Chapitre 1.2 - Engrenages

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Il marcha jusqu'à la télévision et l'alluma. Il fit défiler les chaînes. Pas de nouvelles informations en vue. Toujours les mêmes reportages. Les mêmes lieux sous des angles différents. Pas une seule nouvelle annonce, même dans les bandeaux défilants. L'homme sortit son téléphone portable, mais rien non plus. Il jeta un œil vers le canapé. Il retourna vers son café. Il but une gorgée. Il fit une expiration inquiète tout en fixant la fenêtre. Il s'écoula un temps et l'homme finit son café.

L'homme entendit un cri lointain. Il posa sa tasse et se précipita vers la fenêtre. Il l'ouvrit promptement et tendit tout son buste hors de l'encadrement. Une voix féminine criait de terreur par à-coups. Ses talons claquaient sur le béton et résonnaient entre les immeubles. L'homme saisit la rambarde s'étirant le plus possible pour voir l'action. Il entendait juste ce cri lointain. Aucune visibilité sur la scène. L'homme ferma la fenêtre et couru vers sa porte. Il se prépara aussi vite qu'il pu, claquant la porte et manqua de trébucher en se lançant dans les escaliers. Il dévala le plus vite possible les marches le séparant de l'entrée. Il courut à travers l'allée et enfonça la porte d'entrée d'un coup d'épaule pour sortir rapidement. Se retrouvant dehors, l'homme chercha dans les airs ce cri désespéré. Il l'entendit encore. Cela semblait venir d'une rue derrière lui. Il courut vers le premier croisement. Il rallia à grande enjambée la zone d'où provenait le cri. Un hurlement strident et continue retentit, toujours la voix d'une femme. Cette voix vociférait des bouts de mots incompréhensibles. Pourtant ses sons indescriptibles, envoya une image nette à l'homme. Il sentait dans cette voix, des sanglots, de la terreur et un désespoir cruel. L'homme arriva à l'autre carrefour, débouchant sur une artère un peu plus grande. La terreur se transforma en un cri de douleur immonde. Une douleur si perceptible qu'elle tordait les tripes. L'homme fouilla frénétiquement la rue du regard. Ce cri ne s'arrêtait pas. L'angoisse, les pulsations de son cœur, tout son être tremblait. Il perçu  de l'agitation à un croisement plus haut. Il courut d'un pas plus timide, jusqu'à être en face de l'action. Là, à l'angle de ce bâtiment quelqu'un était étendu. Quatre ou cinq silhouettes étaient voûtées sur une femme, dont seules les jambes se débattaient dans le vide. Le cri effroyable se coupa petit à petit, noyer dans le sang. Les silhouettes cachées par l'ombre dévoraient le cadavre. Engouffrant leur tête au plus profond des entrailles de la victime, les agresseurs engloutissaient et arrachaient  la moindre parcelle de chair, poussant de leurs mains pour amasser  le plus possible de morceaux sanguinolents avant de refermer la bouche en un claquement de dent ignoble. Les silhouettes se repaissaient tels des vautours, vidant le cadavre, engloutissant viscères et peau. Une silhouette sortit de l'ombre, pour se saisir de la jambe du macchabée. La silhouette enfantine mordit avec une telle pression le mollet et en arrachant un coup, peau et muscle.

La peau sembla se déchiré aussi facilement qu'un sac plastique rompant au-delà de son élasticité. La forme enfantine releva la tête laissant glisser l’amas de chair au fond de sa gorge et l'avala d'un coup, se gavant de son repas.

L'homme en face de l'action s'était figé, les yeux crispés, écarquillés. Au bord des larmes, son corps tremblotait mais ne lui répondait pas. Comme s'il ne comprenait pas ou ne voulait pas croire à ce qui arrivait. Il voyait pourtant bien ces personnes en train d'engloutir les restes de cette femme. Il entendait ses os craqués et le bruit des tendons qu'on arrache. Son esprit ne se détachait pas de la scène.

Il secouait frénétique la tête pour dire non. Ses yeux fixés sur le trottoir d'en face. Ces monstres engloutissaient à une telle rapidité un être tout entier, ce n'était même pas animal. Ces êtres autant humains qu'ils semblaient être, faisaient preuve d'un acharnement si anormal. Leurs gestes et leurs postures étaient si inhumains qu'on y voyait seulement la folie.

Son esprit ne réagissait pas, à la fois choqué et fasciné par ce spectacle macabre. L’homme fut tiré de sa torpeur par un soubresaut primitif. Sans réfléchir il engagea la course inverse. Tout son être réagissait intuitivement pour le mettre hors du danger. Lançant toutes ses forces dans sa fuite, il arriva à son immeuble et s'engouffra dans l'allée. Ses poumons le tiraient, il n'arrivait pas à reprendre son souffle, mais il s'engagea avec la même force dans les escaliers.

Il franchit la porte de chez lui et la claqua bruyamment. Il chercha aussitôt du regard ses clés de voiture. Il entra dans la chambre, fouilla la table de nuit. Il saisit un sac. Il ouvrit le frigo et enfourna un litre d'eau et un peu de nourriture. Ouvrant un placard, prit tous les paquets de gâteaux qui s'y trouvaient. Se relevant en panique, il fouilla dans les couverts prenant le couteau de cuisine et un vieux couteau pliant. Il posa le sac fermé sur le canapé. L'homme observa l'appartement vide. Il vit son téléphone. En allant le récupérer, il entendit un petit miaulement plaintif émanent de sous le canapé.

« Faut que je t’amènes. Je ne vais pas te laisser. Non non, faut pas que j'te laisse ! ».

L'homme ouvrit une armoire et tira à lui toutes les affaires qui tombèrent par terre. Il tâtonna vers le fond d'une étagère pour en tirer une boîte. L'homme se mit alors sur le sol pour ouvrir la boîte de transport. Ses mains tremblaient et il avait du mal à activer le mécanisme d'ouverture. La porte de la boîte s'ouvrit enfin. L'homme se précipita vers le canapé et le tira violemment vers lui. La silhouette  du chat apparu. Elle regarda avec surprise son maître et  lui adressa une posture menaçante. Mais l'homme attrapa vivement l'animal et le poussa dans sa boîte. En fermant la petite porte, le maître regarda son chat et lui dit : « Je sais que tu n'aimes pas cette boîte, mais j'ai rien de mieux. ». L'homme récupéra son portable et son sac. Il hissa le sac sur ses épaules, prit la boîte dans la main gauche et ouvra la porte de chez lui. L'homme descendit les escaliers mais cette fois jusqu'au sous-sol.

Les lumières de néons vibrèrent plusieurs avant d'éclairer une longue rangée de garages numérotés. L'homme débloqua le verrou du garage numéro 16. Il souleva la porte métallique. Une petite voiture type citadine se révéla. L'homme chargea la voiture. Il démarra et avança jusqu'à l'entrée principale du sous-sol. Une grande porte lui barrait la route. Il fallait aller activer l'ouverture avec une clé près de la grande porte. L'homme sortit de sa voiture et activa le mécanisme. La porte s'ouvrait lentement par le haut et donnait directement sur la rue. L'homme maintenait la clé enfoncée et s'impatientait. La porte glissait doucement vers le haut. Il semblait y avoir quelqu'un dans la rue. L'homme ne le voyait pas. La silhouette à l'extérieur s'approcha lentement vers l'ouverture.

Une lumière jaune presque blanche commença à illuminer l’intérieur du sous-sol. L’air de la chaude l’après-midi commença à se mélanger à l’humidité rafraichissante du garage. Le moteur de la voiture tournait et une odeur de gaz d’échappement saturait les sens. La porte se soulevait toujours  et arriva à mi- trajet de sa course. L’homme qui s’impatientait eu la vision brouillée par la différence d’intensité lumineuse. La rétine ne put soutenir une telle clarté. L’homme plissa les yeux et mit sa main droite devant son regard. Une ombre paru soudain dans l’entrebâillement de ses doigts. Une forme humanoïde se jeta dans une course formidable à l’intérieur du garage. L’homme impatient n’eut qu’un instant pour pivoter sur ses talons pour éviter l’assaut. L’être qui se précipita tomba lourdement à terre. L’homme lâcha le mécanisme d’ouverture pour retourner dans sa petite voiture. L’agresseur fit un geste pour s’agripper violemment à la jambe de sa victime, mais il ne put tenir prise.

L’homme claqua la porte de la voiture accéléra brutalement en desserrant l’embrayage. La petite citadine blanche rugit et s’élança vivement. L’homme ne s’attacha pas. Il respirait vite et roulait le plus rapidement qu’il put. Il ne regardait que devant lui et coupa par la première rue perpendiculaire qu’il trouva. Il accéléra encore. La vieille citadine rouillée s’emballa et cracha une épaisse fumée noire. L’homme haletant et en sueur donna un brusque coup de volant, les pneus crissèrent et l’arrière de la voiture glissa légèrement. Les objets qu’il avait déposés à l’arrière ballotèrent et un cri puissant et plaintif retentit. Le petit félidé n’apprécia guère le vif changement de direction. L’homme se reprit. Il comprit qu’il roulait comme un dératé. Il avait serpenté dans les rues sans vraiment de but. Il avait fui sans trop réfléchir.

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