Une route pour la réincarnation

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 Le soleil se lève sur les monts qui entourent, de par leurs pics enneigés, le village de Gravice. Le relief, semblable à une immense muraille de pierre, efface toute horizon. Même le vent peine à s'engouffrer dans la vallée. C'est le lieu parfait pour se cacher, et le l'endroit idéal pour se sentir enfermé. Du moins, est-ce mon avis.

 Je me nomme Frandolen, mais au village tout le monde m'appelle Frann'. C'est simple, court, comme le ciel de Gravice. J'aimerais pouvoir dire qui je suis avec précision, en revanche, j'en suis incapable. Il y a de cela quelques mois, j'ai perdu la mémoire. Des villageois m'ont trouvé dans les montagnes, plus précisément : au pied d'un arc-en-ciel. Malheureusement pour eux, ce ne fut pas une marmite pleine d'or qu'ils trouvèrent, mais une jeune femme aux cheveux blancs.

 D'après ceux qui m'ont ramené, je serais un esprit errant. Une personne ayant échouée à faire sa réincarnation. Mine de rien, il y a beaucoup de gens comme moi dans ce monde. Ce que l'on ne dit pas, c'est qu'ils disparaissent rapidement s'ils n'ont pas trouvé de travail. Pour éviter que ce genre de choses m'arrive, j'ai accepté un boulot en tant qu'apprentie. Cependant, je ne nie pas le fait que je préfère la paresse au labeur.

  • Ah te voilà ! Qu'est-ce que tu fais ici ?! JE TE CHERCHE PARTOUT !

Mon corps se cabre soudainement à l'écoute de ces paroles, les mains fermement posées sur mes oreilles. Autre chose que l'on ne dit pas : les esprits errants ressentent toutes sortes de sensations physiques dès l'instant où ils sont embauchés.

  • Mon ouïe , ma précieuse ouïe , rendez la moi. supplié-je le dos rond.
  • La grande Chimère te donnera ce que tu voudras si tu travailles. VIENS ! hurle mon tortionnaire en me traînant par le col.

La personne qui me crie dans les oreilles est Antoine, un fossoyeur du village. Intérieurement, je le surnomme : les cordes montagneuses. Pour la simple et bonne raison que sa voix, si forte et désagréable, se fait entendre dans toute la vallée. Je suis sûre qu'avec de l'entrainement, il sera capable de faire trembler la terre.

 La relation que j'ai avec lui est toute simple : nous sommes des semblables. Antoine est lui aussi un esprit errant, mais considéré comme étant de rang supérieur grâce à son emploi stable. Dans ce monde, un CDI, c'est le saint Graal ! Le travail t'empêche de disparaître, et t'octroie la protection de la grande Chimère, divinité de ce monde peuplé de monstres.

  • Là ! Aide moi à creuser ces trous ! ET QUE ÇA SAUTE !

Je repositionne mes mains contre mes oreilles. Vraiment, je me demande si ce gars est capable de chuchoter. Je soupire, prend une pelle puis commence mon travail à contrecœur .

 Gravice est un village dédié aux morts. Sa population contient des faucheurs et des fossoyeurs. Dans nos cimetières, ce sont surtout les humains qui sont enterrés. Victimes d'une guerre passée contre les monstres. Désormais, cette espèce est considérée comme disparue. D'après certains villageois, je serais le fantôme de l'un d'entre eux, tout comme Antoine. Ce qui explique notre apparence très humaine. Et pourtant, ce genre de rumeurs ne m'atteint pas. Qu'importe mon passé, c'est le présent qui compte. Si seulement, tout le monde pouvait penser comme ça.

  • Qu'est-ce que tu faisais à rêvasser ?! demande Antoine entre deux coups de pelle.

Ah, si seulement tu pouvais enlever les points d'exclamation qui se mettent systématiquement à la fin de tes phrases.

  • Je cherchais un arc-en-ciel, je voulais en voir un, répliqué-je en essayant de me concentrer sur le travail.
  • Pourquoi en chercher un ?! TU COMPTES TE RÉINCARNER ?!

Ça a y est, je les sens. Mes premiers acouphènes de la journée.

 Ici, à Gravice, une légende est ancrée dans l'histoire du village. Les arcs-en-ciel sont les escaliers vers l'outre monde. Cela explique peut-être pourquoi les esprits errants apparaissent à leur pied. Qui sait ? Il se peut que nous soyons tombés après avoir loupé une marche lors de notre ascension. Pour ma part ça ne m'étonnerais pas.

  • Non, je cherchais juste à voir quelque chose d'intéressant.

Il faut dire que ce village est ennuyeux. Après tout, rien ne s'y passe. Les arcs-en-ciel sont, au moins, la seule chose incroyable ici. Alors quitte à ne rien faire, autant que j'en vois un.

 Je lâche un soupir, exténuée par l'effort de ma tâche. Le trou que j'ai creusé suffit à peine à enterrer un nouveau-né. Ce n'est pas bon ! Je dois me concentrer sur le travail où Antoine risque de me rendre sourde. D'ailleurs, il ne m'a pas répondu. D'habitude, il serait du genre à me hurler dessus pour me dire à quel point ce village est adorable, qu'on s'y sent bien, et caetera.

 Je jette un regard furtif à l'attention du fossoyeur. Celui-ci se met à soupirer en regardant une tombe au fond du cimetière. La tristesse peint ses iris couleur terre de sienne, donnant naissance à une lueur mélancolique. C'est étrange, Antoine est habituellement plein d'entrain, la joie toujours plaquée sur son visage. Je dois dire que c'est intéressant, je vois enfin une autre facette de lui après tout ce temps à travailler ensemble.

  • Un souci ? demandé-je au fossoyeur.

Mes paroles le font sursauter, un sourire gêné prend place sur ses lèvres.

  • M-M-MOI ?! Non, HA HA !

Je plante mes auriculaires dans mes oreilles en grimaçant. Si seulement, il n'avait pas ce défaut !

  • Pourtant, tu regardais cette tombe d'un air triste, dis-je avec innocence.

Son expression change à l'écoute de mes paroles. La tristesse prend de nouveau place sur son regard.

  • Frann', tu... Tu n'as aucune souvenir, pas vrai ?!
  • Non, pas le moindre, dis-je les doigts dans les oreilles.
  • Je vois... ! tente de marmonner Antoine. Ce n'est pas grave, reprenons le travail !

Le fossoyeur saisi sa pelle d'un air distrait. Il espère pouvoir mettre fin à la discussion. Quel dommage que je sois du genre tenace.

  • Toi, tu t'en rappelles ? demandé-je furtivement.

Mon collègue arrête son excavation en déglutissant. Son regard se pose à nouveau sur la tombe.

  • Je me souviens de tout !

C'est étonnant, je me surprends moi-même à être intéressée par le passé d'Antoine. Jusque-là, j'avais passé mon temps à le fuir, lui et sa grande voix. Après tout, le travail forcé qu'il me propose ne m'intéresse guère. Et pourtant, je ne m'étais pas rendu compte à quel point mon collègue pouvait présenter une source d'intérêt. Je me demande comment ça se passe pour les esprits ayant tous leurs souvenirs.

  • Cela à un rapport avec cette tombe ? Qui se trouve dedans ?

Évidemment, je me connais. Je suis incapable de dire honnêtement ce que je pense. Je suis le genre de personne à porter attention à peu de choses. Et inconciemment, je me suis mise en tête que les gens devaient penser la même à mon sujet.

 Mon regard se concentre sur le fossoyeur, qui semble dévasté par ma question. Ses ongles se plantent dans le manche de sa pelle.

  • Ma petite-amie ! crie-t-il en tremblant.

L'étonnement prend place sur mon visage. Mes membres sont paralysés, absorbé dans la fascination que m'offre cette personne. Dire que pendant tout ce temps, je cherchais de l'occupation dans cet ennuyeux village. Ce que je voulais se trouve juste sous mon nez. Actuellement, je ne peux que me sentir affamée par la curiosité. Je veux savoir, toi qui a des souvenirs, je t'en prie, partage les moi !

  • Comment cela est-il arrivé ? l'interrogé-je sans détacher une seule seconde mon regard de lui.

Sans attendre, Antoine jette sa pelle sur le côté. Son regard marron, habillé d'une lueur décidée, me fait face.

  • Suis-moi ! Allons dans un endroit plus éloigné !

Le fossoyeur m'attrape la main puis m'emmène vers les montagnes. Je lâche un soupir en abandonnant ma pelle. Si vraiment, il voulait parler en privé, il n'avait qu'à arrêter de crier.

 Antoine termine sa course devant un petit sentier qui traverse les montagnes, le seul chemin qui permet de quitter Gravice. L'avantage que présente ce lieu est la présence d'épicéas, nous offrant une certaine discrétion des regards extérieurs.

  • Tu étais obligé d'aller jusque-là ? Si tu faisais un effort pour parler moins fort, alors...
  • Je ne peux pas !
  • Pardon ? dis-je en haussant les sourcils.
  • J'ai dit que je ne pouvais pas arrêter de crier ! Frann', s'exclame-t-il en me prenant par les épaules, toi qui est amnésique, tu ne le sais peut-être pas mais, c'est naturel chez nous !

L'étonnement et l'incompréhension prennent davantage de place sur mes traits. Antoine continue après un soupir.

  • Je me rappelle de tout ! J'étais humain avant, et même maintenant au plus profond de mon cœur ! Si je hurle tout le temps, c'est parce que je suis mort de cette manière !

Voilà qui est intéressant ! Jamais je ne me serais attendue à une telle chose. Même si, quand on y repense, ce n'est pas si étonnant. Après tout, Antoine est un défunt.

  • Pourquoi hurlais-tu durant ta mort ? Tu t'amusais à faire l'écho dans les montagnes avec ta copine et tu as glissé ? proposé-je avec nonchalance.

Remarque, cela ne m'étonnerais pas qu'un tel dénouement se soit produit. Après tout, c'est ainsi qu'est faite la vie. Un oiseau meurt bien sous l'impact d'une vitre, un escargot sous un pied maladroit, et les herbes arrachées par la langue baveuse d'une vache.

 C'est toujours quelque chose dont j'ai eu du mal avec les gens du village. Mes voisines espèrent vivre une vie comme dans les romans. Un amour passionné, une fin héroïque. Alors que tout ceci n'est qu'utopie ! Dans la vie, tu meurs de manière ridicule et c'est normal ! Tu te fais abuser par un mari immonde qui n'aura jamais le moindre charme et c'est triste, mais commun !

 Si vraiment, j'étais dans une histoire à deux balles ayant pour but de faire pleurer la galerie, l'histoire d'Antoine serait bien plus émouvante que ma proposition. Vraiment, quel dommage ! La vie n'est pas aussi belle et poétique qu'on le voudrait.

  • Ce jour-là, je m'apprêtais à faire ma déclaration de mariage ! Quand tout à coup, un incendie s'est déclaré ! J'ai eu beau fouiller, je ne trouvais pas mon amoureuse, j'ai donc crié son nom encore et encore dans le but qu'elle me réponde !

Un instant, quoi ?

  • Des gobelins étaient responsables de la catastrophe ! Au moment où je criais son nom, l'un d'entre eux m'a poignardé dans le dos et je suis mort !

C'est une plaisanterie ? Jusqu'à présent, ma vision désintéressée de la vie me rejoignait toujours. Serait-il possible que ce soit une coïncidence ? Pire, une volonté de dieu lui-même ? Dans ce cas, il se peut que le contraire de mes pensées se réalise. Faisons un essai : je pense qu'il est tout à fait impossible pour moi de voler dans les airs !

 Je prends une grande inspiration en fermant les yeux. Après quelques secondes, je les réouvre. Merde, je suis toujours sur le sol. Je soupire intérieurement, tant pis pour cette coïncidence ! Autant me concentrer sur l'essentiel. L'histoire d'Antoine est bien plus intéressante que mes essais... Je pense. Ce fossoyeur est le divertissement que j'attendais depuis si longtemps. Dans ce cas, autant laisser libre court à sa curiosité.

  • Et ton amoureuse ? Aucun indice sur ce qu'elle est devenue ?
  • Rien ! Je suis sûre qu'elle est montée sur l'arc-en-ciel et à atteint l'au-delà ! Elle doit sûrement m'attendre !

Minute, ses paroles à l'instant. Est-ce que ça voudrait dire que...

  • Tu souhaites te réincarner Antoine ? Tu veux retenter la montée de l'arc-en-ciel ?!

Lui qui semblait étonné de cette possibilité dans le cimetière, c'est en réalité son désir ! Mon dieu, qui se serait douté d'une telle chose ?! Hum, en y réfléchissant bien... Pas mal de gens en fait.

  • C'est la vérité ! Cependant, j'ai un travail ici ! Les gens comptent sur moi ! Dire que je veux monter au ciel, c'est comme trahir mon employeur !

Je vois où il veut en venir. Vu le contexte de ce monde, l'emploi représente le divin, le sacré. Tu ne te libère de tout ce labeur qu'une fois qu'on te l'ordonne. En revanche, je considère l'histoire d'Antoine comme étant une bonne raison de s'en aller. Qui plus est, ce fossoyeur est originellement humain. Faire enterrer ses semblables, c'est à la fois cruel et hilarant pour les patrons. C'est du moins, de cette manière que j'aurais vu la situation.

 Cependant, je ne suis pas l'une des leurs. J'ai beau être amnésique, je reste un esprit errant. Et ma survie, je la dois à Antoine. C'est lui qui m'a proposé de travailler à ses côtés. Il est mon sauveur dans ce village envahi par l'ennui.

  • Antoine ! crié-je comme lui en mettant mes mains sur ses épaules. Allons trouver un arc-en-ciel !
  • Hein ?! hurle-t-il.
  • Nous allons trouver ta route pour l'outre monde ! Et cette fois, tu pourras te marier avec ton amoureuse dans une autre vie !

Des petites larmes mouillent son regard marronné, sa lèvre inférieure tremble, prête à lâcher un cri de tristesse. Pour la santé de mes oreilles, autant commencer la recherche tout de suite.

  • Allons-y ! Trouvons cet arc-en-ciel ! dis-je en l'emmenant hors du village.

Pour le moment, le mieux serait d'escalader une montagne pour en observer de loin. Enfin, je dis ça mais, pour en admirer un, il faut impérativement du soleil et de la pluie. Et connaissant la dure réalité, il nous faudra du temps avant de trouver cet escalier vers l'au-delà. Combien d'heures, de jours ou de semaine cela prendra ? D'ici là, le village se rendra compte de notre absence, et Antoine risque d'être viré. Et comme je suis son apprentie, nous risquons tous les deux de disparaître.

 Vraiment, quelle idiote je fais ! J'aurais dû me concerter avant, et regarder la météo. Trouver un arc-en-ciel puis atteindre son pied dans les montagnes, c'est mission impossible !

  • Oh, regarde Frann', un arc-en-ciel ! hurle le fossoyeur en pointant du doigt notre cible.

Ha ha ha ! C'est une plaisanterie ! S'en est une à cent pourcent ! Rien n'est jamais aussi facile !

 Je tourne la tête dans la direction pointée par Antoine et constate... un arc-en-ciel. Je pose mon regard dans la direction opposée avant de revenir au point indiqué. Un arc-en-ciel. Ce même arc-en-ciel est toujours là ! Je... Je ne sais même plus quoi penser.

  • Que fais-tu Frann' ?! Ma future femme m'attend ! Allons-y ! Ha ha ! ricane fortement Antoine en me traînant vers la base de l'arc.

Non seulement nos déplacements avec ce fossoyeur consistent toujours à trainer l'autre, mais en plus le dénouement de son avenir arrive à point nommé. Si nous étions dans une histoire littéraire, je serais sûrement l'héroïne la moins adéquate avec le contexte actuel. Et heureusement, parce qu'un récit pareil serait bien pourri !

 En un instant, nous arrivons à la base de l'arc-en-ciel. Ses multiples couleurs fuient vers le ciel, montant à une hauteur inimaginable. Ce point culminant m'effraie, moi qui aie la peur du vide. J'ai vraiment essayé de monter cet escalier auparavant ? Comment ai-je pu avoir le courage de réaliser cet exploit ?

  • Enfin, si je monte cet arc-en-ciel, je pourrai la revoir !

Antoine se met à trembler à la vue de ce pont aux multiples couleurs. Rien d'étonnant, moi aussi j'aurais les chocottes.

  • Le truc, c'est de ne pas regarder en bas, tu as compris ? ds-je avec une légère fierté.
  • Je n'ai pas peur des hauteurs, juste des circonstances ! crie-t-il d'une voix stressée.
  • Ah.

Tant pis, et heureusement dans un sens. La question qui se pose alors est : comment faire pour le pousser à aller de l'avant ? Mine de rien, l'arrivée de cet arc-en-ciel est une opportunité immense pour Antoine. Le genre d'événement capable de changer de vie, littéralement.

  • Frann' ! s'écrie Antoine avec ses cordes montagneuses. Voudrais-tu venir avec moi ?!

 Pour une fois, je ne cherche pas à poser un quelconque obstacle sur mes oreilles, sachant que cette proposition me fige sur place. Moi, partir vers l'au-delà ? J'avoue n'y avoir jamais pensé, et c'est assez troublant. Ai-je vraiment envie de me réincarner ? J'ai beau être amnésique, j'ai tout de même essayé de monter cet arc-en-ciel, tout cela dans le but d'entamer une nouvelle vie.

 En revanche, je ne suis pas le genre de personne à me préoccuper du passé. Le présent est ce qui m'importe. Si j'écoute mon désir actuel, je ne souhaite pas la réincarnation, mais un moyen de me tirer de cette ennuyeuse routine. Je souris intérieurement en pensant aux événements. Tout est passé si vite et pourtant, c'est en ce laps de temps que j'ai pu découvrir l'intérêt capable de briser mon ennui. Antoine, c'est à toi que je pense. Toi, qui a su me montrer autre chose qu'un esprit sans profondeur, toi qui est malgré tout resté le même. Ton être, ton histoire m'ont inspiré. Je suis satisfaite et à la fois, j'en demande toujours plus.

  • Non, ce sera sans moi, déclaré-je avec un sourire serein. Malgré tout, je dois te remercier. Grâce à toi, j'ai pu voir de l'intérêt présent dans les gens, et je compte bien en découvrir davantage.

Antoine sourit en entendant mes paroles.

  • Alors, ce sera un nouveau départ pour chacun d'entre nous !

Je hoche la tête, en accord avec ses paroles. L'ex-fossoyeur soupire bruyamment avant de se diriger vers l'arc-en-ciel. D'un pas hésitant, il grimpe le pont de couleur. Le temps s'écoule, Antoine prend de plus en plus ses aises, jusqu'à effectuer une marche rapide.

  • Fais attention à ne pas glisser ! hurlé-je à l'esprit près du sommet.

Je me demande s'il m'a entendu. Peut-être est-il concentré sur son ascension, ou bien subjugué par l'horizon.

 À la vue de sa silhouette lointaine, mon encouragement se transforme en fascination . Au revoir Antoine, j'espère que ton amoureuse te dira oui dans votre prochaine vie. L'arc-en-ciel se dissipe à partir de sa base. Bientôt, il n'en restera plus rien. Et pourtant, aucune inquiétude ne me monte à la tête. Je suis certaine que cet esprit à atteint le ciel. Je lâche un petit soupir avant de tourner les talons. Que vais-je faire maintenant ? Rester à Gravice est une mauvaise idée. Je devrais entreprendre la route vers la ville. Là-bas, je suis sûre d'y trouver des gens et un travail bidon pour assurer ma survie. Je m'avance avec une légère hésitation sur le sentier, quand tout à coup, un bruit résonne dans les montagnes.

  • Aie, chuchote une petite voix derrière moi.

Surprise, je me retourne avec célérité. Le son que j'ai entendu était dû à une chute, celle provoquée par la personne à mes côtés.

 Je m'approche de son corps à moitié transparent. Tiens donc, ce ne serait pas un esprit qui aurait essayé d'escalader l'arc-en-ciel par hasard ?

  • Tout va bien ? demandé-je entre l'inquiétude et l'hésitation.
  • O-Oui, merci, dis doucement la personne en relevant la tête.

À la vue de son visage, je peux constater avec certitude que cet esprit est celui d'une femme. C'est fascinant de constater à quel point j'aurais appris autant en une journée. Je regrette d'avoir tourné la tête trop vite, de cette manière j'aurais pu constater la chute.

  • Excusez-moi, reprend la jeune femme. Où est l'arc-en-ciel ?
  • Derrière. Enfin, il était derrière, déclaré-je avec nonchalance.

À l'écoute de mes mots, l'esprit se retourne brusquement et constate avec déception la disparition du pont céleste.

  • Nooon, tente-t-elle de crier malgré sa petite voix. Mon chemin vers une nouvelle vie avec mon amoureux défunt.

Un instant, qu'est-ce qu'elle vient de dire ?!

  • T-Ton amoureux défunt ? demandé-je avec une légère panique.

J'ai un mauvais pressentiment.

  • Oui, mon chéri, mon Antoine doit m'attendre depuis des lustres dans une autre vie. J'avais enfin trouvé un arc-en-ciel, mais celui-ci s'efface déjà. Oh mon Antoine.

C'est une blague ?! Tout ça pour ça ? Que c'est cruel ! Beaucoup trop exaspérant pour une fille lambda comme moi ! Je laisse échapper un soupir, quelle histoire pourrie !

 Je suis fatiguée des galères de ce couple. Est-ce que partir serait le meilleur choix dans cette situation ? On va dire que oui.

  • Bon, moi j'y vais. Au revoir, dis-je en sifflotant.
  • Attendez, hausse maigrement la femme en m'attrapant le pied.

Qu'est-ce qu'elle fait ? Je bouge frénétiquement la jambe. Cet esprit ne lâche pas prise. Je soupire une nouvelle fois, bien plus agacée.

  • Lâche mon pied, laisse moi partir !
  • Je ne le ferais qu'à une condition, reprend-elle.

J'ai peur.

  • Laquelle ? demandé-je paniquée.
  • Aidez-moi à trouver un arc-en-ciel.

Mon cri désespéré retentit dans les montagnes. C'était totalement prévisible ! Vraiment, je déteste cette histoire !

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