et il savait que le colosse aux défenses visible n'était pas quelqu'un d'agressif, il grognait beaucoup, mais s'était sa façon bien à lui d'encourager.


— Je suis... Souffla l'homme dont le physique donnait à penser qu'il venait tout juste de dépasser la vingtaine.


Pourtant, Gabriel allait plutôt sur ses trente ans. Il y avait tout de même quelques avantages à être une créature immortelle. Voir son apparence se dégrader plus lentement en était un. Au final, Gabriel n'y accordait que peu d'importance. Il essayait de profiter au maximum de son temps d'humanité... Même si ce soir la table n'accueillait que des joueurs de poker Fées, Gabriel savait parfaitement se fondre dans le monde des humains.


Encore une nouvelle main qu'il remportait. Avec un léger sourire victorieux, il ramassa les jetons sans fanfaronner. Se moquer ou se mettre en avant était bon pour les amateurs. Le vampire jouait au poker depuis trop longtemps pour oublier de ne pas sous-estimer ses adversaires.


L'horloge sonna minuit. Ce son était désagréable aux oreilles de l'immortel et il grimaça sans pouvoir s'en empêcher. Cela fit naître un petit sourire amusé chez plusieurs autres participants. Minuit. Il était donc si tard ? Gabriel n'aimait pas les horloges, elles lui rappelaient trop le temps qui passait. Surtout qu'une fois qu'elle sonnait, l'homme n'entendait plus que cela.

Le tic-tac lourd des aiguilles à chaque seconde le perdait dans ses pensées autant que cela lui rongeait les nerfs au fur et à mesure. Tant et si bien que la main suivante, il ne fut plus assez concentré pour observer ses adversaires.

Fichue horloge !


Même s'il y laissa des plumes, Gabriel continua de jouer jusqu'à n'avoir plus qu'une poignée de jetons. À nouveau, l'horloge signalait un changement d'heure. Le vampire fusillait maintenant l'objet du regard. Il était trois heures du matin. Il se leva avec lenteur avant que l'on redistribue les cartes.


— Tellement triste de voir que les immortels sont des gens si frileux ! Lança une autre créature à l'autre bout de la table lorsque Gabriel se leva de sa chaise.


L'homme ne prit pas mal la remarque, il s'amusa même de la pique envoyée.


— Il faut croire que même les immortels ont besoin de gagner leur vie. J'ai une vie qui m'attend une fois le soleil levé, moi... Répliqua le vampire en souriant à demi.


Ses mots firent mouches et la plupart des hommes autour de la table se moquèrent de Malory. En effet, Malory était un être misanthrope qui vivait généralement reclus à composer de la musique underground.

Pour seule réponse, Malory offrit la vision d'un majeur.


Sur ce geste obscène, Gabriel quitta enfin la tablée.


L'air parisien était frais et sentait la pisse d'ivrogne. Le vampire aurait pu s'en passer. Cependant, il appréciait trop son quotidien pour chercher à retourner vivre dans les catacombes. De plus, son logement était vraiment bien situé par rapport au lycée dans lequel il enseignait la philosophie. En à peine dix minutes à pied, Il se trouvait sur son lieu de travail. Il aurait difficilement pu faire mieux.


Lorsqu'il arriva dans sa petite cuisine, l'heure affichée au micro-onde indiquait qu'il s'était écoulé trente minutes depuis qu'il avait quitté ses compagnons de jeux. Gabriel soupira profondément. Sa nuit allait être courte... Et encore, il faudrait qu'il arrive à trouver le sommeil rapidement.

Il ignorait encore pourquoi prendre conscience du temps qui passait le rendait si tendu. Il n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. Ho il savait bien qu'avec le temps les créatures mortelles qu'il côtoyait finiraient par devenir des tas de poussières. Mais au fond de lui, il savait que son agacement mêlé de peur avait une seconde origine.

Les yeux grands ouverts alors qu'il était allongé dans son lit, il n'entendait rien dans son appartement. À part peut-être la respiration lente et régulière de Blanche, sa chatte couchée dans son petit panier. Pas de tic-tac, pas d'horloge... et pourtant, le temps continuait de filer. Le soleil se lèverait bientôt. Il le sentait dans ses tripes.

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