Chapitre 2 - Défi

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Je le croise de nouveau plusieurs fois par jours, étant dans la même classe que lui. Mais soit il m'ignore totalement, comme un coup de vent. Soit il me regarde, insistant, et je lui rends son regard, encore plus méchamment. Puis il sourit en détournant les yeux. Mais à quoi joue-t-il, bon sang ?! Deux semaines passent ainsi, sans qu'aucun de nous deux ne prononcent un mot, sans qu'il n'y ait de véritable discussion à part des échanges de regard plus ou moins expressif. Que cherche-t-il ? Que me veut-il ? Rien ne m'aide... Si, une seule chose, je n'ai plus eu l'impression d'être observée de façon si oppressante, comme le jour de la rentrée. En tous les cas, je me réjouit de ne pas être obligée de lui parler. Ce qui me parait le plus étrange, c'est que j'ai quand même essayé de parler de ce garçon à mes amies. Mais quoi que je fasse, soit elles ne m'écoutent pas, soit elles n'ont pas l'air de comprendre. Mais le pire, c'est quand j'essaie de prononcer son nom, il n'y a aucun son qui ne veut sortir de ma bouche. Si bien que j'ai fini par ne plus rien dire, par renoncer à en parler à quelqu'un.

Jusqu'à ce soir...

Je sors tout juste du lycée et je le vois qui m'attends à la grille, à croire qu'il m'espionne, me suis ou je ne sais quoi encore. Je ne lui porte finalement aucune attention et je lui passe sous le nez sans échanger aucun regard. J'en ai un peu assez de ces yeux violet insistant qui me fixent sans cesse. Je passe donc mon chemin, sans même lui dire bonsoir. Il n'essaye même pas de me retenir, mais je sens son regard insistant sur moi, encore. Je me crispe, énervée. Je crois que je vais bientôt lui régler son compte et lui dire ses quatre vérités. Je ne veux pas revivre le même cauchemar qu'au collège, cette époque est révolue ! Mais, malgré tout, je me retiens de l’empaler dans la grille du lycée devant tous les élèves. Et je fonce, ignorant malgré moi son regard sombre. Je cherche à le fuir, plus loin je serais de ce psychopathe, mieux cela sera. Quand je pense alors être débarrassée de lui, je me rend compte qu'il me suis... là, s'en est trop !!! J'accélère le rythme, de plus en plus vite, jusqu'à ce que je me mette à trottiner. Et finalement je bifurque et me cache au coin de la rue, l'attendant patiemment pour lui mettre une raclée dont il se souviendra longtemps. Je l'attends donc. Je visualise mentalement la raclé que je vais lui mettre, et ces images me font un bien fou. J'attends, une minute, deux minutes... cinq minutes... C'est étrange, je finis par pointer ma tête dans la rue... Personne... Je sors donc de mon coin, regardant partout. Il a peut-être laisser tomber. Peut-être en a-t-il marre lui aussi ? Peut-être est-il juste allé retrouver des amis en empruntant le même chemin que moi ? Je regarde encore partout dans la rue, j'ai sûrement l'air un peu débile sur le coup pour les gens qui me voient sur le trottoir d'en face. Mais non, il n'est nul part. Je finis par regarder derrière moi au cas où je l'aurais laissé passé. Mais il n'y a personne non plus, à part peut-être une grand-mère qui promène son chien. Finalement je me rend à l'évidence, il est parti. Et puis je me dis que c'est temps mieux. Je regarde encore dans la rue derrière moi, dans le coin où j'étais, un dernier coup d’œil. Et finalement je reprend mon chemin, un peu perturbée sur le coup. Quand je lui rentre dedans... Ça fait deux fois !!! Je lève la tête et cette fois je ne peux m'empêcher de le fusiller du regard. Et mon geste se fait instinctivement, tel un réflexe, je ne peux même pas le retenir. Il reçoit ma main en pleine figure. Le bruit de l'impact retentit dans toute la rue malgré les voitures et les bus qui sont présents, puis le silence jusqu'à ce que le feu au coin passe au vert et que les véhicules reprennent leur route. Je vois certains des élèves dans le bus nous regarder comme si nous étions des bêtes curieuses. Certains sourient, d'autres me montre du doigt. Je baisse les yeux, je suis rouge pivoine. Lui se frotte un peu la joue et me regarde, encore. Ses yeux me signifient que cette fois, la baffe, il l'a mérité, acquiesçant doucement de la tête. Puis il me sourit, un grand sourire jusqu'aux oreilles. J'ai envie de le baffer une seconde fois, juste pour lui retirer ce maudit sourire.

- Et en plus ça te fais rire ?!!! je lui hurle.

Il cesse de sourire, même si je sens bien qu'il aimerait éclater de rire. Il me fixe toujours de ses yeux violet... Je remarque alors qu'ils sont légèrement plus clair que les autres fois où je l'ai croisé et cette fois, et ce n'est pas la luminosité étant donné que l'on est à l'ombre, sous les arbres. C'est comme si ses yeux luisaient dans le noir. Il remarque alors que je le fixe assez étrangement, il détourne le regard, et préfère détailler la rue dans son intégralité. C'est comme si je n'étais pas devant lui, que je n’existais pas. J'arrête alors de le dévisager comme cela, et je tourne moi aussi la tête. Autant jouer au même jeu que lui. J'essaie alors de passer mon chemin, comme je l'ai fait devant le lycée, mais cette fois, il m'attrape le bras et m'empêche de continuer ma route. J'essaie alors de rester calme. Ça ne sert à rien de s'énerver de toute manière, et à quoi bon le frapper, ça ne semble pas lui rentrer dans le crâne. Je soupire donc et me retourne vers lui, mais il ne me regarde toujours pas. Je retire doucement sa main de mon bras nu. Ma paume me démange sévèrement. Après un instant de silence, s'en est trop.

- ARRÊTE CA TOUT DE SUITE !!! je crie dans la rue, je dois avoir l'air hystérique, mais heureusement, il n'y a plus de bus. Pourquoi es-tu comme ça ? J'ai quoi de spécial pour que tu me dévisage toute la journée ? Sachant que tu ne m'adresse même pas la parole comme une personne un minimum civilisée!!! Et c'est quoi ces maudits sourires niés ?! Tu me harcèle c'est ça ? Je te préviens, je vais pas me laisser faire !!!

Il se tourne de nouveau vers moi, ses yeux étant redevenu violet foncés, peut-être même plus foncé qu'avant. Je sursaute, stupéfaite. Son regard me traverse. J'ai un mouvement de recul, je ne suis pas effrayée, mais son geste a était tellement violent. Il se passe un moment avant que l'un de nous deux recommence à bouger, ou même à respirer. C'est lui qui rompt le silence d'un soupire, il baisse la tête et regarde le sol cette fois. Il ne peut donc pas regarder les gens en face ?

- C'est bon, calme toi. Excuse moi encore si je te regarde trop, mais...

- Je ne veux pas de tes excuses, je veux des explications !!! le coupé-je. Je ne sais pas, les garçons qui fixent autant une fille, c'est qu'ils reluquent. Hors je ne pense pas être ton genre, et d'ailleurs je ne pense pas être la fille qui est du genre à attirer les regard.

Je dis cela en touchant par réflexe mon sweet rouge à manches courtes, un peu déformé par les lavages, et passe une main dans mes cheveux brun ébouriffés par le vent. Non en effet, je ne suis pas le genre de fille à plaire aux garçons. Trop garçon manqué. Je serai plutôt du genre à me cacher et à me faire oublier. Moins je suis voyante, mieux c'est.

Je le vois serrer les poings. J'ai alors peur qu'il ne me frappe, je m'attends désormais à tout de sa part. Je recule encore, restant à un bon mètre de lui. Je le fixe, et je sais que mon regard est emplis de colère, mais je ne peux plus détourner le regard de ce garçon. Ses cheveux brun court, ses yeux violet foncés, presque noir désormais, son allure svelte, ses bras musclés. Oui, il a tout pour plaire, mais son comportement a tout pour faire fuir les filles. Il ne m'attire pas. Puis il finit par rire, faisant diminué la tension entre nous. Comme si quelqu'un avait dit quelque chose de marrant... C'est ironique. Puis il replonge ses yeux dans les miens, et je distingue une légère lueur. Il a une idée. C'est donc ça la fameuse ampoule dans les BD, au dessus des personnages. Mais, restant méfiante, je ne bouge pas pour autant, malgré que son air méchant ait en partit disparu.

- Je ne t'expliquerais rien ici, en tout cas pas dans un endroit aussi peuplé... me chuchote-t-il cette fois, prenant un air mystérieux et froid. Si tu veux savoir, il va falloir que tu relève le défi que je vais te lancer.

- Quoi ?! Seulement ? Et quel genre de défi !!! dis-je, indigné qu'il fasse une scène pour si peu, je suis persuadée que c'est un pari entre ami ou quelque chose de genre… Même si ce garçon ne semble pas avoir beaucoup d'ami, je reste méfiante.

- Le genre de défi qu'une ados de ton âge est capable de relever haut la main. Tout ce que tu dois savoir pour le moment, c'est que je me trouverais sur le parking de la Forêt de Haie, ce soir, vers 22h. Si tu es au rendez-vous, tant mieux, sinon tant pis.

Je déglutis. C'est un véritable psychopathe, ou c'est juste une farce d'adolescent à moitié drogué ? Veut-il m'attirer seule dans la nuit pour me droguer, me violer ou je ne sais quoi ? On voit tellement de chose à la télé de nos jours. Et à 22h je n'ai plus vraiment le droit de sortir, encore moins en forêt.

Puis j'y réfléchis à deux fois. Je crois que mes parents sortent ce soir. Normalement, mon frère et moi sommes assignés à résidence, mais cela ne dérangera pas trop mes parents si je leur dis qu'une amie voudrait que j'aille chez elle, juste un soir. Du moins j'inventerais une excuse de ce genre. Il faudra aussi que je pense à me munir d'un couteau suisse ou je ne sais quel arme portative. On ne sait jamais, surtout avec ce genre de garçon, et de rendez-vous nocturne.

- Alors ? s'impatiente-t-il.

- D'accord... Je serais à l'heure, mais toi... Tu n'as pas intérêt à me mettre un lapin, dis-je finalement, encore plus méfiante.

-Bien, alors à ce soir.

Puis il me laisse enfin passer et je continue ma route. J'ai quelques frissons dans le dos en pensant à ce que je viens de faire, je commence à avoir peur je crois… Ou alors est-ce l'excitation ? Une nouvelle vie, j'ai dis ! Pas un nouveau cauchemar. Dans quoi est-ce que je me suis embarquée ? J'ai peut-être pris ma décision un peu trop rapidement. Je ne connais ce garçon que depuis deux semaines, et encore, je le connais tellement mal. Et je viens d'accepter un rendez-vous dans une forêt, quasiment en pleine nuit... Soit je suis folle, soit inconsciente... J'opte pour les deux et me dis que je devrais peut-être retourner chez le psy. J'ai envie de me taper le crâne contre un mur pour mon inconscience, à croire que je recherche les ennuis. Déjà aux collèges c'était… Il s'était passé beaucoup de choses. Et voilà que ça recommence. Je marche et finis par sortir mes écouteurs et les brancher à mon téléphone. La musique finira bien par calmer mes réflexions hasardeuses.

J'essaie de faire le vide, et la marche me fait presque entrer dans une sorte de transe. Je ne suis même pas consciente que je suis presque arrivée chez moi. J'ouvre la porte machinalement, toujours dans ma musique, et ne remarque même pas mon frère vautré dans le canapé. Puis me dirige vers ma chambre sans vraiment être consciente de la direction que je prend, c'est comme si mes jambes connaissaient le chemin par elle-même. Je lance mon sac près de mon bureau, ensuite je vais me vautrer aussi sur mon lit pour réfléchir plus profondément encore, la musique me donnant cette impression si irrésistible que je n’existe pas, qu'il n'y a plus que les sons qui se succèdent. Je ferme alors les yeux, et je vois des images. Je me ressasse des scènes de ma vie passé, ou m'imagine une vie future, normale, comme je le fais toujours dans ces moments là. Jusqu'à ce que mon esprit m'impose l'image de baffe que j'ai mise à Sky. J'essaie immédiatement de la chasser, mais elle revient, de différente manière. Le pire, ce sont ses yeux qui changent à chaque musique, en fonction du rythme. Ce garçon me hante d'une étrange manière. Je ressens de la panique face à lui, et non pas de l'attirance comme les filles normales le ressentiraient. Finalement j'arrête la musique, arrachant les écouteurs de mes oreilles, nerveuse. Je fini par me mettre un oreiller sur la tête pour ne pas entendre les sons qui viennent du salon – ceux venant des jeux vidéos de mon frère. Je reste en position fœtal, je ne bouge plus. Jusqu'à ce que je finisse par me laisser emportée par le sommeil...

*****

Son visage s'impose à moi, plusieurs fois dans les ténèbres. Jusqu'à ce qu'il disparaisse comme emporté par une vague. Je ne veux plus penser ni à lui, ni au lycée, ni à rien du tout. Je veux disparaître du monde. Mais plus cette envie grandit, plus j'ai l'impression d'étouffer. Puis les larmes me viennent, ou plutôt, j'ai l'impression d'avoir les joues humides. Il n'y a que les ténèbres quand je regarde ailleurs, des ombres. Je me sens légère, comme si je flottait dans le vide. Et j'ai froid, mais je ne grelotte pas.

Quand enfin, une lumière m'apparaît, clair et limpide, blanche, argentée, légèrement rousse peut-être. Ce n'est ni les étoiles, ni le soleil, je reconnais très vite la Lune, même si mon esprit est embrumé. Une belle Lune ronde et flamboyante dans ses ténèbres, presque aveuglante. Ces rayons découpent alors des ombres sur moi, et sur le sol, recouvert d'herbe, et de feuille morte. Je la regarde encore, et je vois qu'elle est cachée par des ombres... Des nuages, mais aussi des branches. Il y a des arbres, des feuillus comme des épineux, je suis dans une forêt. Non, je flotte dans une forêt, en dessous plus précisément. Les ombres des troncs sont tellement grandes.

Je me sens encore plus étouffée, mais cela ne diminue pas ma curiosité. Les arbres sont immenses, trop grands, comme si j'étais une fourmis. Et je ne vois pas de couleur, tout est noir, gris ou blanc. Je tend ma main vers la Lune, comme si elle pouvait m'aider à y voir plus clair dans ces ténèbres, et à respirer. Et quand il me semble la toucher, sa surface se ride, comme si j'avais marché dans une flaque d'eau où elle se reflétait. C'est là que mon étouffement se manifeste d'autant plus puissamment. Je ne peux définitivement plus respirer, et quand j'essaie de sortir de l'air de mes poumons, il n'y a que des bulles d'airs qui en sortent. Je flotte dans le vide, je ne respire plus... Non, je suis dans de l'eau, mes joues sont humides à cause de l'eau, non pas de larmes. Je baisse ensuite la tête vers le sol, ce ne sont pas des feuilles mortes aux sols, mais des algues. Des algues qui m'emprisonnent les chevilles.

La panique me prend, et je commence à m'agiter dans tous les sens. J'essaie d'attraper ses maudites algues, essayant de m'en libérer. Je ne veux pas mourir. Mais plus je m'agite et plus je me noie. Jusqu'à ce que mes gestes deviennent lent et moue, jusqu'à ce que l'air me manque définitivement... Jusqu'à ce que je commence à sombrer et que j'entende mon cœur ralentir doucement. Je sens mes poumons se remplir d'eau, je me sens partir.

Les dernières images sont des flammes argentées qui me sortent de l'eau.

Et de mon cauchemar.

*****

Je me réveille en sursaut, me cognant la tête contre le mur au dessus de moi. Je maudirais toujours ce toit en pente. Je regarde ma chambre, je suis toujours un peu paniquée. J'ai le cœur qui bat à cent à l'heure. Et je respire une grand goulée d'air. Je respire, j'expire. Et je soupire de soulagement en me touchant ma gorge douloureuse. Puis, je me lève doucement de mon lit et vais à ma fenêtre. Le soleil est en train de se coucher, le ciel est rouge et orange... Très rouge, presque de la couleur du sang. Je sens alors des frissons me parcourir l'échine. Une fois de plus j'ai peur. Mon rendez-vous se rappelle alors à moi. Serais-ce un signe ? Et ce rêve ? Un avertissement ?

Je me détache finalement de ma contemplation, et sors de ma chambre pour descendre dans le salon me tenir au courant des préparatifs de la soirée. Mes parents doivent se préparer où sont peut-être déjà parti vue comment la maison est silencieuse. J'arrive en bas, et je n'entends que les bruits de jeux de guerre à mon frère. Oui, en effet, mes parents sont partit, sans même me passer un coucou. Ils ont du voir que je dormais, et n'ont pas voulu me déranger. Je finis par dire à mon frère que je sors, même si je ne suis toujours pas sûr de me rendre au lieu de rendez-vous, je suis sûre de vouloir sortir. Mon frère réponds par un évasif et distrait « Ouais, vas-y. ». Je vais donc préparer mon sac en bandoulière, prendre une bouteille d'eau, un peu d'argent pour le bus – même si je ne suis pas sûr qu'il y en est encore à cette heure-ci – et prendre mon couteau de décoration qui est à côté de mes livres préférés. Je ne suis pas sûr qu'il me soit d'une grande utilité, ni s'il coupe en fait. Mais je le cache quand même au fond de mon sac - sait-on jamais – et je sors. Je me dirige d'abord vers l'arrêt de bus, avant de me dire qu'il est inutile d'attendre, je préfère monter à pieds et prendre plus de temps. Je ne suis pas pressée, enfin, j'essaie de m'en convaincre.

Ma maison se trouve dans une rue principale qui monte vers le plateau, et rejoint ensuite la Forêt de Haie. Là-bas il y a un parking. Je ne sais pas si c'est bien ce parking là dont Sky a parlé, mais je n'ai pas les moyens de vérifier. Je me demande alors s'il ne m'a pas espionné pour savoir où me donner rendez-vous, car il a su très vite où me demander de me rendre. Je l'imagine me suivre jusque chez moi avec son sourire et son regard violet… Et je frissonne. Puis je l'imagine me donner rendez-vous en toute connaissance de cause. J'ai encore quelque frisson qui me parcours l'échine et les bras. De peur mais aussi de froid. Le jour commence à descendre peu à peu à l'horizon, alors je me dépêche, voulant éviter à tout prix de marcher dans le noir, même si ce quartier n'est pas trop mal fréquenté. Je veux aussi en finir au plus vite avec ce maudit rendez-vous. Et puis j'ai froid. Je commence à courir, essayant de me réchauffer. Et plus je cours, plus je prend de l'assurance. Pour une fois je ne m'essouffle pas.

J'arrive enfin au plateau où le vent se déchaîne, puis quelques minutes après, à la lisière de la forêt. Le soleil a presque disparu derrière l'horizon désormais. Il reste peu de lumière. Je m'arrête un instant pour reprendre mon souffle, mais ni mon cœur, ni mon souffle n'ont été altéré par ma course. Je regarde les dernier rayons disparaître, c'est tellement beau, et tellement éphémère. Je ne sais même pas si je vais revenir entière de ce rendez-vous, alors autant profiter un minimum de ces derniers instant de paix, d'ailleurs la rue est calme, aucune voiture ne passe. Je regarde l'heure sur mon téléphone. Il ne reste que quelques minutes, alors je m'assoit sur une rambarde pour attendre, regardant le couché du soleil.

Quand la pénombre commence à me cerner, le froid se rappelle à moi. Je continue donc mon chemin jusqu'au parking. Là, je le vois enfin, attendant en silence. Il tourne sa tête vers moi avant même que je ne sois apparue sous le lampadaire. Suis-je si bruyante ?

- Salut ! je lui lance, un peu inquiète et timide.

Je n'ai pas de réponse. Ce qui me donne d'autant plus l'envie de fuir. Je frissonne encore, non pas effrayée, mais je commence vraiment à avoir froid, surtout que le vent s'y met aussi. Je m'approche donc de Sky et le regarde, son visage est caché par les ombres. Mais je discerne quand même des yeux luisant, limpide et clair. Une fois de plus ils ont changé de couleur. Je finis par rester debout à côté de lui, le fixant comme lui me fixe.

Jusqu'à ce que, pour la seconde fois de ma vie, je ressens l'impression d'être observée, et le mal de tête qui s'y été ajouté revient à nouveau. Je me crispe, mais le fixe toujours, le défiant du regard. Est-ce lui qui me fait ça ? Ou est-ce moi qui perd la tête ? Je ressens encore la douleur quelques secondes, des secondes terribles. Puis l'impression disparaît, et je me sens légère. Je me relâche complètement, soupirant intérieurement de soulagement, ayant l'impression que je n'aurais pas tenu une seconde de plus. Maintenant, j'ai envie de l'étriper et d'avoir enfin ses maudites explications qu'il m'a promis, ce pourquoi je suis venue ici ! J'ai envie de le baffer une fois de plus et de l’empaler à un arbre, n'importe lequel ! Puis, je n'en peux plus, et grogne :

-Bon, qu'est-ce que tu attends pour parler bon sang ! Parce que sinon, je rentre moi, j'aurais sûrement plus chaud qu'ici ! Je lui hurle.

- Tu as le choix entre me suivre jusqu'à la clairière où je t'expliquerais tout, ou alors renoncer et mourir sur le champ, me lance-t-il alors.

- Quoi ?! Tu m'as donné rendez-vous pour que je m'enfonce dans la forêt ou pour que je meurs ?! dis-je, un peu interloquée, mais pas surprise, toutefois j'ai un rire nerveux. Eh eh, et... Tu plaisante bien sûr, tu ne vas pas vraiment me tuer… C'est juste pour m'effrayer.

Puis, je vois son regard s'assombrir. Je n'avais pas encore vue ses yeux changer du tout au tout, comme ça, à chaque fois il tournais la tête, mais là... C'est terrifiant. J'ai presque envie de faire demi tour et courir jusque chez moi. Mais je sens qu'il ne plaisante pas. Je déglutis, et continu de lui faire face.

- T'es un vrai psychopathe ! Complètement atteint, ma parole. Et pourquoi tu me tuerais d'abord ? Pour mon argent ? Pour mes objets de valeurs que j'ai sur moi ? Manque de peau, j'en ai pas pris. Et ils sont où tes petites potes pour me tenir pendant que tu vas me frapper ? Et de toute manière si ce n'était que pour ça, tu avais d'autres occasions de le faire. Alors pourquoi tu ferais ça ?

- Je te tuerais juste pour m'avoir connu... lance-t-il finalement d'une voix atonne.

Je reste sens voix. C'est définitif, il y a quelque chose qui cloche, quelque chose de pas normal chez lui. Mais pas seulement dans le genre malade mental, plutôt dans le genre vraiment bizarre, vraiment anormal, pas naturel quoi... Pas entièrement humain en fait. J'aurais jamais dû venir ici… Mais, m'aurait-il tué quand même ?

J'ai un doute, je n'ai pas confiance en lui, encore moins maintenant. Je fait un pas en arrière, tout en le fixant. Je suis prête à fuir, mon cœur bats la chamade, mais si je sais que c'est une mauvaise idée. Je voix alors Sky saisir quelque chose à sa ceinture, quelque chose qui luit à la lumière des lampadaire, et je remarque que c'est un couteau. Il a quelque chose de particuliers : c'est une dague, argenté, effilé et qui fait bien la longueur de sa main, je ne vois pas vraiment la poignet mais une pierre verte y est sertie, lumineuse. C'est un bel objet que je serais ravie d'admirer s'il ne me menaçait pas avec. Je déglutit. Je me saisit de mon sac, prête à sortir ma petite dague de décoration – qui est médiocre à côté de son arme. Même si je ne pourrais me défendre convenablement avec, je pourrais au moins lui donner un bon coup et m'enfuir ensuite.

Il finit par se rapprocher de moi, sa lame à la main, et me chuchote à l'oreille sur le même ton, comme pour me mettre dans une confidence :

- Je t'attend dans la forêt, si tu as le courage de me suivre, fais le. Mais si tu renonce et fais demi tour, je ne te louperais pas.

Il me montre le couteau du coin de l’œil.

Puis, il se dirige vers les buissons et disparaît dans les ombres. Il me laisse le temps de choisir ? Enfin, je n'ai pas trop le choix de toute manière. De toute manière je n'avais pas prévu de laisser tomber en si bon chemin. Même s'il ce gars me fout la trouille. Je suis venu pour avoir des explications à tout ça, je ne veux pas repartir sans rien avoir accompli. Je regarde tout autour de moi pour voir s'il y a quelqu'un qui m'a vue, s'il y a une caméra caché, ou je ne sais quoi encore comme traquenard. On ne sait jamais, pour qu'on sache où est mon corps si je ne revient pas. Mais non, il n'y a personne, il fait sombre, et même si je pourrais m'imaginer beaucoup de gens cachés dans toutes ses ombres, je sais qu'il n'y a personne. Je soupire. C'est trop silencieux, il y aurait forcément du bruit s'il y avait quelqu'un. J'essaie de me rassurer quand même. Puis, je finis par faire face à cette maudite forêt, et je me dirige droit vers le buisson où Sky a disparu. Je n'ai pas vraiment peur, mais j'ai tout de même un nœud au ventre qui commence à me rendre nauséeuse. Je respire doucement, et m'arrête devant la lisière. Un dernier pas et je ne pourrais plus faire demi tour. Je prend une dernière respiration, me disant que je n'ai pas le choix, que je ne peux pas reculer. Je sens le vent froid me caresser la peau, mais il ne me fait pas frissonner, je stress trop pour avoir froid. Un dernier battement de cœur et je passe ses maudits buissons.

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