5 - La Forêt

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Dans le long cri du vent glacé, ils se perdent le lendemain, arpentant cette mer d’opale qui ne dessine de vagues que leurs traces de pas : un collier de morsures d’ombre. Ils vont ensuite par une forêt noire jusqu’aux cimes, et suivent quelques ruisseaux gelés qui serpentent comme des racines folles, au loin dans l’horizon profond, jusqu’à cette prairie immense et immaculée : un drapé blanc, à perte de vue.

« Voilà, nous y sommes ! Célio, fais le vide en toi, respire cet air et laisse-toi aller à ses mouvements, comme une danse. Ces mouvements d’air, tu les garderas en toi, en mémoire jusqu’au soir : ils insuffleront tes mots !

- Mais si je ne veux pas parler de la nature, grand maître, que vais-je faire de cet air ?

- Tu le verras par toi-même ! Ce que tu cherches là, ce n’est pas que la nature t’inspire, mais qu’elle te mène à Toi, ton Toi profond, à ce que tu es à l’intérieur, et c’est cela qui te permettra de développer ta voix, ce que tu seras en tant qu’auteur : l’écoute du monde. Et pas les livres, qui ne sont que des reflets, et la voix des autres. Des miroirs dans lesquels tu ne dois pas te refléter, au risque de te perdre. Jamais ta voix n’en sortira ! Autrement dit, faire table rase pour être soi, évacuer l’autre pour n’être que soi-même. Cela commence ici, et maintenant. »

Bien que les mots de son mentor soient clairs, précis, et qu’il les comprenne, Célio ne croit rien de cette vision fantasque qui est sûrement celle d’un fou. Ne pas lire, pour écrire ? Ce serait comme demander à un aveugle de traverser une rue bondée sans se cogner. Voilà ce qu’il retient, Célio, des dires de son maître : un unique fragment. Célio, malgré son intelligence, n’est pas prêt. Il ne sait pas écouter : ni son maître, ni l’artiste qui sommeille en lui.

Malgré tout, le jeune homme s’efforce de suivre la parole de son mentor, sans même la contester. Il inspire cet air qui lui déchire les poumons, mais son esprit toujours dérive vers moult considérations : ce que sera son œuvre au soir, lorsqu’il pourra enfin se saisir d’une plume, ce que sera son œuvre au fil des mois, et ce qu’il en adviendra une fois lâchée dans la nature telle une colombe, plus pure encore que cette neige infinie.

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