Désarticulé

mal adapté

écorché

si les mots pouvaient jaillir

orages de perles hurlantes

jaillir pour expier les affects

affects brouillés

affects silencieux

qui de leur valse

me font sentir scandaleux

blessure infligée d'un genre qui n'existe pas

arracher sa peau pour combattre les regards

les siens, les miens, les leurs

yeux brillants de vie

quand sous les larmes

ils s'illuminent

s'illuminent d'éclairs fragiles

je ne suis rien pour tout un monde

on ne me prononce pas

on lève les yeux et on s'étonne

je n'existe pas

pourtant mon désarroi le sait

quand dans mes oreilles résonne le mot genre

où est ma place ?

comment me savoir ?

pourquoi me voir ?

réponses attendues ne viennent pas

de mes joues glissent des étoiles

qui trouvaient leur place

une place innocente

germée de fleurs et d'accords

mais les notes du piano n'en ont que faire

elles n'en ont que faire

d'être si inlassablement incomprises

elles n'en ont que faire

de me voir sans être d'accord

quand de ce monde, on m'énonce les règles

je n'avais pas entendu que d'être l'autre serait une bataille

bataille sans armes, bataille de la(r)mes, bataille de mes drames

laissant l'océan couler de ma brèche ouverte

de mes fractures brûlantes, de mes sourires évanouis

j'aurais dû, j'aurais dû, j'aurais dû

ne jamais deviner que mon genre ne sonnait pas dans les il et elle communs

que de ce commun, je m'éloignais, que de ce commun, je m’effaçais

quand être le neutre m'apparaissait comme une identité

j'aurais dû accepter les règles, conformer mon image à leurs mots

quelle place puis-je occuper dans ce monde binaire ?

qui suis-je si loin de vos limites ?

qui guide mes mains vers les vapeurs du ciel ?

plus sensible qu'une fleur sous la rosée

moins amer qu'une pluie un jour d'été

aussi doux que les nuits du mois de mai

je n'ai que ce mot comme désignation

je ne suis rien mais je suis tout

je suis moi, je ne suis pas ils, je ne suis pas elles

elle ne porte qu'un nom :

non-binarité.