Le Oni des Yasuki

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Le Oni des Yasuki

Les cris résonnaient jusqu’au fond des bois qui bordaient la campagne, la fureur des va-et-vient de Yasunobou étaient si intense que les tatamis avaient fini par s’écarter dans la pièce pour ne laisser que le sol dur et froid sur le front et la poitrine perlante de sueur de Riona. Sous ces halètements et ses gémissements, Yasunobu se faisait de plus en plus rapide et violent jusqu’à ce qu’enfin viennent le moment de l’expiation. Le corps marqué par l’effort et la respiration, il finit par relâcher sa position avant de couper les cordes qui avaient servi à attacher son épouse à l’aide de son tantôt. Riona reprit son souffle pendant quelques secondes, avant de venir se blottir contre Yasunobou désormais allongé sur le sol.

- J’espère qu’on n’a pas réveillé les enfants, pouffa-t-elle.

- Ne t’inquiète pas, ils ont le sommeil lourd, répondit Yasunobou. Ça va toi ?

- Parfaitement !

Elle se lova entre ses bras avant de poser ses lèvres sur les siennes. Elle posa sa tête contre le torse de son homme avant de pousser un long soupir.

- Qu’est-ce qui t’arrive, demanda le ronin ?

- Je m’inquiète pour demain…

- Il n’y a pas de raison mon amour, Yasuki veut sûrement me confier un travail.

- Elle dispose de toute une armée Yas, elle n’a pas besoin d’un ronin pour faire ses basses besognes.

- Sauf si ce qu’elle demande est tellement déshonorant qu’aucun de ces hommes n’accepteraient de le faire ?

- Un assassinat ?

- Sûrement…

- Tu es le rônin le plus connu de côté du fleuve, ce n’est pas très discret de t’engager pour un assassinat. En plus, si tu es fort, puissant et endurant, mon cher mari, la subtilité n’a jamais été ton point fort, pouffa l’épouse.

- Ça n’avait pas l’air de te déranger il y a quelques minutes, répondit Yasunobou. Peut-être que Yasuki t’a attendu hurler depuis Kyuden Yasuki et voudrait se louer les services d’un serviteur aussi dévoué que moi.

- Ce n’est pas drôle, répondit Riona en frappant sur le torse de son mari, tu n’as pas le droit de coucher avec une autre que moi !

- Je t’aime, lança Yasunobou.

Yasunobou ne disait pas souvent, je t’aime, cela donc portait toujours à sa cible lorsqu’il l’employait. Riona fondit dans ses bras et tous deux s’endormirent si paisiblement que le lendemain Yasunobou ne pût atteindre Kyuden Yasuki en temps et en heure.

Après avoir passé plus d’une heure à perdre du temps en protocole, en excuses et en rond de jambe. Yasunobou finit par être reçu par Yasuki. La vieille dame qui était déjà vieille à l’époque où l’empire n’était pas l’empire était en train de boire le thé. Le rônin s’agenouilla respectueusement devant la Daïmyo.

- Je t’en prie, ne fais pas autant de cérémonie, nous savons tous les deux que tu n’es pas comme ça, lança la vieille dame.

- J’essaye d’être un tant soit peu respectueux, je ne suis jamais invité à ce genre d’événements, je suis de ce fait capable de produire l’effort nécessaire. Si j’avais à faire cela tous les jours comme tous vos chiens, je me serais probablement pendu avec ma laisse.

- Tu vas peut-être devoir prendre le coup, elle souffla sur son thé avant d’en boire une longue traite. J’aimerai en effet faire de toi un de mes maîtres d’armes.

- Plaît-il, répondit le rônin interloqué ?

- Tu es un fameux bretteur, ton nom est connu jusqu’à la cour des Doji. Dame Doji elle-même m’a parlé de toi il y a quelque temps. Tu es presque un personnage de roman pour eux, si tu acceptais de me rejoindre, tu vivrais dans l’opulence et moi, j’aurais une des plus féroces lames de notre époque à mon service.

- Je suis désolé Yasuki-Sama, mais je ne peux pas accepter votre offre, je sais que c’est un grand honneur que vous me faites et je vous en suis reconnaissant. Cependant, m’avoir à votre cour vous créerai plus de désagrément qu’autre chose, je ne suis ni très honorable ni très patient. J’ai, de plus, une famille que j’aime et qui m’aime en retour, je ne me croîs pas capable de renoncer à cela et à ma propre vie pour vous servir.

Les quelques gardes présents dans la pièce ne manquèrent pas de montrer leur indignation avant que Yasuki elle-même ne leur fasse le signe de se taire avant de reprendre.

- Crois bien que je comprends ton point de vue. Avant d’être Daïmyo, j’étais moi-même une petite paysanne et je ne dois mon ascension qu’à ma propre filouterie. Mais je te conjure de bien y réfléchir. Tu es un grand bretteur et tu as une très forte réputation, cela attire les convoitises et peut mettre ta famille en danger. Si tu es à mes côtés ta famille n’encourra rien, dit Yasuki pleines de bons sentiments.

- Ma famille est en sécurité auprès de moi, je vous remercie encore une fois de votre proposition, mais ce n’est pas la peine de me la proposer une troisième fois, finit par trancher le rônin avant de se retirer.

Si seulement ce jour-là Yasuki, lui avait révélé la vérité, il aurait peut-être changé d’avis, mais rien n’est moins sûre. Car déjà à l’époque, Yasunobou était quelqu’un de têtue. Yasuki savait ce qui allait se passer, cela lui avait été prophétisé par le Kami du clan de la grue. Les visions de Dame Doji ne peuvent être contrecarrées.

Dans les mois qui suivirent la réputation du rônin ne cessa d’enfler, bientôt des bretteurs vinrent de tout l’empire pour se mesurer à lui, l’un de ces bretteurs étaient Masaki Matsu, fils de Dame Matsu, la plus féroce guerrière du clan lion et peut être de tout rokugan. Ils s’affrontèrent en utilisant les règles de duel protocolaires, se fût même l’un des premiers duels protocolaires de l’histoires à être enregistré par une bardesse Ikoma.

Les fureurs des deux guerriers se frappèrent encore et encore pendant de longues minutes si bien que leurs sabres s’embrasèrent, ruisselant d’étincelles avant de soudainement se briser. Ne pouvant se résoudre à ne pas pouvoir battre un rônin, Masaki dégaina son wakizashi avant de fondre sur le guerrier désarmé. Mais Yasunobou était très entraînés et habitué à se battre désarmés, tandis que le noble samouraï du clan du lion n’arrivait pas à jauger les distances avec une lame bien trop courte pour lui. Yasunobou le désarma à l’aide d’une clef de bras avant de menacer le samouraï de son propre sabre. Le duel était fini.

Ce soir-là, la fête fut grande dans le village, tous les paysans de la région étaient venus féliciter Yasunobou et boire avec lui. Les musiciens jouaient du shamisen et les poètes dédiaient des haïkus à celui que tout le monde acclamait comme le protecteur insoumis du peuple. Ce fût la dernière fête de Yasunobou, la dernière fois où il fut heureux.

En rentrant chez lui, encore éméché, Yasunobou fut alerté par une forte odeur, une odeur de sang. Il dégaina son katana brisé et s’engagea dans la maison le plus alerte possible. Mais c’était déjà bien trop tard. La maison ruisselait de sang, les corps de ses deux enfants étaient étendu sur le sol, égorgés. Ils n’avaient pas souffert, Riona n’eut pas cette chance. Yasunobou trouva sa femme meurtrie de coups de lames et ses vêtements arrachés. Elle gisait au pied de Masaki et de son Yojimbo, en train de se rhabiller.

- Yas, pleura Riona, les enfants…

- Riona, hurla le ronin en se précipitant pour la prendre dans ses bras.

- Ils avaient promis que si je me laissais faire, ils ne leur feraient pas de mal. Ils les ont forcés à regarder avant de me forcer à les regarder les égorger.

- Pourquoi, fît Yasunobou vers les deux samouraïs ? Pourquoi vous en êtes pris à eux, cria Yasunobou en laissant échappé quelques sanglots ?

- Parce que je le peux, répondit Masaki. Je suis le fils de Matsu, je suis un seigneur. Bien que tu m’es battu rônin, je voulais te montrer l’écart réel qu’il y avait entre nous. Ta victoire ne vaut rien car toi-même à mes yeux, tu n’es rien. Tu as beau être un excellent épéiste, tu n’as pas le droit de me toucher alors que moi, je peux rentrer dans ta maison et prendre tout ce qu’il me plaît sans que personne ne me dise…

Il aurait probablement voulu dire « rien » mais n’en eut pas le temps. Yasunobou bondit sur lui comme l’orage frappe la terre et trancha net la tête du seigneur Matsu à l’aide de son sabre brisé.

- Qu’as-tu fait malheureux ? Non s’il te plaît ! Épargne ma vie, supplia le yojimbo ! C’était son idée !

- Si tu n’as pas assez de libre-arbitre pour t’opposer à cela, alors tu n’es qu’un pantin, les pantins n’ont pas besoin d’une étincelle de vie, lança funestement le ronin avant de frapper sa victime avec véhémence pendant plusieurs minutes.

La lame de Yasunobou éclata un peu plus à chaque coup porter jusqu’à ce qu’il ne resta plus que le fourreau. Quand il reprit ses esprits, le Yojimbo de Masaki Matsu n’était plus qu’un infâme tas de chair méconnaissable. Quant à Riona, elle ne respirait plus, sa main était posée sur la cuisse de son mari, elle avait tenté de le calmer, elle était la seule qui aurait jamais pu le calmer, mais cela n’arriverait jamais.

Yasunobou mit le feu à sa maison avant de rejoindre Kyuden Yasuki. Personne ne sut jamais pour Masaki. Depuis ce jour, les paysans disent, que le fils de dame Matsu se cache, de peur de rencontrer celui qui à présent traquait sans vergognes les ennemis du clan de la grue pour leur offrir la mort la plus indigne possible.

Même un Oni pleure

Oui, même les monstres souffrent

Quand personne ne regarde

Même un Oni pleure

Il pleure le temps bénit

Où c'était un homme heureux

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