Chapitre 18 : Feria de Abril

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Elle se laissa faire... Il la serra fort, plongea ses iris noisette dans les siens, caressa ses cheveux, son visage, effleura tendrement son nez avant de l’embrasser. Ces lèvres douces, cette odeur d’agrumes, ce goût de citron meringué... Ils la rendaient dingue, comment pourrait-elle de nouveau s’en passer ?

— Cali, c’est qui le monsieur ? Pourquoi tu l’as tapé avec ton palapli ? C’est un méchant ? Tu veux que je le tape aussi ? interrogea soudain Zoé qui apparut derrière l’écrivaine.

Elle détaillait le beau brun d’un air méfiant, ses petites mains sur les hanches.

— Non je ne suis pas un méchant, je suis son amoureux ! rétorqua Iker, amusé.

Dans une révérence, il retira son chapeau pour saluer la fillette.

— Et bonjour mademoiselle, je me nomme Iker, je suppose que vous êtes Zoé ?

Cali s’approcha de l’enfant en cachant sa bouche.

— Mais je t’autorise à le taper parce que c’est un peu un méchant quand même !

Zoe éclata de rire et saisit avec enthousiasme le parapluie que lui tendait l’écrivaine.

— J’ai tout entendu ! Hééé je retourne à Paris si ça continue comme ça ! s’offusqua le beau brun en se protégeant de nouveau de ses bras.

Au bout d’une trentaine de secondes, la fillette concéda à laisser le guide tranquille, et rentra à l’intérieur sous les appels de sa mère.

— Cali promis, je ne disparaîtrai plus à l’improviste ! Les représailles sont trop douloureuses ! déclara le beau brun en rajustant sa tenue.

— Iker, si c’était imprévu, et important… Je peux comprendre et te pardonner…

Des étincelles illuminèrent les prunelles du sosie de Bart, et un sourire franc s’étira jusqu’à ses oreilles.

— Je peux venir avec vous à la Feria de Abril ? Regarde je suis déjà tout habillé ! Bon, en vérité, dès que j’ai posé mon pied sur le sol sévillan ce matin, j’ai dû prêter main forte au musée. C’est bondé pour l’événement ! En plus je me suis absenté trois semaines, Martha est dans un état désespérant, débita-t-il sans lâcher son regard.

— Oui bien sûr, tu peux venir, avec plaisir ! répondit-elle en lui rendant son sourire.

— Oh, tu as une tâche sur la joue, attends…

Il essuya de son pouce la trace de mascara qui avait malencontreusement glissé sur son visage. Mélodie arriva sans crier gare sur le pas de la porte, suivie d’Arnaud et de Diane qui portait Zoé dans ses bras.

— Eh ben on dirait qu’on est au complet pour y aller ! s’exclama l’étudiante en adressant un clin d’œil à son amie.

— Tu étais au courant ? questionna cette dernière, suspicieuse.

— De quoi tu parles ?

— Qu’il revenait aujourd’hui !

— Qui ? quoi ? Je n’ai rien entendu ! rit Mélodie en se bouchant les oreilles.

*

Durant la Feria de Abril, une petite ville à part entière s’érigeait dans Séville. Un édifice extraordinaire symbolisait son entrée : une arche immense, à l’architecture andalouse. A cette occasion, des centaines de spots et de guirlandes ornaient le monument sur lequel apparaissait fièrement en lettres lumineuses l’inscription “ Feria de Sevilla”. Cali frissonna lorsqu’elle franchit le portail géant, comme si elle basculait dans un autre monde.

Tout le sol du « Feria village » était quant à lui recouvert de terre ocre, le même que l’on retrouvait dans les arènes et les garrigues de la région. Une large artère traversait la ville miniature, foulée par des chars tirés par de magnifiques chevaux aux crinières savamment travaillées, suivis d’hommes et de femmes somptueusement habillés. Lorsque l’écrivaine leva la tête, elle vit des lampions chamarrés accrochés dans les airs, qui donnaient une ambiance magique au lieu.

Des fumets alléchants s’échappaient des stands gastronomiques qui bordaient l’allée, où l’on servait des jambons espagnols, des tapas, des fritures de poisson... Le bruit des verres de bières brassées, de sangria et de vin andalou qui s’entrechoquaient rythmait les notes de flamenco, résonnant inlassablement dans chaque recoin.

Séville dansait, chantait, buvait, mangeait, riait.

Le groupe constitué par les Pichon, Mélodie, Cali et Iker, s’approcha ensuite de la zone réservée aux spectacles. Des chanteurs-guitaristes performaient sur l’estrade, enchantant le public qui frétillait de bonheur.

Iker embarqua soudain Cali au milieu de la piste en la tirant par la main. Zoé agrippa son autre main, et l’écrivaine se retrouva entre son amoureux et sa meilleure copine. La fillette voulait absolument faire la fête; de plus, il semblait qu’elle adorait déjà le méchant-gentil-monsieur-au-chapeau.

Voyant que l’enfant les avait suivis, le jeune homme haussa les épaules, puis décida lui aussi de lui prendre la main. Ils se retrouvèrent ainsi en cercle, puis entamèrent une ronde amusante. Le trio dansa joyeusement sans s’arrêter, sous les rires ingénus de Zoé. Cali n’était pas en reste, elle s’éclatait comme une petite folle… Iker lui faisait toujours cet effet.

— Faites place un peu, mamà y papà ! s’exclama Mélodie qui les avait rejoint, tenant un cornet de jambon espagnol en tranches.

— Miam miam tatie, partage z’ai faim, c’est quoi ? questionna la fillette en se léchant les babines.

Sa marraine lui fit goûter la gourmandise salée. Par contre, le couple se fit prier d’aller en acheter lui-même. Iker et Cali quittèrent donc la piste de danse pour déguster les tapas qui les aguichaient depuis déjà presque une heure.

Tandis qu’ils déambulaient dans les stands, ils croisèrent Catalina et son mari, un homme mûr aux cheveux poivre et sel, tout aussi beau et élégant que sa compagne.

— Cali chiquita, que tu es resplendissante, on aurait dit une sévillane pure souche ! Et ce fringuant jeune homme, je le connais ! Bonjour Iker, tu en as de la chance, d’avoir une si charmante cariña* ! s’écria Catalina en les apercevant.

La romancière l’enlaça vivement et se présenta au fameux Fernando, compagnon de longue date de la patronne de Secreto de Mujer. Ils discutèrent et finirent par boire un verre de blanc ensemble.

Les époux les abandonnèrent ensuite pour aller saluer des amis. Les tourtereaux se rendirent alors compte qu’ils n’avaient toujours pas mangé, et se pressèrent aux stands de nourriture avant de se faire alpaguer par d’autres connaissances.

Sur le chemin, Cali reconnut Renato, le veuf septuagénaire, fidèle client de la boutique de thés. Ce dernier ne la remarqua même pas, trop occupé à se déhancher avec une charmante dame de sa génération - quoique sans doute un peu plus jeune que lui -. La jeune femme esquissa un sourire affectueux. Oh, Renato, tu m’as déjà oubliée ?

Iker aperçut également Martha et ses deux petits enfants. Cependant, la faim dissuada le jeune couple de se diriger vers la collègue du guide, et ils se contentèrent de lui faire des signes de main énergiques.

Victoire. Ils finirent par trouver le Graal : des boquerones*, des poivrons grillés et des croquettes au fromage, avec en sus, une petite table pour grignoter tranquillement.

Alors qu’ils étanchaient leur soif en s’abreuvant aussi de bière fraîche, un bruit sourd se fit entendre. A peine la nuit tombée, des feux d’artifice embrasèrent le ciel et explosèrent au-dessus de leurs têtes.

— Regarde, on célèbre mon retour en grandes pompes ! plaisanta le beau brun.

Cali roula des yeux.

— J’avais oublié ton humour si subtile.

— Pas aussi subtile que celui de Bart !

Cette remarque la fit rire de bon cœur. Il faut dire que l’écrivaine avait doté son personnage principal d’un humour douteux et maladroit - difficile d’être drôle pour un mage noir -, ce qui constituait cependant une grande partie de son charme.

— Nia nia nia… gesticula Cali en grimaçant.

Elle tira la langue à Iker, qui s’empressa de la savourer. Mmmh… Elle vit la lueur multicolore des feux d’artifices se répercuter dans ses beaux yeux noisette, avant de fermer ses paupières et de s’abandonner à un baiser passionné.

La romancière photographia cette image dans sa tête, consciente du bonheur pur et chaleureux qu’elle éprouvait à cet instant...

*

Ils rentrèrent tous les six à l’appartement de Mélodie aux alentours de trois heures du matin. Quelque peu éméchés (les adultes), fatigués - Zoé dormait sur l’épaule de son père -, mais très heureux d’avoir vécu ce moment incroyable qui ne se déroulait qu’une fois par an. Cali ne voulait plus lâcher Iker, et le pria de rester dormir.

— Par contre, je dois te prévenir… Mes règles ont décidé de se pointer hier, ça tombe juste à ton retour, on est chanceux… lui souffla-t-elle tandis que les autres s’installaient dans leurs chambres.

Le jeune homme ne semblait pas vraiment déçu.

— T’inquiète pas, de toute façon je suis crevé, j’ai enchaîné dès mon atterrissage à six heures du matin, je n’aurai pas été très performant… lui répondit-il avec son air taquin, avant de planter un baiser sur sa joue.

— Et puis il faut dire que ce canapé-lit n’est pas des plus solides, surtout que faire des choses dans le salon alors que la famille de Mélodie dort juste à côté ne serait pas vraiment approprié… Pfff… Désolée...

— Cali, cesse de t’excuser pour ça, on s’en fout, je suis très heureux de te revoir, c’est tout ce qui importe !

— Mais Ikeeer ! J’ai l’impression qu’on est maudits. A chaque fois qu’on est sur le point de… enfin… Y a toujours un empêchement !

Elle chuchota :

— Tu crois qu’on arrivera à faire l’amour un jour ? On dirait que l’univers conspire contre nous…

Il pouffa, l’enlaça et susurra au creux de son oreille :

— Je te rappelle qu’on part en road trip dans trois jours. On sera vingt-quatre heures sur vingt-quatre collés ensemble, et tu crois sincèrement que tu ne vas pas passer à la casserole ? C’est que tu me connais mal…

Elle tressaillit.

— Alors j’attendrai patiemment ! Après tout, trois jours de plus, comparé à trois semaines, ça ne change pas grand-chose, répondit-elle.

Trop fatigués pour se changer, ils se débarrassèrent de leurs chaussures, déplièrent le sofa jaune et s’affalèrent en soupirant. Ils se rapprochèrent ensuite jusqu’à sentir leurs souffles se mêler.

— Tu m’as manqué Cali...

— Tu m’as manqué aussi, beaucoup...

Il releva une mèche de son front et plongea son regard noisette dans le sien.

— J’espère que tu me fais confiance, même si je ne peux pas tout te dire encore à propos de mon départ précipité et de mon absence…

Elle hocha brièvement la tête avant d’enchevêtrer ses doigts dans ceux d’Iker, longs et fins.

— De toute façon ça ne fait pas longtemps qu’on se connaît, c’est compréhensible que tu ne veuilles pas m’étaler toute ta vie, déclara-t-elle.

— Pourtant, Cali... J'ai l'impression que je te connais depuis toujours…

Ces mots firent trembler son coeur, piquèrent ses joues de rose. Il caressa son visage, saisit son menton et déposa un baiser si doux et délicat sur ses lèvres qu’il restèrent ainsi immobiles pendant de longues minutes, avant de reprendre leur souffle.

Elle se lova contre son torse chaud.

— Iker, serre-moi dans tes bras s’il te plait.

Il l’enveloppa de son étreinte réconfortante et magique. Elle entendit les battements de son cœur, réguliers et rassurants, sentit sa cage thoracique se soulever à chaque inspiration.

Percevoir aussi distinctement les cycles de son corps tout contre elle lui donnait l’impression qu’ils fusionnaient. Pour rien au monde elle ne souhaiterait se trouver ailleurs que dans ses bras. D'un coup, ses yeux s’humidifièrent dans un panel d'émotions : l’immense joie de le retrouver, la plénitude de l’instant, mais aussi cette peur… cette peur insidieuse qui lui murmurait que ce bonheur pouvait disparaître à n’importe quel moment.

Alors, elle se réfugia plus près encore, s’agrippa à son dos, plaqua son nez contre sa poitrine pour s’enivrer de cette odeur d’agrumes.

Bercés par la tendresse, ils s’endormirent rapidement, lovés l’un contre l’autre.

Cariña : Chérie

Boquerones : Anchois le plus souvent frits accompagnés de citron et de vinaigre. Les boquerones sont parmi les tapas les plus populaires d’Espagne.

Enfin, nos loulous partagent de nouveau un moment ensemble, et quel moment ! J’espère que vous avez apprécié cette feria ? :) Sans oublier le petit instant câlin tout doux :3

Et la fête n’est pas prête de s’arrêter avec le road trip qui arrive dans le chapitre suivant !

Nous arrivons à la “fin” de la première partie de l’histoire. La deuxième partie étant le road trip et la suite et fin :) Je pense faire un peu plus de 30 chapitres en tout.

Quel est votre ressenti, arrivés à mi-parcours ? Aimez-vous toujours autant les personnages ? Ou ressentez-vous quelque chose que vous souhaiteriez me faire partager en MP ? N’hésitez pas je suis à votre écoute, c’est important pour moi ^^

Des bisous et merci encore pour vos commentaires et vos retours qui me portent =) !!!

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