Et elle est là, tranquille à se sécher au bord de l’eau près de la cascade, comme si rien ne s’était passé.

• Alors c’est tout l’effet que je te fais ?
• Tu me rappelle Izzy, le grand amour de ma vie. Elle était la plus forte en tennis alors qu’elle n’y connaissait rien, elle s’en fichait. Mais la balle, elle la mettait toujours là où elle voulait. Quand le tennis, c’est ta vie, ça fait réfléchir. On se rend compte qu’on n’est rien. J’ai eu plein de vies, bien remplies, accomplies, et voilà que je tombe sur toi. Tu vas avoir aussi ton parcours. Moi, my life is over.

Je m’assois à côte d’elle et je la regarde, elle attend une réponse, un commentaire.

• Peut-être que oui. Peut-être que non. Toi et moi on est là, dans une parenthèse, loin de nos destins et je ne suis pas pressée. Je vais y aller doucement, un jour après l’autre dans l’éternité. Au rythme de la B4. Et au diable la suite. Mais je suis quand même un peu inquiète, on est mercredi et je ne suis pas à mon poste. Rachelle va être furieuse. Surtout que je dois parler à la Cène demain. Qu’est ce que je vais bien pouvoir leur raconter ?
• Facile. Tu leur dis que tu as l’élu en toi et qu’il va jouer un rôle dans la B5.
• Non, pas de B5 à l’ordre du jour. Jamais. Il ne faut pas polluer notre B4. Il faut que cette ère dure une éternité, que ce soit une longue pause de paix dans l’histoire de l’Humanité. Que tout le monde vive ses moments magiques comme toi et moi en ce moment. L’Invisible, les pouvoirs, Dieu, ce ne sont que les outils pour rendre ça possible. Vivre de belles choses. Ensemble.
• Ça a l’air sympa ta B4. Moi j’appartiens à la B3, je suis révolue. Vous allez construire le monde et nous, nous ne seront que des fantômes qui errent dans leur destin accompli. Ça a pas duré assez longtemps. Il faut que ça soit plus long. La civilisation a évolué trop vite. Greta impose un nouveau rythme avec la gestation lente qu’elle a eu avec sa Mona Lisa. La B5 est peut-être une menace. Elle sera un virage sans l’inconnu. On manquait de spiritualité avant votre arrivée, mais de là à en avoir trois couches, j’ai des doutes. En attendant, la vie à l’Ouest est calme, posée. La course est finie. Les couloirs sont vides à l’agence spatiale. Les promos se font de plus en plus rares à Westech. Les gens se réfugient au bord de la plage dans leur maison en bois blanc, là ou le temps s’arrête, où l’évolution est un risque alors qu’à l’Est, on s’agite dans l’effervescence de Sylvania. Maëlle, je te propose tous mes lundis et tous mes mardis, à Laguna Beach dans ma maison blanche. Deux jours, deux sas de décompression entre les semaines actives de ton destin.