Chapitre 1 - Achalmy

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An 500 après le Grand Désastre, 2è mois du printemps, Vasilias, Terres de l’Ouest.



Le tapage dans la taverne Wildave allait grandissant au fur et à mesure que les minutes s’écoulaient. Je m’étais installé au comptoir environ une heure plus tôt, après avoir fait un tour à la guilde des chasseurs du coin. Ils m’avaient donné dix pièces de cuivre en échange des trois carcasses que je leur avais ramenées : deux lièvres et un petit chevreuil.

En une heure, j’en étais déjà à mon cinquième verre d’Eau-de-mer – une spécialité locale légèrement alcoolisée – et leur effet se faisait ressentir : la tension de mes épaules était partie, mes muscles engourdis après cette journée de chasse étaient plus détendus et l’ambiance bruyante du Wildave me revenait moins nettement qu’une heure auparavant. Je sirotais mon verre rempli du liquide bleu-violacé en humant les légères senteurs d’alcool et de fleurs. L’Eau-de-mer était un mélange d’eau océane dessalée thermiquement et de fleurs violettes fermentées qui tiraient leur nom, Vas, de Vasilias, seul endroit où l’on pouvait les trouver.

Et je me demandais ce que l’autre type assis au fond de la taverne pouvait bien me vouloir. J’avais surpris plusieurs fois son regard s’attarder sur moi, les rires étouffés de ses hommes répartis à travers la salle. Il s’agissait sûrement d’habitués du Wildave car, lorsqu’une rixe s’était déclenchée entre deux types éméchés, le propriétaire s’était contenté de jeter un regard las à cet homme au fond et celui-ci avait simplement claqué sa chope sur la table en bois. Les gars ivres étaient sortis pour continuer leur petite bagarre.

Ça ne me plaisait pas trop. C’était la deuxième fois que je venais ici depuis le début de la semaine. Il avait dû me repérer. Par mes vêtements de Chasseur du Nord, par mon accent, par mes armes. Je ne savais pas. Tant qu’il me fichait la paix, tout irait bien.

Mais, à sentir son regard perçant sur ma nuque, j’avais bien peur qu’il passât à l’action. Dès ce soir, j’aurais quitté Vasilias. Je n’aurais alors plus à m’inquiéter de ce gars. En attendant, les bas-quartiers de la capitale n’étaient pas bien famés et je ne comptais pas attendre les preuves de cette réputation sordide.


Je m’apprêtais à demander un sixième verre d’Eau-de-mer quand la porte d’entrée s’ouvrit pour la énième fois, laissant entrer une brise fraîche qui chatouilla désagréablement la peau exposée de ma nuque. Le son diminua aussitôt dans la taverne, attirant mon attention. Des pas légers sur le parquet grinçant du Wildave, une odeur atténuée d’orage et le nouvel arrivant s’installa sur le tabouret à ma droite. Intrigué, je levai les yeux.

C’était une nouvelle arrivante.

Comme la fille s’était assise à côté de moi, je n’eus le droit qu’à son profil, mais celui-ci m’en révéla déjà long. Un nez droit légèrement en trompette, des lèvres fines et joliment dessinées, une mâchoire douce, mais serrée en ce moment. Ses cheveux raides étaient aussi noirs que l’encre utilisée pour les tatouages dans mes Terres natales et coupés en carré à longueur de mi-cou. Néanmoins, ce qui attira le plus mon regard, et sûrement celui de tous les autres occupants de la pièce, furent ses vêtements. Typiquement occidentaux, en tissu souple et visiblement de bonne qualité et, surtout, aux anneaux d’or.

La mode occidentale consistait à rattacher des pièces de tissu les unes aux autres grâce à des boucles de différentes tailles. La demoiselle en possédait plus que la moyenne : un au niveau de chaque épaule, un à chaque hanche, pour son haut et son pantalon, et deux anneaux serrés à chaque cheville et aux poignets pour retenir les parties qui servaient de manche et pantalon. En or. Sidéré, je la dévisageai – et je fus loin d’être le seul –, mais elle ne prêta attention qu’à l’écriture serrée du tableau noir indiquant les boissons proposées. Elle portait une cape bleu marine pour se protéger de l’air encore frais de ce printemps tardif. Quelque chose attirait mon regard en plus de ses vêtements manifestement de bonne qualité et chers : leurs couleurs. Elle n’arborait pas le bleu marine et le gris argenté de la noblesse vasilienne. Mais du turquoise et du blanc. Les teintes de la royauté.

Mais qui était cette fille ? Je ne savais pas comment prendre son attitude dénuée de méfiance. Du bluff ? Était-elle une espionne déguisée en Noble de l’Ouest pour attirer une cible et la dépouiller de quelque chose ? Ou était-elle crédule au point de débarquer ici dans une telle tenue ? Dans ce cas-là, qui était-elle et que faisait-elle dans une taverne aussi médiocre que le Wildave ?

— Un verre d’Eau-de-mer, je vous prie, demanda-t-elle au serveur d’une voix directive sans même lui jeter un coup d’œil.

Son accent me fit tiquer : il n’était pas vasilien. Moins traînant, plus distingué. Étant natif des Terres du Nord et ne voyageant sur celles de l’Ouest que depuis deux ans, je n’étais pas un expert, mais c’était la première fois que j’entendais un tel accent.

— Tenez mademoiselle, souffla le serveur d’un ton pincé en posant un verre de la boisson violacée devant la fille.

Celle-ci ne daigna pas répondre et huma le liquide d’un air appréciateur, les yeux fermés. Du coin de l’œil, je la regardai frôler des lèvres le bord du verre avant d’en avaler une mini gorgée.

Aussitôt, son visage se crispa, lui retirant son charme, et elle reposa son verre dans un tintement sec. Je sentis une légère électricité statique dans l’air, qui hérissa les poils de mes avant-bras.

— Qu’est-ce que c’est que cette Eau-de-mer ? fit-elle en fronçant le nez. Je n’en ai jamais bu d’aussi mauvaise.

Son ton maussade et son air agacé me laissèrent perplexe. À quoi s’attendait-elle ? Nous étions dans un quartier pauvre de Vasilias, où les crimes étaient aussi courants que les déjections aux bords des habitations. Ce n’était pas ici qu’on allait trouver de l’alcool de qualité.

— Servez-moi autre chose, lâcha-t-elle ensuite en se redressant comme pour se donner plus de contenance face au regard torve du propriétaire.

Finalement, le serveur sortit une bouteille au liquide trouble, en versa un verre puis le posa devant la fille. Elle l’inspecta d’un air suspicieux, le sentit, sembla apprécier l’odeur, puis le goûta.

— C’est déjà un peu mieux.

— C’est mon meilleur alcool, mademoiselle, lui apprit le serveur en refermant la bouteille.

— Servez m’en un verre, déclarai-je aussitôt en levant les yeux. S’il vous plaît.

— Bien sûr.

Il sortit une chope et me la remplit tandis que la fille à côté de moi me dévisageait. Alors que le propriétaire poussait la boisson devant moi, l’inconnue me demanda :

— Vous n’êtes pas d’ici ?

— Vous non plus, répliquai-je sans sourciller.

Comme elle me dévisageait encore, je tournai la tête et pus admirer entièrement son visage. Il était d’un ovale charmant. Elle portait une frange inégale qui lui donnait un petit air rebelle. Sa peau de porcelaine d’une pureté étonnante trahissait un mode de vie aisé. Des teintes du parme à l’indigo nuançaient ses iris d’un violet sombre.

Plus de doute, elle était une Noble de l’Ouest – une Élémentaliste capable d’appeler les éclairs et de contrôler les vents.

— Vous venez du Nord ? souffla-t-elle en reportant son attention sur son verre.

— Mon accent et mon accoutrement répondent à cette question, déclarai-je d’un air désinvolte en faisant tournoyer ma boisson dans ma coupe.

— En effet, acquiesça-t-elle en riant.

Son rire léger était une note détonante au milieu des exclamations bourrues des hommes plus tout à fait sobres, des grincements du bois, du claquement des chopes et des verres.

— Ces sabres… commença la jeune Noble en basculant un regard admiratif sur les deux fourreaux posés contre le comptoir, à ma portée.

— Ce sont mes armes, murmurai-je en haussant les épaules. Rien de plus.

— Je vois, lâcha-t-elle d’un ton laconique devant mon air grincheux.

Plongeant le nez dans ma boisson au goût bien meilleur que l’Eau-de-mer de piètre qualité servie plus tôt, je coupai court à la discussion.

La fille resta assise à côté de moi en silence, se contentant de boire son verre à une vitesse d’escargot en inspectant avec insistance les marques anciennes laissées dans le bois du comptoir. Elle détonait dans la taverne Wildave. Sa place n’était manifestement pas ici, mais dans un château de la noblesse occidentale.

Et j’avais ma petite idée sur son identité.

Cela me paraissait improbable. Incroyable. Totalement incongru. Mais je soupçonnais bel et bien cette inconnue d’être la princesse héritière de l’Ouest. Les couleurs de ses vêtements étaient celles de la noblesse et ses yeux la marque d’une Élémentaliste capable de maîtriser les deux éléments occidentaux : la foudre et le vent. Son accent distingué, sa manière de se comporter comme s’il n’y avait aucun danger, étaient typiques des gens qui vivaient aisément. Pour finir de me convaincre, son visage me rappelait celui raffiné d’un portrait officiel que j’avais aperçu dans la capitale à mon arrivée.

Et je me demandais ce que la princesse pouvait bien fabriquer dans les bas-fonds de Vasilias.


Le roi Silvester Tharros dirigeait les Terres de l’Ouest depuis la demeure royale : le château du Crépuscule, aux murailles réputées impénétrables, perché sur une colline isolée et protégée par les gardes royaux. La succession du Royaume fonctionnait par ordre de naissance ; c’était donc Alice Tharros, fille aînée de Silvester et Trianna Tharros, qui gouvernerait à leur suite.

Et, si c’était bel et bien Alice Tharros à mes côtés, je ferais mieux de déguerpir au plus vite.


J’ignorais la raison pour laquelle la princesse héritière se retrouvait dans cette taverne et, honnêtement, je m’en moquais un peu. Son départ n’avait pas été annoncé et je ne voyais que deux explications à ceci : soit celui-ci était trop récent pour que les nouvelles fussent arrivées à Vasilias, soit on souhaitait que cela restât secret.

Mais j’étais certain d’une chose : je ne voulais pas me retrouver mêlé à la fugue de la princesse. Je finis donc mon verre d’une grande rasade, posai sur le comptoir quatre pièces de cuivre et me levai. Je sentis le regard de la fille glisser sur moi quand je récupérai mes katanas pour les ranger, mais l’ignorai. Mon sabre court passa à ma hanche gauche et le plus long fut rangé en diagonale dans mon dos. Ma besace en cuir était calée contre ma cuisse droite.

— Au revoir, lançai-je au propriétaire en tournant les talons.

Il ne me répondit pas, mais je n’y accordai que peu d’importance. Ce qui m’inquiétait le plus restait ce gars au regard perçant qui me suivait des yeux tandis que je me dirigeais vers la sortie. Même l’arrivée de la prétendue princesse ne semblait l’avoir détourné de son objectif premier. Je ne savais pas si je devais être flatté ou inquiet.


Comme je m’y attendais, deux types taillés comme des rocs se mirent en travers de mon chemin. Je leur jetai un regard noir, mais ils ne cillèrent pas, leurs bras épais croisés sur leur poitrail massif.

— Excusez-moi, murmurai-je en m’avançant à un mètre d’eux.

— Notre chef veut te parler, me répondit celui de droite en inclinant la tête vers la table où était installé le fameux gars.

Celui-ci prit la peine de se lever à la mention de son statut. D’un pas décontracté, assuré, il s’approcha de nous et vint prendre place près de ses hommes. À la vue de ses yeux d’un bleu électrique, peu naturel, ma méfiance augmenta d’un cran : un Élémentaliste. Sûrement ce qui lui avait permis de devenir chef de gang malgré sa carrure beaucoup moins impressionnante que celle de ses hommes. Son choix m’intriguait. Sur les Terres de l’Ouest, si vous étiez capable de maîtriser un élément parmi le vent ou la foudre, alors on pouvait vous donner un titre et des terres. Vous deveniez un Noble – un Élémentaliste occidental. Mais ce gars avait préféré être un malfrat. Peut-être était-ce plus rentable que de gérer des lopins de terre.

— Ian, tu veux qu’on s’occupe de lui ? proposa généreusement le type de gauche en se penchant vers son chef.

Celui-ci secoua négligemment la main en affirmant :

— Nan, c’est bon, je peux m’occuper d’un gamin tout seul.

— Très bien.

D’un geste de leur chef, les deux gaillards s’en allèrent pour continuer à boire. Je reportai mon regard sur le fameux Ian. Il arborait une lourde chaîne en or au cou, des anneaux aux lobes et des bracelets aux poignets dans le même métal.

— T’as là de bien jolies lames, me lança-t-il en zieutant tour à tour mes deux fourreaux.

— En effet, approuvai-je en lui rendant son sourire faussement amical. Mais elles ne sont pas à vendre, désolé.

— Je ne comptais pas te les acheter.

— Oh. Dans ce cas-là, vous pourriez me laisser sortir, s’il vous plaît ?

— Non, gamin, répliqua-t-il en soupirant. Vois-tu, j’ai remarqué que ta bourse était bien remplie, que tes vêtements chauds de Chasseur du Nord devaient bien se vendre sur le marché noir et que tes sabres étaient manifestement de bonne qualité. (Il pointa un doigt agrémenté d’une chevalière en or vers ma poitrine.) Deux options s’offrent à toi, jeune Chasseur. Soit tu nous laisses tes possessions bien gentiment et nous te laissons la vie sauve, soit tu fais l’idiot, tu refuses et… (J’entendis des raclements de chaises derrière moi, signe que ses hommes commençaient à s’agiter.) … je serai obligé de te tuer.

— Ce serait dommage, en effet, soupirai-je en baissant les yeux.

Franchement, ce soir, je n’avais aucune envie de me battre. Juste de marcher jusqu’au port pour prendre mon bateau et m’en aller loin d’Oneiris.

Néanmoins, plutôt mourir que de le laisser mettre la main sur mes sabres.


Cela n’empêchait pas le fait que je ne voulais pas me battre – et que ce type ne valait pas la peine que j’usasse de mes armes et capacités. J’eus donc vite fait de prendre une décision.

— Je ne voudrais pas finir auprès de Lefk aussi tôt, repris-je en levant les yeux vers Ian. Je suis trop jeune pour mourir.

Je ponctuai ces mots d’un rire gras, bientôt rejoint par Ian.

— En effet, gamin.

Son souffle venait juste de finir de franchir ses lèvres quand je bondis vers lui. Me voir arriver les bras ouverts vers lui dut le surprendre, car il me regarda le saisir à bras-le-corps sans vraiment réagir. Mon poids l’entraîna en arrière et il défonça à moitié la porte d’entrée en tombant.

Le malfrat poussa un grognement de douleur quand il s’écroula sur les pavés inégaux de la rue. Il pleuviotait et une obscurité morose s’était abattue sur le quartier. Une carriole à la roue brisée prenait les mauvaises herbes en face de la taverne. Un vieux chien à l’allure pitoyable, abrité sous la charrette, releva péniblement la tête en nous entendant.

Sans me soucier de l’état de mon ennemi, je me redressai et pris les jambes à mon cou.


Bientôt les cris fusèrent derrière moi. Des bruits de course. Des jurons. Le raclement métallique typique des armes. Puis une voix au-dessus des autres :

— Reviens, sale morveux !

Ian. Fâché.

Serrant les dents, j’accélérai et avisai une ruelle sur la droite à une vingtaine de mètres. J’allais l’atteindre quand quelque chose siffla à mon oreille, me faisant plonger au sol par réflexe. Je me redressai et observai le couteau planté entre deux pavés à quelques mètres de moi. Quelques étincelles crépitaient encore dessus.

— Rends-toi ou je devrais balancer ton corps à la mer, lança Ian en s’avançant, un poignard électrifié à chaque main.

Je lui adressai mon sourire le plus désinvolte.

— Faudra donc me balancer à la mer.

Moins d’une seconde plus tard, un nouveau couteau fusait dans ma direction. Je l’esquivai sans mal et surveillai du regard la deuxième arme dans la main de Ian. Ses hommes se trouvaient quelques mètres derrière lui ; Ian avait dû leur demander de rester en retrait : il voulait régler ça entre nous deux.

— Tu ne fais pas le poids, gamin, cria-t-il en lançant son deuxième couteau vers moi.

Avec un bond agile sur le côté, je l’esquivai. Était-ce tout ce qu’il pouvait me montrer ?

Soudain, un éclair me frappa par-derrière. Je poussai un cri et manquai m’effondrer sous le choc de l’électrocution. Il me suffit d’un coup d’œil pour vérifier qu’il s’agissait bien du couteau planté derrière moi qui m’avait lancé l’attaque : les étincelles frémissaient et bondissaient à la recherche d’un matériau conducteur. J’étais tombé dans le piège de Ian. J’avais deux poignards plantés derrière moi et le malfrat devant. Il m’avait coincé dans ce triangle mortel.

Agacé, je serrai les dents en le fusillant du regard.

— Tu devrais peut-être dégainer, me conseilla-t-il d’un air malicieux.

Je posai une main sur le manche de Kan, le sabre court qui se trouvait à ma hanche gauche. Il portait le nom de la déesse du temps. Avec précaution, je le sortis de son fourreau. Le bruit familier du raclement de la lame me ramena à mes nombreuses années d’entraînement.

Ce type ne pouvait pas me battre.


Il y eut un éclair argenté puis un couteau qui fusait vers moi. D’un mouvement leste, je plaçai Kan en travers de mon visage et déviai le poignard sans difficulté. Le crissement entre les deux lames fit teinter mes oreilles presque agréablement. J’étais dans mon élément.

En rabaissant Kan vers le bas, je fléchis les genoux et adoptai une posture défensive.

— Éviter, c’est tout ce que tu sais faire ? grinça Ian d’une voix ricaneuse.

— Tu ne mérites pas plus, répliquai-je d’un ton sec. Toi et tes hommes, allez-vous en avant que je ne me débarrasse de vous.

Il éclata alors de rire en posant une main sur son genou.

— La bonne blague ! Montre-moi donc ce que tu vaux.

Refusant de céder à son appel, je gardai la même position. La colère se mit à flamboyer dans ses yeux d’un bleu intense et il leva la main. Je resserrai les doigts autour de Kan, prêt à affronter la colère du ciel.

Au lieu de quoi, une violente bourrasque d’air froid balaya la rue.

Ce n’était pas un phénomène météorologique normal. Ce vent était trop puissant, trop soudain, pour être naturel. Je le reçus en plein dos, me faisant légèrement trébucher.

Ian, lui, se mit une main devant les yeux pour se protéger des aiguilles de froid provoquées par le vent et par la poussière soulevée.

— Qu’est-ce que… commença le malfrat une fois que la bourrasque fut calmée.

— Laissez-le tranquille, tonna alors une voix féminine de la ruelle où j’avais voulu fuir quelques minutes plus tôt.

Je dévisageai avec surprise la fille de la taverne avancer sans peur au milieu de la confrontation. Ses cheveux noirs et sa cape longue étaient soulevés par la brise légère qui l’entourait. Son regard passa sur Ian et ses hommes puis vint se poser sur moi. Ses yeux violets me sondèrent et je frissonnai.

— Allez-vous en, je m’occupe d’eux.

Hein ? Plutôt mourir !

Agacé, je raffermis ma prise sur Kan puis levai mon sabre, prêt à affronter les deux Élémentalistes si nécessaire.

Mais la fille se retourna vers Ian et leva gracieusement une main au ciel. L’air se chargea d’ozone. Mon cœur sauta un battement quand les nuages noirs qui planaient au-dessus de nous s’amassèrent et grondèrent entre eux. Puis ce que je craignais arriva : la foudre tomba.

À un endroit précis. Pile sur Ian. Pas pour me déplaire, hein. Mais tout de même. Les pavés éclatèrent sur un rayon de trois mètres et les hommes de Ian furent blessés par les projectiles. La terre s’éleva avant de retomber en poussière. Le flash me laissa à moitié aveugle pendant une trop longue minute.

Et, surtout, on avait dû voir l’éclair s’abattre depuis Vasilias. Mais à quoi pensait cette fille en faisant ça au juste ?

— Bon débarras, commenta la fille en se frottant les mains d’un air satisfait.

La brise tournoyait encore à ses pieds, soulevant les bords de sa cape. Énervé, je rangeai Kan dans son fourreau puis me dirigeai à grandes enjambées vers elle. Elle sursauta quand je lui attrapai le bras.

— Par les Dieux, pourquoi tu as fait ça ? m’exclamai-je en la fusillant du regard.

Visiblement stupéfaite que j’élevasse la voix devant elle, la princesse me fixa en silence, pâlotte, avant de susurrer avec rancune et agacement :

— Je viens de vous sauver la vie ! Et vous ne me remerciez même pas ?

Sidéré, je la dévisageai puis roulai des yeux.

— J’aurais très bien pu me sauver tout seul, répliquai-je en tenant toujours fermement son poignet. Et sans attirer l’attention de la moitié de la ville sur nous.

Elle me toisa d’un regard furibond en toute réponse. J’allais reprendre la parole quand une petite étincelle me fit retirer les doigts autour de son bras.

— Commencez par me lâcher, je vous prie, marmonna-t-elle avant de croiser les bras sur sa poitrine d’un air offensé.

Devant sa réaction puérile, je serrai les dents. Bon sang, c’était bien ma veine.

— Pas le temps de s’éterniser ici ! la rabrouai-je en montrant les hommes de Ian qui se remettaient rapidement de l’explosion due à l’éclair. Allons-nous-en avant qu’ils reprennent totalement leurs esprits.

Hésitante, elle m’observa pendant quelques secondes sans savoir quoi décider.

— Par les Dieux, viens avec moi ! lui criai-je en voyant l’un des deux gaillards qui m’avaient bloqué la route se relever.

— Mais… commença-t-elle avant de se taire quand je lui pris de nouveau le bras pour l’entraîner derrière moi dans la ruelle.

Je me demandais bien pourquoi j’embarquais cette fille avec moi. Surtout s’il s’agissait de la princesse. Enfin, tant pis.

L’important, pour l’instant, c’était de fuir les hommes de Ian.

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