KriPo

Une minute de lecture

L'ancienne institutrice se confia, évoquant tour à tour les réminiscences olfactives de ses nuits d'amour polyphoniques, la fragrance des épidermes, le grain singulier des peaux de jadis. La centenaire s'exprimait de manière parfaitement intelligible et ne regrettait rien. Elle avait 23 ans en 1942 et traînait déjà (selon des sources bien informées) une solide réputation de débauchée.

« Beaucoup me voyait telle une odalisque », déclara t-elle. Mais je n'étais l'esclave de quiconque ; libre, mouvante, comme l'air vicié du Berlin de cette époque.

Dépendre n'a jamais été mon moint fort, ajouta t-elle en braquant sur moi ses yeux d'un bleu étonnamment vif. En temps de guerre, poursuivit la sybarite, les désirs sont exacerbés ; courir la galipote ou la gueuse, devient une addiction.

J'ouvris l'album, tournant les pages avec soin. Ces photographies argentiques surgies d'un autre âge me troublèrent profondément. La subite âcreté sous mes aisselles enchanta mon interlocutrice.

Tomberiez vous amoureux d'une étoile filante jeune homme !

Peut-être, répondis-je penaud.

Mais n'était-ce pas déjà trop tard ?

Sur le cliché, une jeune femme aux lèvres tuméfiées défiait l'objectif ; la mine défaite. Elle me conta son viol par des « poulets » de la nauséabonde Kriminal Polizei. Cédant à la mode qui ferait fureur lors de l'avènement du smartphone, ses bourreaux avaient immortalisé sa face amochée sur la pellicule - en guise de trophée.

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